Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
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Un quinquennat s’en va. Un nouveau quinquennat s’en vient. Où passera notre garde des Sceaux ?
À vrai dire, je pense que tout le monde s’en moque, avec raison. Ce n’est pas la moindre des significations.
Garde des Sceaux, en France, royaume où l’autorité s’est imposée par sa capacité à rendre la justice, ce n’est pas rien. Il fut un temps, dont j’ai gardé le souvenir, où ce ministère venait en second juste après le Premier ministre. Ce temps est révolu, comme est révolu le temps où cette fonction appelait des hommes de sagesse, d’honneur et de pondération, jusqu’à l’excès : les portraits de certains gardes des Sceaux faisaient éclater un humour que le sujet de l’œuvre ne percevait pas obligatoirement. Le chancelier Séguier a-t-il mesuré l’ironie que Largillière a mise dans cet amas d’honneurs et d’encens que le peintre a accumulés dans son portrait ?
Je n’ose pas écrire un grand vide, car l’adjectif est de trop. Même le « rien » qui ouvre le Caligula de Camus, « toujours rien », a trop de majesté théâtrale pour ce petit rien de rien du tout, ce creux insignifiant qui ne donne prise à aucun commentaire. Comment de telles outrances de plaidoirie, de telles postures médiatiques, cette provocation aux allures révolutionnaires et populistes, ont-elles pu accoucher d’une si minuscule souris dont personne ne parle ?
Il ne faut pas incriminer l’homme seul. Sans doute n’a-t-il pas su résister à l’attrait des dorures de la fonction et du séduisant confort des salons ministériels sur fond de cour et de jardin mitoyens des grands palaces. Mais la réalité est plus grave. Les charges de la vie publique ont toujours un sens qui dépasse l’instant ou l’homme qui les porte. « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’En Haut » dit Dieu Incarné au pauvre Pilate, misérable juge de la terre. Quelle que soit la désignation et quel que soit le désigné, la charge – qui dépasse la fonction ou les honneurs – a quelque chose de divin. Quand ce divin se dissout dans l’inexistant, il faut se poser la question : à qui la faute ? à l’homme ou à la fonction ?
L’homme, ici, n’était pas sans épaisseur. C’était donc la charge qui, loin de profiter de cette vitalité, l’a dissoute dans l’insignifiance.
Il faut le reconnaître, avec les yeux de l’expérience, le garde des Sceaux, aujourd’hui, dans la République, ne représente plus rien. Comme la justice dont il est le ministre et les nouveaux tribunaux qui, dans leur absence d’architecture, ont ravalé leur fonction à un emploi de sécurité sociale. Y a-t-il une poésie dans la Surintendance de la Sécurité sociale ?
Le verre, l’acier, les ordinateurs et les panneaux électriques au service de juges confinés dans leurs bureaux accessibles seulement aux personnes masquées et badgées n’inspirent ni la crainte ni la confiance… seulement le désintérêt, et, en définitive, l’ennui.
Eric Dupond-Moretti, acquitator des cours d’assises, chéri des médias, tribun barbu du populisme judiciaire devenu ministre chargé de l’ennui ! Une image de la Macronie !