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Louis XVI, un monarque à réhabiliter

Chaque année, les partisans de la monarchie se rassemblent pour honorer la mémoire du roi Louis XVI, guillotiné lors de la Révolution française. Présents à cette commémoration, deux princes français : Jean d’Orléans et Joachim Murat. À cette occasion, ils ont échangé leurs points de vue respectifs sur la figure de Louis XVI et les événements ayant conduit à la mort du dernier monarque de l’Ancien Régime.

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Louis XVI, un monarque à réhabiliter

On recense en France un nombre très limité de statues du roi Louis XVI. Un chose qui peut paraître étonnante alors que ce monarque est intrinsèquement lié à la fin de l’Ancien Régime et à la Révolution française. Chaque 21 janvier, les fidèles de la monarchie se rassemblent à Paris pour commémorer la mémoire du roi. Condamné par la Convention, il y a 231 ans, Louis XVI a été conduit par un froid glacial à la guillotine installée sur l’actuelle place de la Concorde, afin que sa tête y soit tranchée. Avant de se retrouver au sein d’une marche aux flambeaux organisée en souvenir du roi, suscitant quelques curieuses inquiétudes à la préfecture, les royalistes avaient choisi de se recueillir à l’église Saint-Germain l’Auxerrois, autour du prince Jean d’Orléans, comte de Paris. Affichant fièrement des pins fleurdelysés à la boutonnière, toutes générations confondues, ils ont assisté à la messe. Aux côtés de celui qui est le Chef de la Maison royale de France, un couple invité surprise, le prince Joachim Murat et son épouse, la princesse Yasmine. Ces deux princes, se plaçant sous le signe de la réconciliation, cousins de surcroît, comptent dans leur généalogie des figures majeures associées à ce chapitre tragique de notre roman national.

Sujet de diverses caricatures en son temps, les stéréotypes sur Louis XVI persistent encore aujourd’hui dans l’esprit des Français. Monarque incompétent, roi fainéant, tyran écrasant le peuple de taxes, plus préoccupé par la réparation des serrures et la chasse que par le sort de ses sujets, etc., l’histoire écrite par les vainqueurs n’a pas épargné ce Capétien. « Le roi a initié un certain nombre de réformes, notamment sur divers aspects sociaux de son époque. Il était très proche des populations, en particulier lors des différentes crises qui ont frappé le royaume », souligne le prince Jean d’Orléans. Des réductions d’impôts à l’abolition de l’esclavage dans les domaines royaux en passant par le développement du commerce, Louis XVI est même crédité du premier rapport public sur les coûts, qu’il a drastiquement réduits, de la monarchie. Une image positive qui contraste avec celle dont souffre habituellement Louis XVI.

La Révolution, un malentendu français

Pour les passionnés du Premier Empire, le nom de Joachim Murat sonne comme le claquement d’un sabot de cheval au galop sur un champ de bataille, où l’homme originaire du Quercy a accumulé gloire et renommée à de nombreuses reprises. Le futur maréchal de Napoléon a brièvement servi dans la garde du roi, mais cet épisode ne lui a pas laissé des souvenirs impérissables, selon ses biographes. Héros d’Eylau, Murat a rapidement embrassé les idées de liberté et d’émancipation offertes par la Révolution française. « Louis XVI avait le sens du sacrifice. Il s’est toujours inscrit dans la tradition de la monarchie française, de protéger le peuple contre les puissants qui avaient tendance à abuser de leur position. Malgré tout, il n’a pas su accompagner les changements de fond auxquels aspirait la société française mais il n’a pas eu l’autorité suffisante pour sauver la monarchie. N’oublions pas, néanmoins, qu’il a hissé la France au rang de puissance navale surpassant même l’Angleterre. Louis XVI était un passionné d’explorations. Il est à l’origine de l’expédition de La Pérouse », rappelle le descendant du Maréchal Murat. Élevée à la dignité royale par Napoléon Ier, la Maison Murat a hérité du royaume de Naples entre 1808 et 1815. Une dynastie honorée par l’Italie pour avoir jeté les bases du Risorgimento (muratisme) et avoir offert ses fils à la patrie lors des deux Guerres mondiales.

