Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
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L’homme croit en lui-même ; il sera bientôt le dernier à y croire.
Les institutions françaises n’ont tenu jusqu’à maintenant que par le concours des Français. En y adhérant de plus ou moins bon gré et tout simplement par habitude, somme toute, conservatrice, en dépit d’un dégoût assez généralisé pour l’activité politique jugée peu ragoûtante, ils leur conféraient par leur accord et leur pratique une légitimité d’usage qui contribuait à leur maintien. Et ces institutions, fragiles en elles-mêmes malgré la réputation de solidité qu’elles s’accordaient à elles-mêmes, s’affermissaient par le renfort continu du plus formidable appareil législatif jamais connu – loi sur loi, règlements à tire-larigot –, même dans les démocraties comparables et malgré le coût faramineux que représente en France la puissance publique et parapublique.
Pour l’opinion publique, façonnée depuis plus de deux siècles par l’idéologie au pouvoir, la république était même plus que l’ordre légal : c’était un donné révélé issu des grands principes de la Révolution, formulé en dogmes intangibles qu’il n’était pas question de contester. L’esprit critique pouvait s’exercer en tout domaine sauf sur la question des fondements politiques et de la forme du gouvernement qui ne sauraient être remis en cause, même quand, à l’évidence, la réalité montrait à la fois le mensonge et la malfaisance du mythe démocratique. Peu importait : il fallait y croire. Pour que l’affaire continuât.
La vie politique française était ainsi conçue comme la forme la plus achevée de la démocratie, instituée à cet effet et sans cesse perfectionnée pour le bonheur du peuple et le contentement des Français. Toujours plus de démocratie, toujours plus de bonheur ! Pas question de revenir sur un tel schéma. Personne n’y songeait, même dans les partis d’opposition. On luttait pour conquérir le pouvoir, on ne remettait pas en cause le pouvoir tel qu’il fonctionnait. L’idée simple qui habitait et qui habite encore ceux qui s’adonnent à la politique, c’est que si c’est eux qui prennent le pouvoir légalement, tout ira mieux ; le problème sera résolu ; il n’y a pas de question d’institutions ; il n’y a pas de mécanismes politiques qui pourraient entraver leur volonté de bien faire, puisque tout se ramène à fabriquer des lois à la demande. Ceux qui possèdent le pouvoir, aussi étonnant que cela puisse paraître, pensent de même. Écoutez-les ; laissez-les faire ; ils savent où est votre bonheur ! Et ils s’engagent à faire, mieux que les autres, les lois nécessaires. Même au temps où il existait vraiment, le parti communiste entrait dans cet accord fondamental, malgré sa théorie. Sauf les trotskystes et lambertistes qui se reconvertissaient la trentaine passée en carriéristes de la politique. Tel Jospin !
Quelle conception, qui utilise tous les subterfuges de la liberté pour progresser vers la société de la coercition sociale, « le meilleur des mondes », en totale liberté aussi bien qu’en soumission parfaite ! Seuls les royalistes continuent inlassablement à émettre leur critique de principe, mais, il est vrai, elle reste jusqu’à ce jour sans réelle influence sur le cours des choses.
La République ne fonctionnait que parce qu’elle vivait de la France et des Français. Il y avait encore jusqu’à ces derniers temps suffisamment de citoyens bien éduqués et bien formés, qualifiés et honnêtes dans leur travail, de haut en bas de la société, dans l’administration et dans la société civile, au niveau de l’État comme dans les entreprises, pour que l’affaire France marchât ou, du moins, pût marcher.
Le sommet de l’État était la proie des partis, les administrations territoriales pareillement, mais ces péripéties électoralistes étaient inscrites dans le cours des choses ; et les Français depuis maintenant si longtemps s’étaient habitués à cette fausse et désastreuse normalité qui, chez eux, représente bien plus qu’une simple alternance à la mode anglo-saxonne.
Cependant, faute de principe supérieur de cohérence sociale, la France se délitait peu à peu ; l’État accompagnait et payait ; les principes juridiques de l’individualisme constitutif de la nouvelle société étaient brandis pour battre en brèche systématiquement l’ordre traditionnel. L’immoralité était la règle suprême de la vie politique selon le principe édicté par Juppé : « D’abord on gagne, ensuite on voit. » Toutefois le tissu social, déjà abîmé, n’était pas encore durement affecté. Comme il l’est aujourd’hui.
Un Giscard, tout corrompu qu’il fût, pouvait redresser la barre dans les moments difficiles, par exemple lors du choc pétrolier, et lancer avec toute l’ampleur nécessaire le nucléaire français. Il avait à sa disposition les hommes et les institutions qu’il fallait pour une telle entreprise. Sur le plan extérieur, en 1978, il réussissait l’exploit de Kolwezi. L’État était encore capable et la France aussi. Il faisait passer la loi Veil, mais ni lui ni même son milieu n’en aurait fait usage, sauf pour les à-côtés, perversité caractéristique des hautes classes bourgeoises catholiques qui font dans la démagogie. De même il est certain qu’il voulait revenir sur le regroupement familial quand il fut informé de ses conséquences désastreuses. Bref, il savait, il pouvait savoir et il pouvait encore agir en conséquence. Comme chef de l’État.
