Les idéologies réactionnaires font l’objet d’un opprobre universel et sont privées de la liberté d’expression. Par ailleurs, à gauche, nul ne se réclame plus de la révolution, du marxisme, du socialisme en général, de l’anarchisme ou d’on ne sait quel projet utopique. Les socialistes au pouvoir, dans tous les pays occidentaux, pratiquent une politique d’austérité, largement favorable aux détenteurs du pouvoir économique. À cet égard, ils ne se distinguent pas de la droite conservatrice, et il leur arrive de gouverner avec elle, comme cela a été le cas en Allemagne, sous trois des gouvernements Merkel. En France, Manuel Valls envisagea, sous la présidence de Hollande, de changer le nom de son parti, reconnaissant qu’il n’avait plus rien de socialiste. Et nos compatriotes ne discernent guère la différence entre les socialistes et les LR, d’autant plus que la mouvance macronienne s’est formée à partir de transfuges des uns et des autres.
Une idéologie d’autant plus redoutable qu’elle est inavouée
Est-ce à dire que la politique actuelle est expurgée d’idéologie ? Que nous assistons à la fin des projets de société, et que les hommes et femmes politiques de tous bords ont renoncé à l’édification d’un monde nouveau ? On aurait bien tort de le croire. En fait, nous baignons en pleine idéologie. Mais, justement, parce que cette idéologie imbibe totalement notre sensibilité, notre manière de penser et la société tout entière, nous ne l’identifions pas comme telle. Nous ayant conditionnés jusqu’au tréfonds de l’âme et du cœur, jusqu’à la moelle des os et au bout des nerfs, maîtresse de notre intelligence, elle nous prive, par là même, de toute possibilité d’une mise à distance qui nous permettrait de la reconnaître pour ce qu’elle est, de la critiquer et de la juger. Les idées, les sentiments et l’éthique qu’elle véhicule nous paraissent les nôtres, et ce le plus naturellement du monde, sans que nous songions une seconde qu’ils sont le résultat d’un conditionnement, d’un intense et permanent travail de propagande et d’endoctrinement. Ce travail est, pour une large part, celui de notre système d’éducation nationale. Mais nul n’oserait mettre en accusation notre merveilleuse école, joyau de notre belle et noble République, fille des « Lumières » et de notre grande Révolution qui a donné au monde les Droits de l’Homme et la démocratie, et, grâce à la Résistance et à la France Libre, a triomphé des odieux pétainistes et collaborateurs fascistes qui l’avaient asservie sous l’Occupation. Ce travail est également celui de notre intelligentsia et de nos élites de la haute fonction publique et de notre classe politique. Mais les unes et les autres ne sont-ils pas les produits de notre prestigieux système d’enseignement, que le monde entier nous envie ? Enfin, ce travail est celui de nos médias. Or, dans une grande démocratie comme la nôtre, les informations sont fiables, à n’en pas douter.
La mutation idéologique d’une gauche désormais déconnectée des problèmes concrets de la population
On le sait, l’idéologie qui formate et gouverne en permanence l’esprit de nos compatriotes est de gauche. Déparée des oripeaux socialistes et marxistes d’autrefois, elle a conservé de la gauche le projet qui constitue sa raison d’être de toujours, à savoir la transformation radicale de l’homme et du monde.