« Louis XVI était imprégné des idées des Lumières, tout en ayant été éduqué selon les principes de l’absolutisme. Il avait lu les philosophes. Malheureusement, il n’a pas été un précurseur, a sans doute manqué d’autorité, et a échoué face aux Parlements. Encore faut-il parler de cette guerre d’Indépendance dans laquelle il s’est engagé, et qui a asséché les finances du royaume malgré les efforts déployés », analyse le comte de Paris. « Il refusait de verser le sang des Français, une constante chez les Bourbons », poursuit-il. Le prince Murat acquiesce, ajoutant : « Louis XVI hérite d’une situation très difficile et fera face à des circonstances exceptionnelles et dramatiques. Il a manqué de discernement et n’a pas saisi l’appétit des Français pour une monarchie constitutionnelle. Une soif d’égalité animait la population. Il est probable que s’il avait accepté cette réforme souhaitée par le peuple, avant le déclenchement de la Révolution, la République aurait été proclamée beaucoup plus tard après une transition passant par un régime de monarchie constitutionnelle », conclut l’arrière-petit-neveu de Napoléon Ier. L’Empereur lui-même, critique envers l’institution royale, a également condamné la sauvagerie de certains acteurs de la Révolution française, avant d’imposer l’ordre lors du coup d’État du 18 brumaire (1799) avec la suite que l’on connaît.

Le 14 juillet 1789, les Parisiens prennent d’assaut la forteresse de la Bastille, symbole de l’arbitraire. Peu avant cet événement majeur, considéré comme le déclencheur de la Révolution française, Louis XVI avait signé un décret ordonnant la destruction de cette prison qui n’accueillait plus que quelques individus déséquilibrés, escrocs ou aristocrates placés là par leur famille pour corriger leurs enfants dévergondés. Les deux princes sont d’accord : « les Français ne souhaitaient pas renverser la monarchie ». La chute du roi va les surprendre, le pouvoir passant rapidement entre les mains d’une élite affairiste partagée entre deux influences, modérée et extrême. C’est cette dernière, dirigée par Maximilien de Robespierre, dont « le bilan est indéfendable », selon le prince Murat qui s’étonne qu’on puisse encore trouver des personnes pour le défendre, qui finira par s’imposer, instaurant un régime de Terreur dont la Vendée et la Bretagne feront les frais. Un épisode retracé dans le film Vaincre ou Mourir, l’épopée de Charrette, produit par le Puy du Fou, que le comte de Paris recommande vivement. « La décapitation du roi Louis XVI et de son épouse a été un choc pour la majorité de la population française. Elle symbolise brutalement la transition entre un pouvoir de droit divin et la souveraineté populaire qui d’Empires en Restaurations connaitra bien des chaos avant de se stabiliser dans la Vème République », ajoute Joachim Murat.

En 2015, alors ministre, Emmanuel Macron, avait affirmé que les Français ne s’étaient jamais remis de la mort du roi Louis XVI et que cela perdurait dans leur subconscient. Durant la campagne présidentielle, le futur président de la République s’était même rendu à la basilique Saint-Denis où reposent le corps de Louis XVI et de sa famille. « Je partage fermement cette conviction. Il ne faut pas oublier que cela a été quelque chose d’extrêmement violent. La condamnation du roi était purement idéologique. Les ruptures d’une telle envergure ne sont jamais bénéfiques », explique le comte de Paris.

Vitalité du royalisme

Bien que partagés entre deux tendances, de nombreux mouvements se réclament encore de la monarchie. Les mariages royaux continuent de susciter un grand intérêt et une forte curiosité. Depuis 1870, date de la chute du Second Empire, plusieurs tentatives de restauration de la monarchie Bourbon ou napoléonienne ont même eu lieu. Le dernier projet connu remonte au début des années soixante tant pour les royalistes que les bonapartistes. D’ailleurs, « la République n’est pas le régime qu’il faut aux Français », comme le prétendait de son vivant le Général de Gaulle. Très proche de feu le prince Henri d’Orléans (1908-1999), grand-père du comte de Paris, le héros de la Libération avait puisé dans l’esprit capétien pour établir la Constitution de la Ve République. Du côté des chiffres, 17% des Français avouent souhaiter le retour de la royauté, selon un sondage réalisé par l’institut BVA en 2016. « Les Français sont monarchistes de cœur et républicains de raison », aime à résumer Jean d’Orléans, descendant de Louis-Philippe Ier, dernier roi des Français (1830-1848).

En fin de commémoration, aux côtés du prince et de la princesse Murat, entre deux bains de foule, le comte de Paris a ouvertement exprimé son désir de voir Louis XVI élevé au rang de saint ou de bienheureux en raison des actions propres qu’il a menées. Plaidant en faveur de cette réhabilitation, le prince Jean rappelle que Louis XVI a été, en réalité, la victime et non le responsable de la Révolution. Il insiste sur l’importance de redonner à Louis XVI sa place légitime et politique au sein de l’histoire de la France. Peu importe le fait que son ancêtre, Philippe Égalité, ait voté la mort de son cousin avant de subir les affres du rasoir national en 1793, Jean d’Orléans assume pleinement cet héritage familial qui est le sien sans renier ses côtés sombres : celui de tous les rois qui ont contribué à construire la France, qui ont façonné ainsi les racines d’un arbre séculaire sur lequel repose notre Histoire et qui ont consacré la nation en tant que puissance internationale.

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