Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
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Il est terrible pour un pays d’avoir pour chef un esprit faux.
Notre président s’agite : il essaye d’être sur tous les fronts. Partout, ce ne sont que discours, les uns soigneusement préparés, prolixes autant que minutieux, les autres jetés à la venvole comme autant de propos perdus où se glissent des répliques incongrues qui ne révèlent que trop ce que l’homme est et ce qu’il pense.
Il s’exténue et il exténue ses ministres à tenter de résoudre des problèmes, en fait, dans le cadre actuel, sans solution. Il le sait, d’ailleurs, pertinemment. Plus rien de ce dont s’occupent l’État et les pouvoirs publics, ne fonctionne correctement en France. Les premiers à le dire sont les ministres concernés : « le pays est à réparer ». Bravo pour ceux qui sont passés avant !
Des mesures sont prises ; les fameuses ordonnances promulguées ; des lois votées à tour de rôle. Après l’annonce d’une renaissance qui se ferait grâce à la vaste conception d’un programme différent, plus intelligent et mieux adapté que tous les autres, ces mesures, décidées les une après les autres, paraissent quelque peu dérisoires et personne ne comprend ni ne voit quel bénéfice en tirer. Chacun, en revanche, évalue ce qu’il va lui en coûter, particuliers ou collectivités : moins d’aides, voire pour certains beaucoup moins ; moins de revenus ou de recettes, voire beaucoup moins. Inutile ici d’aller dans le détail. Les coups de rabot sur certains secteurs deviennent des coups de hache : emploi, logement, bâtiment, administration des territoires et des collectivités à qui sont retirés 13 milliards au bas mot, industrie, commerce, tout en souffrira.
On a beau dire, au vu de quelques chiffres, que la situation s’améliore ; le citoyen de base a le clair sentiment du contraire. Les responsables publics savent fort bien, eux, qu’ils ne peuvent plus arriver à faire vivre les communautés, les collectivités, les institutions et les établissements dont ils ont la charge. Si l’on savait au moins à quoi sert l’effort exigé !
Très joli de dire que la flexisécurité (!) revitalisera le marché du travail et redynamisera l’économie : vient un moment où les mots ne sont plus que des mots. Plus personne n’est content. Groupe après groupe, corps après corps, profesion après profession, tous se retournent contre un président et un gouvernement dont il est permis de se demander s’ils ont encore le souci des Français.
Leur cote de popularité, paraît-il, remonte ; mais que signifie-t-elle ? Les évènements prennent peu à peu une allure tragique : pas seulement à cause des menaces du terrorisme, mais à cause d’un sentiment diffus d’insécurité générale que tout le monde éprouve, nationale et sociale, morale autant que matérielle. Que dire aux Français qui voient démanteler et brader, avec le consentement des plus hauts responsables, leurs plus beaux fleurons industriels, les uns après les autres, dont Alstom est l’exemple-type ? Et sacrifier leur agriculture à l’Europe et aux traités imposés de la mondialisation ? Et livrer leur commerce à un libre-échange aberrant ?
Macron, que peut-il ? Que fait-il ? Eh bien, c’est là toute la question ! Il suffit de bien l’écouter pour comprendre ? Il est, au fond, indifférent à la situation française actuelle ; à la vérité, il se considère comme au-dessus. Il s’active, certes, mais il resitue ses actions dans le plan grandiose qu’il a dans la tête et qui, pour lui, est le guide de sa réflexion et de sa vie. Il le dit clairement : les réformes qu’il entame pour la France, ne sont entreprises que pour satisfaire à des exigences futures, premières adaptations qu’il envisage progressivement pour mettre la France d’hier à l’heure de l’Europe de demain. Pas de l’Europe d’aujourd’hui ! De l’Europe de demain dont il a conscience d’être le promoteur attitré et dont il exerce en vertu d’un charisme supérieur la mission prophétique. Entendez-le proférer son oracle sur la Pnyx, devant le Parthénon ! Écoutez-le enseigner son docte savoir à la Sorbonne : il délivre en longues phrases qui se veulent lyriques, son message au nouveau peuple de l’Europe qu’il interpelle pour l’engager sur la voie sublime de l’avenir. Il sait ce qu’il faut à l’Europe ; il le propose ; il va même l’imposer. « La feuille de route », comme il dit, de la nouvelle Europe, celle qui doit la sortir des erreurs du passé récent pour retrouver l’élan des pères fondateurs, est déjà établie. Et par ses soins. Il possède la vision, la vraie, l’intelligente, celle à laquelle tous ne peuvent que se rallier.
