Monde
« Nos dirigeants actuels invoquent souvent la révolution »
Un entretien avec Ludovic Greiling. Propos recueillis par courriel par Philippe Mesnard
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Ainsi des juges ont rattrapé Nicolas Sarkozy et ont satisfait leur vengeance. François Mitterrand avait coutume de dire « Méfiez-vous des juges, ils ont tué l’Ancien Régime, ils tueront la République. »
Il n’est pas certain que cette décision de la cour d’appel de Paris tue la République mais elle a une valeur de symbole. Jacques Chirac avait été mis en examen mais la mort lui a évité de comparaître comme prévenu. Son successeur a eu droit à l’instruction comme mis en examen au tribunal, et à la cour d’appel comme prévenu et condamné. Dans notre constitution, le président de la République préside le Conseil supérieur de la magistrature. Il est celui à qui s’adresse le recours en grâce. Il est donc le juge suprême, héritier en cela du roi dont il tient l’autorité régalienne.
Lorsqu’un président de la République doit aller au commissariat de police pour faire régler son bracelet électronique qui est l’aménagement de sa peine, il perd rétroactivement toute autorité et dépouille par là-même l’institution de ce qui lui restait de majesté. Il n’y a plus donc en France qu’un seul pouvoir, c’est le pouvoir judiciaire. François Mitterrand avait raison, une telle solitude n’annonce rien de bon. Les juges eux-mêmes devraient y prendre garde. Nous savons depuis toujours que le vrai pouvoir de justice est un pouvoir délégué : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en haut », dit Jésus à Pilate.
Lorsque cette délégation n’existe plus, ni dans le droit constitutionnel, ni dans un droit divin, le pouvoir qui dispose de la force armée, des prisons et des sanctions pénales ne connaît plus aucun frein. Là est le vrai danger : une justice, rendue au nom du peuple français, pourra se voir demander des comptes par ce même peuple qui n’a plus d’institution qui le représente.