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« Notre-Dame, la première cathédrale destinée à l’accueil des athées et des postchrétiens. »

Entretien avec Matthieu Wariou, historien de l’art.

 

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« Notre-Dame, la première cathédrale destinée à l’accueil des athées et des postchrétiens. »

Notre Dame va être réaménagée selon un programme pensé par le diocèse de Paris et proposé à l’État. Ce réaménagement est-il une nécessité due à l’incendie ?

Oui et non. Toute une partie du mobilier liturgique a effectivement été détruite lors de l’incendie. L’autel de Jean Touret, par exemple, qui appartient au diocèse de Paris et non à l’État puisqu’il a été commandé après 1905, a été endommagé mais il n’est pas prévu à ce jour de le restaurer. L’orgue de chœur a également été endommagé et doit être restauré. De même, les bancs ont brûlé. Tous ne sont pas détruits mais ceux qui subsistent ont majoritairement été contaminés par les suies. Il faut donc bien réfléchir à un nouvel autel, doter la nef d’assises, revoir également l’électricité et l’éclairage pour permettre la tenue de la messe.

En revanche, le projet proposé par le diocèse va bien au-delà. Il prévoit notamment de transformer les chapelles latérales afin de proposer un « parcours catéchuménal », c’est-à-dire un parcours initiatique à la découverte de la foi chrétienne. Or, évidemment, ce projet n’est pas nécessaire au regard de l’état desdits chapelles. Mis à part les éléments cités plus haut, l’intérieur de Notre-Dame a été préservé par l’incendie. 

Si je comprends bien, au lieu de restaurer l’intérieur, on le transforme ?

Oui. Mais ce genre de transformations est encadrée par la loi. Les monuments historiques se préoccupent surtout de ce que les projets proposés ne soient pas destructeurs. Le principe qui doit guider ces interventions est celui de la réversibilité : on peut placer une œuvre contemporaine, une fresque ou même projeter des versets lumineux sur les murs. L’important est que l’on soit en mesure de pouvoir les retirer dix ans plus tard et de retrouver l’aspect initial. Mais cette précaution est bien insuffisante. En effet, elle ne protège pas l’édifice d’un aménagement qui changera en profondeur la vision qu’on en avait avant l’incendie. Comment imaginer que le diocèse propose un projet d’une telle ampleur pour ensuite le retirer ? Tout le monde sait que la réversibilité n’est que théorique. Elle ne garantit en aucun cas qu’on retirera ce qui serait raté. 

Le diocèse était-il déjà intervenu sur les aménagements intérieurs voulus par Viollet-le-Duc ?

Oui, comme d’ailleurs dans beaucoup d’églises anciennes confrontées à la réforme de Vatican II. L’autel de Viollet-le-Duc étant au fond du chœur, il a fallu en placer un nouveau au centre du transept. Cet autel des années 1970 a ensuite été changé pour celui de Jean Touret installé une première fois puis reculé à l’entrée du chœur. Le XXe siècle s’est caractérisé par un certain flottement dans l’aménagement liturgique. 

Certains éléments de l’époque de Viollet-le-Duc ont été remisés car ils entravaient la nouvelle liturgie issue de Vatican II, ce qui était somme toute logique. Il s’agit notamment de la clôture de chœur. En revanche, il était bien plus difficilement compréhensible de faire déposer la couronne de lumière qui éclairait la croisée du transept. De même le lutrin de Viollet-le-Duc a été remisé dans le Trésor alors qu’il était parfaitement fonctionnel. Il fait d’ailleurs aujourd’hui encore l’admiration des visiteurs. Ses vitraux en grisaille qu’on trouvait dans les fenêtres hautes ont également remplacés. Enfin, les chapelles latérales étaient peintes de motifs décoratifs qui ont progressivement été lessivées dans les années 1950. 

Au total, à part les luminaires de la nef et des chapelles du déambulatoire aux peintures défraîchies il ne restait pas grand-chose de l’époque de Viollet-le-Duc dans la cathédrale sinon les chapelles latérales avec leurs autels sur lesquels on trouve des sculptures de Victor Geoffroy-Dechaume ainsi que les confessionnaux. Le projet du diocèse prévoyait de les retirer. 

En fait, on détruit un peu plus ce qui n’était déjà plus respecté au lieu de profiter de l’occasion pour remettre en état la cathédrale selon les normes et les usages en vigueur dans ce genre de restauration ?

Oui, c’est à peu près ça. Mais il faut bien comprendre que, comme je le disais plus haut, les normes et usages en vigueur ne sont pas si monolithiques ou contraignants que cela. Si ce qu’on propose est réversible cela ne pose pas de problème. Lorsqu’on a retiré les grilles du chœur on les a remisées dans les tribunes. Théoriquement on pourrait les réinstaller. Mais tout le monde sait que cela ne se fera jamais.

Le projet actuel prévoit que pour les 28 murs des 14 chapelles latérales de la nef 18 soient occupés par des « zones de création ». C’est une attitude volontariste qui est très inhabituelle de la part d’un diocèse, qu’il faut ici souligner et qu’on serait tenté de saluer si on ne devait craindre le résultat. Car des noms ont circulé, et Anselm Kiefer ou Louise Bourgeois n’ont pas une expression plastique conciliable avec l’édifice. Et si Ernest Pignon-Ernest est un artiste figuratif, la dernière fois qu’il était intervenu à Paris c’était pour Les Gisants, en 1971 : il avait alors installé les dessins des morts de la Commune au pied du Sacré-Cœur de Montmartre. Curieux choix que de faire appel à un artiste communiste aussi revanchard pour Notre-Dame de Paris. 