Les gens de gauche d’aujourd’hui ont remisé au grenier le projet d’édification d’une société socialiste égalitaire, donc sans classes, en laquelle l’intérêt individuel s’accorderait à celui de la collectivité, l’un et l’autre recevant toujours plus de satisfaction en raison du progrès indéfini de la science et des techniques, cependant que la divulgation des connaissances par l’école élèverait constamment le niveau intellectuel et moral de la population. L’échec des régimes communistes et celui de la social-démocratie du fait de la fin de l’âge d’or de la prospérité générale des pays occidentaux entre 1950 et 1975 (les pays scandinaves, la Suède en particulier, ont découvert les plans d’austérité, les coupes budgétaires claires, la stagnation des salaires, le recul des prestations sociales d’État et les réformes drastiques des retraites), expliquent pour une large part cette évolution. La gauche a alors délié son projet de la remise en cause du système d’économie libérale et l’a accroché à une éthique fondée sur une radicalisation dogmatique et un élargissement de la démocratie républicaine, étayé sur le legs de la Révolution française, et sur les courants contestataires gauchistes ayant grandement ébranlé les sociétés occidentales tout au long du XXe siècle. Cette mutation, graduelle, très lente – au point d’être imperceptible à qui n’observe pas attentivement ce qui se passe autour de lui –, a été largement le fait de l’intelligentsia (sans que celle-ci ait élaboré quelque plan concerté, loin de là), dont les préoccupations, souvent fort étrangères à celles des gens du commun, ont percolé dans toute la société, d’abord sur les élites sociales et politiques, puis au sein du gros de la population, suscitant le phénomène du « boboïsme », qui traverse toutes les catégories sociales et touche les classes aisées et dirigeantes, les classes moyennes (aisées ou non) et même une partie du petit peuple. Une partie seulement, car ce dernier, peu « branché », et accaparé par ses difficultés matérielles, ne se reconnaît plus dans cette gauche mutante. À tel point que la plus grande partie de son électorat porte désormais ses suffrages sur le Rassemblement national, lequel lui semble plus attentif à ses préoccupations concrètes. La gauche (singulièrement le parti socialiste), depuis que les idéologies socialistes (sociales-démocrates ou communistes) se sont fracassées contre la réalité, depuis, aussi, que ses chefs sont devenus de bons bourgeois bobos hédonistes, attachés à leurs avantages sociaux, et convaincus que le système capitaliste néolibéral, moderne et mondialiste constitue, pour les idées d’avant-garde, un bien meilleur vecteur qu’une société collectiviste, a abandonné tout projet sérieux de réforme économique et sociale, et, avec la caution des « valeurs de la République », des Droits de l’Homme et la prétendue mission émancipatrice de la France, s’est concentrée sur la défense et la promotion des droits de la femme (incluant le droit illimité à l’avortement et à l’insémination artificielle), ceux des minorités LGBTQIA+, et ceux des minorités ethnoculturelles.
La gauche actuelle est déconnectée de la réalité
La gauche actuelle – et ce n’est pas un scoop de le déclarer – est déconnectée de la réalité, de la vie de la grande majorité de nos compatriotes. En quoi consiste la gauche, aujourd’hui ? La gauche, de nos jours, c’est la constitutionnalisation du droit à l’avortement, le droit à la PMA (et, pour certains, pas pour tous, à la GPA), le mariage homosexuel, l’institutionnalisation de l’égalité juridique et morale entre d’une part les « familles » constituées par un couple homosexuel (avec ou sans enfants), ou décomposées et recomposées de façon hétéroclite, et, d’autre part, les familles traditionnelles formées d’un couple marié (ou pacsé) hétérosexuel (et, le plus souvent, d’enfants), la défense rigoureuse, voire la promotion des droits des LGBTQIA+, qui s’ajoutent aux Droits de l’Homme, et, bien entendu, le refus de toute politique efficace de frein à l’immigration massive (politique systématiquement vilipendée et présentée comme « vichyste », et donc invalidée par le Conseil Constitutionnel), la promotion du melting pot, de la société polyethnique et multiculturelle et de toutes les formes de contre- culture.