C’est une refondation, mais non bureaucratique et normative. « Ceux qui voudraient fantasmer une identité figée ne savent donc pas quel est le mythe né sur ces rives : celle d’une métamorphose constante… ». Voilà l’idée qui doit stimuler l’imagination ! Rien n’est pire que « le rétrécissement sur les frontières », « le recroquevillement ». L’Europe des chiffres et des techniques y avaient cédé, en quelque sorte.
La souveraineté ne doit plus appartenir aux nations, aux États. C’est à l’Europe nouvelle d’assumer toute la souveraineté qu’il est nécessaire et moral d’arracher aux nationalismes, car le nationalisme est le mal absolu, principe de haine et de division. « Le repli national est un naufrage collectif » ; toute action limitée au cadre national n’est plus, de nos jours, qu’« une absurdité ». Qui ne saisit qu’une réforme institutionnelle s’impose dans la logique de cette conception ? « Il faudra inventer une gouvernance forte qui nous fera souverain, avec un budget de la zone euro, avec un véritable responsable exécutif de cette zone euro et un parlement de la zone euro devant lequel il devra rendre compte. » Et déjà, lance-t-il, « je veux défendre pour les prochaines élections européennes des listes transnationales » !
Les peuples ne sauraient dire « non » ; sinon – et c’est ce qui est arrivé – les dirigeants sont obligés de manœuvrer dans l’hypocrisie. Pas de référendum donc, mais de la pédagogie : « Que partout où les dirigeants choisiront de suivre cette voie, et je le souhaite avec ardeur, dans chacun des États membres, nous puissions pendant six mois (le premier semestre 2018 !) organiser des consultations, des conventions démocratiques qui seront le temps durant lequel partout dans nos pays nos peuples discuteront de l’Europe dont ils veulent. ». Et ce sera, bien sûr, l’Europe de Macron ! N’est-ce pas génial ? Ce sera, dit-il, « la vraie démocratie », « la vraie souveraineté », car ses propositions ont toujours cette caractéristiques d’êtres « vraies ». Le reste est fausseté, mensonge, stupidité, incohérence. Les « il faut », les « on doit », les « je veux » rythment ses phrases, toutes impérieuses, qui déroulent son plan implacable et grandiose.
Et, dans son discours à la Sorbonne, d’énumérer tous les domaines, en insistant sur le numérique, bien sûr, pour faire ultra-moderne, où cette Europe souveraine, enfin démocratique, s’imposera comme la grande puissance du futur. Merveille qui éclairera l’humanité tout entière et d’où rayonneront sur le monde les valeurs de l’Humanité, du Droit, de la Justice et de la Culture.
Ah ! la culture, comme Macron en parle, quand il évoque cette Europe « plurilinguistique » – eh, oui ! – où tout jeune aura à cœur de parler au moins deux langues ! Lesquelles, au juste, direz-vous ? Le français ? Que bientôt le petit Français ne saura plus ? Vous n’y êtes pas : « Nous sommes, nous, Européens, les habitants de cette improbable Babel que la diversité des langues et des traditions ne cesse d’enrichir et d’enthousiasmer ! » Là, Macron fait plus fort que le vieil Hugo dans tous ses délires !
Pour mener à bien ce projet immense, il jette à la volée des idées qui se traduiront, annonce-t-il, en autant de « chantiers ouverts », « d’autorités » instituées, « d’agences » créées, « d’assises » tenues, des trucs, encore des trucs, toujours des trucs ! L’Europe de la simplification ! Quoi !
Comme citoyen d’Europe, lui qui se dit « jupitérien », il a cité, avec aplomb, Périclès « l’Olympien» et désigné le Parthénon comme le temple fondateur, oubliant que Périclès, aristocrate défenseur du peuple, n’était guidé que par la seule pensée de la grandeur d’Athènes qu’il mettait au-dessus de tout, et que le Parthénon était le temple de l’unique Athéna, la déesse protectrice de la cité. Rien de plus contraire à toutes ses billevesées. Au mieux, Macron n’est qu’un médiocre Isocrate, prêt à livrer au Thrace, au Barbare, la merveille unique de la civilisation française.
En vérité, Macron n’est qu’un faux prophète : ses promesses de bonheur se tourneront en malheur !