L’une des idées du diocèse est de faire “dialoguer” des œuvres d’art anciennes et contemporaines. Que pensez-vous des artistes et des œuvres contemporaines proposées ? 

On en ignore tout pour le moment. Les artistes dont le nom ont circulé figuraient sur une liste indicative. Rien n’est a priori décidé. On sait qu’il y aura surtout des œuvres abstraites dont le caractère forcément hermétique sera tempéré par des versets projetés dont on a dit qu’il y aurait des traductions en différentes langues. Ce qui est certain, c’est que si on maintient une réouverture en 2024 on ne peut qu’être inquiet : superviser la création de 18 œuvres en moins de deux ans pour un édifice aussi important ne peut mener qu’à un désastre. Et puis les ayants droits des artistes peuvent faire valoir leurs droits moraux sur l’œuvre et protester si on veut modifier quelque chose. L’art contemporain aussi est protégé : même si les lois et règlements ne sont pas ceux du patrimoine mais de la propriété intellectuelle, ils existent et sont contraignants.

Comment se fait-il que le ministère de la Culture valide un tel réaménagement ?

La commission nationale du patrimoine et de l’architecture n’a pas validé ce projet. La plupart des propositions ont recueilli un avis très réservé. En revanche le ministère a choisi de communiquer de façon très positive. Pourquoi un tel enthousiasme ? On l’ignore. Tout ce qui se passe à Notre-Dame, tout ce qui se décide est frappé du sceau du secret. L’opacité est totale ce qui est très troublant alors même qu’un franc maçon athée comme Castaner affirmait, au lendemain de l’incendie, que « Notre Dame n’est pas une cathédrale mais un commun ». Les élites qui décident de l’avenir de ce « commun » – qu’il s’agisse du diocèse, de la ville ou de l’État – ont une drôle de façon de restaurer ce qui nous appartient à tous… il est inenvisageable qu’il n’y ait pas de débat et que l’option qui soit retenue soit adoptée en catimini et sans discussion.

On peut toutefois se risquer à une hypothèse : on sait qu’Emmanuel Macron a renoncé à son projet de flèche contemporaine. Le projet du diocèse vient à point mais a une faiblesse : il ne sera pas financé par la souscription nationale. Si l’Église n’arrive pas à trouver l’argent elle aura besoin de l’aide du ministère. Cela lui permettra ainsi de proposer ses services. Emmanuel Macron ne peut qu’en sortir gagnant : si les gens n’aiment pas, ce sera la faute du diocèse. S’ils aiment, alors ce sera grâce aux libéralités d’Emmanuel Macron. 

Du point de vue de l’historien de l’art, comment le chantier global de la restauration de Notre-Dame et de l’aménagement de l’Ile de la Cité, avec la réaffectation de l’Hôtel-Dieu, aurait-il pu être pensé ?

Plusieurs options pouvaient, peuvent ? exister : celle du diocèse, revenir à l’état d’avant l’incendie ou même profiter de l’occasion pour restituer les aménagements de Viollet-le-Duc. Cette dernière option permettrait de retrouver et recréer le décor historique, parfaitement documenté, conçu par Viollet-le-Duc. Il faudrait élaborer un plan de remeublement en fonction des inventaires anciens et des sources archivistiques, replacer les bons meubles aux bons endroits, retrouver les objets historiques, mener une politique d’enrichissement des collections pour acquérir ce qu’on appelle dans notre jargon des « équivalents », négocier prêts et dépôts avec des institutions souvent exigeantes sur les conditions de conservation et de sécurisation, travailler avec des socleurs, des installateurs, des décorateurs. Il faudrait mener une réflexion sur l’agencement de chaque espace, sur l’articulation des objets entre eux, sur les perspectives visuelles. C’est un travail immense mais qui permettrait de redonner de la cohérence à un lieu historique, de lui redonner vie et beauté, charme et signification. 

Les arguments avancés par le diocèse sont-ils étayés d’un point de vue de l’histoire de l’art, d’autres expériences touristiques ?

Oui et non. Ils affirment s’installer dans une continuité historique ce en quoi ils n’ont pas tort car l’Église a toujours été à l’origine de la commande. En revanche, là où ce parcours catéchuménal est nouveau, et donc en rupture avec l’histoire, c’est qu’il s’adresse d’abord à ceux qui sont étrangers au christianisme. C’est un parcours découverte qu’on essaie de nous présenter de façon positive en disant qu’il s’agit d’un parcours initiatique. Il n’en reste pas moins qu’on adapte le discours de Notre-Dame de Paris afin que son entrée dans le XXIe siècle soit placée sous le signe de la déchristianisation. Ce sera la première cathédrale destinée à l’accueil des athées et des postchrétiens. 

Propos recueillis par Philippe Mesnard

Illustration : la Fête du pain en octobre 2021, prétexte pour mettre en scène la cathédrale.

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