Mitterrand prit le pouvoir en 1981 dans les circonstances qui sont connues. Dans les deux ans, il changea radicalement de politique. Il était intelligent, il était informé. Des gens compétents le renseignaient. Malgré son mensonge perpétuel, il savait qu’il était le chef de l’État d’un pays qui s’appelait la France. Il fit le nécessaire avec sa roublardise coutumière. Il commit l’erreur d’accrocher la France à l’Allemagne en pensant accrocher l’Allemagne à l’Europe ; il aurait dû mieux se souvenir des leçons de ses maîtres de jeunesse, Maurras et Bainville. Toutefois il avait encore, au milieu de ses turpitudes, le sens de l’honneur français. « Non, Monsieur Elkabbach, vous ne me ferez jamais dire que la France est coupable ».
Avec Chirac, il y eut des hauts et des bas. L’homme était prisonnier de sa démagogie. Donc il déclara la France coupable, ça faisait bien. Il jeta la France dans la coalition internationale contre la Serbie mais se refusa à suivre les Américains dans l’affaire d’Irak. Quand il se déplaçait à l’étranger, il préparait ses dossiers et seuls lui importaient les intérêts des entreprises françaises. Il s’était converti à l’Europe en pensant que la France y avait son intérêt et aussi par anti-lepénisme primaire. Il était superficiel, mais il était français, même s’il n’avait pas le goût français. Il avait autour de lui et à son service des gens instruits et expérimentés.
Sarkozy n’était pas fait pour être chef de l’État. Il n’y est parvenu que par ses tours de saltimbanque, en faisant croire qu’il allait remettre de l’ordre alors que tout s’effondrait. Comme toujours, l’ordre à coups de lois. Aucune philosophie politique, aucune sagesse, une tromperie continue et d’abord sur l’Europe avec le traité de Lisbonne. Malgré tout en 2008, il sauva l’euro et peut-être même l’ordre financier et monétaire international ; car ses conseillers étaient des hommes de l’art. Ça marchait encore quand il les écoutait, en politique intérieure, en politique extérieure.
Hollande n’aurait jamais dû être président. Ce bourgeois médiocre, égoïste, faiseur de bons mots, n’a aucune idée juste de la politique. Et de la politique française en particulier. C’est un homme de parti et rien d’autre. Aucun comportement extérieur de chef de l’État. Dès le début, il fut fait prisonnier par son trésorier de campagne du groupe de pression LGBT qui, en contrepartie, exigea le mariage pour tous. Ainsi se fait la politique française. L’avis de ses généraux le détermina à intervenir en Afrique, mais c’était sans politique suivie ; il en était totalement incapable.
Et, maintenant, voilà Macron pour la deuxième fois. L’homme est seul ; ses conseillers lui ressemblent ; même psychologie ; même incompétence froide que dissimule une fausse compétence scolaire, livresque et idéologique. Des idées de quatre fois rien comme ligne directrice. Du McKinsey au million d’euros la page ! Et surtout aucun intérêt pour la France, un mépris des Français sans cesse affiché, surtout à l’étranger. Des lois dans tous les domaines, toutes dans le même sens de la prise en main étatique, du « sociétal » en veux-tu en voilà, l’avortement constitutionnalisé, l’euthanasie, tout y passe. Il n’y a plus personne au niveau de l’État pour penser à la France et à son avenir. Macron est prêt à livrer les intérêts français – ce qu’il a déjà fait – à l’Allemagne en tout domaine pour poursuivre son rêve de construction européenne. Il a perdu l’Afrique ; il a tout concédé dans le processus migratoire qui submerge la France. Il court le monde pour se donner l’illusion d’exister. Car il ne peut plus rien, sauf brader ce qui reste de France. Et, pour se la jouer écologique, il fait croire maintenant qu’il va construire des RER sur toute la France.
La France va mal, très mal. C’est une banalité de le dire. La société française est définitivement fracturée. Le pire est à nos portes, demain chez nous. Les risques économiques, financiers, politiques avec l’intensité guerrière qui ne cesse de monter, deviennent considérables. Y aurait-il des décisions à prendre, nul ne sait comment elles seraient prises. Macron est seul. Il place ses affidés au point que c’en est honteux. Mais ses stipendiés sont nuls ; il n’a plus personne en état de l’aider. C’est la fin d’un système. C’est peut-être aussi la fin d’une République qui aura épuisé la France. Puisse la France y survivre et les Français comprendre la leçon d’un tel désastre.