Mais rien n’est jamais définitivement perdu. Par son format, par la déclinaison des thèmes, par les témoignages d’acteurs pertinents, le petit livre Presse et Territoires – Une si fertile proximité se présente, l’aspect éphéméride en moins, comme le véritable almanach à jour de la Presse Régionale, quotidienne et hebdomadaire.

Cette Presse Régionale que fréquentent à longueur d’année 8 français sur 10 n’est ignorée que des parisiens, et encore: savent-ils que « leur »  quotidien éponyme est considéré comme régional ? Les informations sont collectées et mises en forme par 5 000 journalistes qui pilotent 25 000 correspondants, ils irriguent villes et campagnes de plus de 35 000 articles chaque jour, ce qui fait de cette offre éditoriale « la plus puissante sur notre territoire national ».

Les auteurs, Jean-Clément Texier et Richard Werly, sont orfèvres en matière de médias. Ils illustrent finement cette puissance des journaux locaux, qui ont pris le virage du numérique sans renier leurs racines imprimées. Cet univers, émetteur d’un flux continu et détenteur d’un stock énorme de contenus exclusifs, attire d’ailleurs des convoitises à l’intérieur et au-delà du cercle des huit grands groupes et des deux entités indépendantes qui le composent. Ce fut de longue date le cas du Crédit Mutuel, grand acteur de la PQR après avoir été l’éditeur de L’Alsace pendant des décennies ; on a vu céder à la tentation Bernard Tapie, maintenant Rodolphe Saadé… Il est étonnant et rassurant qu’en dehors du voisin et « cousin » belge Bernard Marchand, aucun intervenant international ne se soit à ce jour intéressé à ce levier d’influence.

Dans le « chahut de la désinformation », la Presse Régionale reste un lien social fort, couvrant l’actualité « du village au monde ». Quelques exemples cités dans l’ouvrage, pris pendant les périodes confinées, illustrent le rôle de presse refuge que la PQR maintient avec ses lectorats.

C’est l’école de la vie

Certes elle est moins démarquée qu’elle ne le fut des phénomènes de mode (il ne s’agit pas des hauteurs de jupes ou du rabat des cols) lancés de Paris ou de plus loin. Le monopole de l’AFP avec ses choix et ses angles en matière de fourniture d’informations hors région, le recrutement maintenant systématique de journalistes issus d’écoles « reconnues » qui forment et formatent, l’interopérabilité inhérente aux grands groupes, poussent à une normalisation des regards et des analyses, à une facilité qui pourrait masquer les saveurs ou – plus grave – les tendances lourdes du temps.

Mais le journaliste de PQR, pour bien faire son travail, doit simplement, simplement raconter sa journée. C’est l’école de la vie, elle ouvre les perspectives et les journalistes de PQR ont été présents, reçus en confiance sur les ronds-points des Gilets jaunes, comme ils le sont par les syndicats et les groupements d’entrepreneurs, par les milieux associatifs et… par les politiques de tous bords (enfin, presque, selon la géographie).

Cette synthèse Presse et Territoires donne aussi la parole à des dirigeants, tantôt héritiers, tantôt missionnés, témoignages instructifs en ce qu’ils expriment, au-delà de l’obsession de la dernière ligne des comptes, une vision d’un métier, d’une mission, d’une présence au cœur de notre société.

La vision que les Français ont du futur passe par le reflet, pertinent ou pas, que renvoie la Presse Régionale. Avis aux gens de conviction, fréquentez-la, c’est avec ses journalistes que s’écrira un bout d’avenir : il faut lire ce Presse et Territoires.

 Jean-Clément Texier et Richard Werly, Presse et Territoires – Une si fertile proximité. Nevicata, 2022, 96 p., 9 €.