Nous exagérons ? Plût au Ciel que ce fût vrai ! Ce n’est hélas pas le cas. Pour s’en convaincre, il n’est que de se reporter à des paroles de militants et d’élus de gauche lors des dernières élections, européennes puis législatives. Toutes étaient dirigées, bien évidemment contre le Rassemblement national. Quels arguments ces gens invoquaient-ils contre ce dernier ? Des critiques du programme économique du RN étaient émises, mais elles n’occupaient pas la première place et ne retenaient guère l’attention. Les critiques les plus fortes, les plus répétées, martelées avec insistance, se rapportaient aux droits des femmes dans les pays européens où « l’extrême droite » est au pouvoir (Pologne et Hongrie notamment) et aux positions de « l’extrême droite » française de Vichy vis-à-vis du beau sexe, et à la prétendue hostilité du RN (pourtant facilement démentie par la réalité) à l’égard des minorités sexuelles et des immigrés. Autre exemple : lorsque la gauche fustige le gouvernement de Mme Meloni en Italie, elle laisse de côté sa politique économique et sociale pour se concentrer sur ses mesures restrictives à l’égard des couples homosexuels.
Un implacable totalitarisme fondé sur le conformisme intellectuel et moral et le « politiquement correct »
Tout cela régi par une éthique frelatée fondée sur le plus parfait conformisme intellectuel et la political correctness la plus totalitaire qui soit. Ce terme de totalitaire n’a rien d’excessif. Il est devenu impossible, de nos jours, sous peine de poursuites judiciaires et/ou de sanctions professionnelles directes et avouées ou indirectes et sournoises (sans parler d’éventuelles agressions physiques) de se prononcer contre le « mariage pour tous », le droit illimité à l’avortement ou à l’insémination artificielle, et pour la préférence nationale en matière de politique sociale, entre autres exemples. On invoque, contre ceux qui transgressent ces interdits, les lois sociétales des trente dernières années en faveur des minorités ethniques, culturelles et sexuelles, et la constitution, révisée en faveur de ces dernières, mais, de toute façon, interprétée d’une manière hautement contestable au nom de ses principes humanistes fondateurs et des sacro-saintes « valeurs de la République ». Censément protecteurs et garanties des libertés publiques, les principes démocratiques et la constitution sont ainsi devenus des instruments d’oppression. La démocratie libérale a cédé le pas à une démocratie totalitaire analogue aux anciennes « démocraties populaires » des pays autrefois communistes de l’Est. Avec cette différence essentielle que, dans ces dernières, les gens étaient tout à fait conscients de vivre sous des dictatures qu’ils subissaient dans la peur mais qu’ils haïssaient secrètement et dont ils réprouvaient les principes comme les pratiques. Tel n’est pas le cas présentement dans notre pays. En effet, nos compatriotes sont intimement persuadés que, malgré leurs difficultés de toutes sortes, il vivent sous le meilleur des régimes possibles, et qu’il est légitime d’interdire d’expression tout ce que nos « élites », notre classe politique, notre intelligentsia et nos médias abhorrent et condamnent comme les derniers avatars de « l’extrême droite », responsable des « heures les plus sombres de notre histoire ».
En un tel contexte, les libertés en prennent un coup. À vrai dire, le pouvoir ne les respecte plus. Comme nous l’avions dit en un précédent article, dans ces colonnes, les interdictions de réunions publiques et de manifestations, les condamnations judiciaires et les dissolutions de formations et associations politiques pleuvent sur ceux qui se démarquent du « politiquement correct » en vigueur.
Un absolu conditionnement moral et intellectuel de la population
De cela découle une situation aussi aberrante que paradoxale : les Français (entendons, la grande majorité d’entre eux), quoique fort critiques envers leurs dirigeants, et ne se reconnaissant plus en eux, au point d’accorder leurs suffrages à un parti honni, adhèrent spontanément au conformisme intellectuel et moral ambiant, et ne trouvent rien à redire aux nombreuses atteintes aux libertés de pensée, d’opinion, de réunion et d’expression portées par le pouvoir (qu’ils exècrent pourtant) contre ceux qui bravent le « politiquement correct », au point même d’accepter qu’au nom de ce dernier, certaines mesures répondant pourtant à leurs vœux, soient rendues impossibles. Ainsi, les Français, bien qu’ils se sentent et se déclarent, dans leur grande majorité, favorables à une préférence nationale en matière d’aides sociales, ont approuvé, lorsque cette dernière a été inscrite dans la « loi Immigration » du 26 janvier 2024, l’opposition de la gauche à cette mesure, le refus de 32 présidents de conseils départementaux de l’appliquer, et son invalidation par le Conseil Constitutionnel. Tel est l’effet produit par l’habituelle propension de la classe politique à bafouer le vœu de la population, avec le concours des médias et de notre intelligentsia. En invoquant à grands sons de trompe les « valeurs de la République » et le passé glorieux de notre nation, mère des Droits de l’Homme, de la démocratie, et de la fraternité des peuples, nos élites parviennent à amener nos compatriotes à désavouer leurs propres revendications et à accepter de subir les conséquences de l’application sans nuances des grands principes qui font prétendument leur fierté et l’honneur de leur pays. Ainsi, face à un problème comme celui de l’immigration et de ses conséquences sur notre économie et notre culture (et, pour tout dire, notre identité), notre nation est atteinte de ce qu’en 1986 Louis Pauwels appelait un « sida mental » la mettant dans l’incapacité de réagir aux maux qui la frappent. La gauche a réussi l’opération d’un absolu conditionnement moral et intellectuel de la population, devenue aliénée au sens étymologique du terme. Elle a beau avoir déçu chaque fois qu’elle a exercé le pouvoir, le parti socialiste peut bien avoir reçu de magistrales déculottées à plusieurs reprises au point d’être devenu minoritaire même à gauche, les Français, conditionnés par leur école, leurs médias et leur classe politique, restent superstitieusement accrochés à leur mythe de nation élue jouant le rôle de flambeau des peuples sur la voie du progrès, de la démocratie universelle et des libertés.
Peu importe les hommes (et les femmes), pourvu que l’idéologie gouverne leur esprit
D’ailleurs, qu’importe la ruine des grands idéaux socialistes et autres ? Le rêve de la démocratie mondiale gouvernée par une classe politique éclairée des lumières d’une élite de l’esprit demeure, et c’est l’essentiel. Que l’on vive mal en France (et en Europe) ne pose guère de problèmes à la gauche : on n’y peut rien, c’est comme ça, c’est une fatalité, on ne lutte pas contre les réalités économiques mondiales. François Mitterrand ne déclarait-il pas, en 1993, à la fin de son double septennat : « Contre le chômage, on a tout essayé », reconnaissant que toutes les mesures s’étaient révélées inefficaces, et incitant tacitement les Français à ce que, en 1831, Casimir Périer, le président du Conseil de Louis-Philippe – et le symbole de la bourgeoisie la plus férocement conservatrice – appelait « la patience et la résignation ». Peu importe à la gauche qu’une femme subisse un harcèlement au travail, du moment qu’elle ne souffre pas un harcèlement sexuel. Qu’elle connaisse des fins de mois difficiles avec découverts bancaires, qu’avant et après sa journée de travail, elle doive encore s’épuiser à s’occuper de ses enfants et du ménage. L’essentiel est qu’elle puisse épouser une autre femme et se faire inséminer ou avorter à sa guise. Voilà où en est la gauche de nos jours. Les Français n’attendent rien d’elle, mais se sentent tenus d’adhérer à la political correctness qu’elle a imposée et qu’ils finissent par considérer, l’habitude aidant, comme le comportement normal.
L’acceptation de l’inacceptable
Dès lors, nul (ou presque) ne s’étonne plus de rien. On accepte tout, même l’inacceptable. On trouve normal que le parti ayant obtenu le plus grand nombre de voix et de sièges de députés aux dernières élections soit privé de toute présidence ou vice-présidence de commission à l’Assemblée nationale grâce à la pratique du « cordon sanitaire ». On trouve normal que des réunions publiques soient interdites au nom d’une interprétation tendancieuse de la constitution, ou de lois scélérates peintes aux couleurs de la lutte contre les discriminations (ethniques, religieuses ou sexuelles) et contre « l’appel à la haine » (la gauche est toute tendresse, c’est bien connu, et cultive l’amour du genre humain). On juge normales les condamnations et sanctions de toutes sortes qui pleuvent sur les non-conformistes. « Il est interdit d’interdire » était un des slogans des soixante-huitards. Avec leurs héritiers, au contraire, tout n’est qu’interdictions, obligations, prescriptions et réglementations.
Une radicalisation continue
Et cette tendance ne risque pas de s’inverser. Certains problèmes actuels jouent un rôle déterminant dans son renforcement. Tels les problèmes environnementaux. La pollution généralisée, la mise à mal des écosystèmes régulateurs de la vie sur terre, le réchauffement climatique, ont provoqué une radicalisation de l’écologisme politique. Ce fait n’est d’ailleurs pas très nouveau : durant les années 1970 et 1980, René Dumont, l’initiateur de ce mouvement en France, citait en exemple le modèle économique et social spartiate de l’Albanie communiste comme propre à éviter la surconsommation et la gaspillage, et donc respectueux de l’environnement. De nos jours, le philosophe Dominique Bourg cite admirativement le Sri Lanka comme pays écologiquement responsable, avec son bas niveau de vie, et préconise les mesures de réglementation et d’interdictions les plus contraignantes en matière de chauffage, de climatisation, de consommation énergétique en général, de choix d’automobiles, et même de déplacements, et va jusqu’à opposer la « liberté positive » à la « liberté négative », identifiée par lui comme celle de nuire à la communauté, volontairement ou non. Quand on arrive à limiter ainsi la liberté, il y a de quoi s’inquiéter. La liberté positive de Bourg évoque les anciens pays communistes est-européens, avec leur bilan « globalement positif » et leur conception orientée et restrictive de la liberté. Seul le parti communiste y existait. En Allemagne de l’Est, le pluralisme existait, mais, en dehors du parti communiste, seuls quatre partis étaient autorisés, qui ne formaient pas une opposition, mais étaient des alliés des alliés de celui-là. Dans la Chine de Mao Zedong, la pratique du dazibao (affiche murale de « libre expression » de l’opinion publique, rédigée par les citoyens de base) n’autorisait que les critiques « constructives » visant à l’amélioration du socialisme en vigueur, à l’exclusion de toute remise en cause de ce dernier. Voilà à quoi tendrait le régime de « liberté positive » de Bourg s’il était appliqué.
Mais cette conception de la liberté est devenue générale. De nos jours, contester le droit illimité à l’avortement, à la PMA ou au mariage homosexuel, se déclarer favorable à la préférence nationale en matière d’emploi, de prestations sociales ou de logement, critiquer l’influence délétère de l’immigration extra-européenne, vous rejette dans le camp des pestiférés, des maudits, des nostalgiques de Vichy et du fascisme. Au début de cette année, Jean-Luc Gleize, président socialiste du conseil départemental de la Gironde, justifiait son refus d’appliquer la loi Immigration en affirmant qu’avec elle, « nous touchons du doigt une France qui risque de voir revenir, blanchies, les idées de Vichy ». Le régime de Vichy restauré 80 ans après sa disparition ! Macron héritier de Pétain ! C’est énorme. Mais nul ne moque, ne brocarde, cette énormité. Nos compatriotes, par conformisme, par pusillanimité, par superstition, par lâcheté, souscrivent à de tels propos. On leur fait avaler n’importe quoi, même ce qui, la veille, leur paraissait extravagant, surréaliste. Ainsi, le véganisme et l’antispécisme, naguère marginaux, ont fait des progrès stupéfiants; non que leurs adeptes soient encore très nombreux, mais ils le sont davantage qu’auparavant, et ils bénéficient d’une cote de sympathie appréciable au sein de la population, dont des fractions non négligeables envisagent avec bienveillance une alimentation future sans viande.
La gauche gouverne en permanence même lorsqu’elle n’exerce pas le pouvoir
Ainsi, la gauche nous prépare l’avènement d’un meilleur des mondes politiquement et écologiquement correct étayé sur une morale de toc droits-de-l’hommiste et universaliste, un hédonisme vegan et un individualisme borné par les « valeurs de la République » et la censure exercée par les médias, l’école et les institutions culturelles. Nous disons bien « la gauche », car c’est elle qui gouverne en permanence notre pays, même lorsqu’elle n’exerce pas le pouvoir. La droite a depuis fort longtemps abjuré toutes ses valeurs et a adopté celle de ses opposants. Cela aussi, ce n’est pas un scoop. Mais autrefois, les idées de droite avaient droit de cité, bénéficiaient de la liberté d’expression et étaient défendues par des gens qui osaient encore se réclamer d’elles et se prononcer contre celles de leurs adversaires. Tel n’est plus le cas aujourd’hui, où l’adhésion aux idées de gauche est devenue obligatoire, et où nulle limite n’est mise à l’application de ces dernières. On ne s’est pas contenté de cesser de persécuter les homosexuels, on leur a accordé le droit de convoler en justes noces et d’avoir des enfants. Et, à l’esprit d’un nombre croissant de personnes, la lutte contre le mauvais traitement infligé aux animaux implique, à terme, la conversion du genre humain à l’antispécisme.
Il y a de cela une bonne trentaine d’années, Alain Touraine, sociologue, lâchait ces mots, au cours d’une émission télévisée : « Le nazisme, c’est la droite qui devient folle ; le stalinisme, le maoïsme ou les Khmers rouges, c’est la gauche qui devient folle ». Il faisait allusion, à l’évidence, à la Shoah, à la dictature hitlérienne, à la terreur stalinienne, au Goulag soviétique, à l’implacable totalitarisme de Mao Zedong, aux terribles famines qui ravagèrent l’URSS sous Staline, puis la Chine, à ces saturnales machiavéliques, démentielles et meurtrières que furent la Révolution culturelle chinoise, à la folle tyrannie massacreuse instaurée au Cambodge de 1975 à1979, et aux millions de victimes de tous ces régimes, humiliées, spoliées, violées, torturées, tuées au travail ou assassinées. Et, en effet, on pouvait parler là de folie, de folie meurtrière, de folie totale, absolue. Mais on doit redouter aujourd’hui l’avènement déjà largement en cours d’une folie d’un nouveau type : celle du meilleur des mondes que nous évoquions plus haut, planétaire, sans patrie ni traditions, ni identité, peuplé de clones et d’ilotes, en lequel, comme c’est d’ores et déjà présentement le cas, un homme peut dire « mon époux » ou « mon mari » en parlant d’un autre homme, cependant qu’une femme peut dire « mon épouse » ou « ma femme », en parlant d’une autre femme. Un monde obligatoirement végétarien. Un monde où, comme on l’a déjà récemment, une paisible mère de famille peut se voir mise en garde à vue et poursuivie pour une gifle donnée, dans un accès de colère, à son insolent d’ado de fils. Un monde où un gouvernement ne peut prendre aucune mesure légale et démocratiquement adoptée contre l’immigration massive sans provoquer, de la part de ses adversaires, la saisie du Conseil Constitutionnel, la saisie du Conseil d’État,et la saisie de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Le plus déjanté des dadaïstes n’aurait pas rêvé mieux.
Depuis au bas mot un siècle et demi, la gauche gouverne intellectuellement et moralement notre pays. Mais, jusqu’à présent, elle se contentait (si on peut ainsi dire) d’ambitionner l’édification d’une démocratie socialiste égalitaire d’inspiration marxisante. Désormais, elle aspire à bâtir un monde de cauchemar adossé à un pseudo-humanisme étayé sur une morale frelatée et perverse. Le plus consternant est qu’elle a entraîné tout le monde à sa suite, y compris ses « adversaires » de droite, et qu’en conséquence, elle ne tolère plus d’opposition à ses idées.