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L’imposture

L’homme du 18 juin s’est créé sa propre stature historique. C’est, dès le départ, le principe de son action : dominer.

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L’imposture

Ensuite il la met en scène, la justifie et la glorifie. Il fallait qu’il fût à lui seul toute la résistance. Il ne s’est employé pendant toute l’occupation, à Londres d’abord, puis à Alger, qu’à cette fin personnelle. Son dessein était de se constituer une légitimité qui ne fût due effectivement qu’à lui seul et qui lui assurât le pouvoir politique, son unique but et à la vérité son unique souci. Au nom de la France qu’il prétendait incarner dans un moment tragique, il ne fit pas la guerre à l’Allemagne ; il utilisait les gens qui lui faisaient confiance à cet effet, ce qui lui procura ainsi une flatteuse couverture. Si ses actes, sa stratégie, ses décisions tactiques, ses discours même sont examinés comme il convient et replacés dans leur contexte en dehors de la légende, il apparaît à l’évidence que de 1940 à 1945 toute son énergie ne fut consacrée qu’à délégitimer les autorités françaises, toutes les autorités, politiques, administratives, militaires et même religieuses, et exclusivement françaises, pour mieux revendiquer l’autorité suprême qui devait dans son imagination lui échoir en tant que telle en raison d’une légitimité personnelle antérieure et supérieure que l’événement, à savoir la défaite, avait en fait révélée. L’ennemi s’appelait Pétain, Giraud, Darlan, même Juin, même de Lattre, bref tout concurrent potentiel, et non pas Hitler ni l’Allemagne. D’où toutes ses manœuvres, surtout à partir de 1942 pour récupérer à son profit toute la gloire de la libération et tous les instruments politiques pratiques de la domination de la situation.

Il laissait les Giraud, les Juin, les vrais défenseurs de la patrie, l’armée de Weygand et tous les volontaires d’Afrique du Nord, de l’Empire ou venus de métropole, partir à la reconquête du territoire. Lui, s’en gardait bien. Il faisait même tout pour les gêner par en-dessous dans leur stratégie, arrêtant Juin en Italie dans sa course vers la victoire. Il ne s’occupait, quant à lui, que de nouer les fils de sa politique personnelle. Sans tirer d’autres coups de feu que contre des Français. Ceux qui l’ont le mieux compris s’appellent Churchill et Roosevelt : ils savaient à quel personnage ils avaient à faire. Leur correspondance en parle savamment.

Jacques Boncompain après avoir écrit Je brûlerai ma gloire, cet ouvrage décisif qui réhabilite la mémoire du maréchal Pétain en montrant comment cet homme s’est offert en 1940 pour tenter d’atténuer les malheurs de la France vaincue, poursuit son œuvre en publiant, comme une sorte de second tome, La tragédie du Maréchal. L’auteur, spécialiste de la période et qui a étudié au plus près les dossiers de l’épuration, en particulier dans la presse et la littérature, reprend l’ensemble de la question Pétain-De Gaulle. Le lecteur s’aperçoit qu’au vu des pièces du procès, c’est De Gaulle qui devrait être condamné pour son comportement inadmissible autant qu’illégal. Il ne servait pas les intérêts de la France, il poursuivait son œuvre personnelle d’élimination de tous ceux qui s’opposaient à son accession au pouvoir. Avec une vindicte terrible et souvent meurtrière, y compris contre ses frères d’armes.

Jacques Boncompain analyse en contrepoint le procès du Maréchal dont pas une accusation ne tient en réalité devant un esprit juste et droit. Mais il était jugé par des ennemis – on saura même comment par une indiscrétion – et pour satisfaire la vengeance gaulliste et communiste. De Gaulle refusa toute possibilité d’accord qui eût mis fin à une querelle intestine.

L’homme était fondamentalement méchant : il voulait à l’encontre de celui qu’il haïssait par-dessus tout l’humiliation et la condamnation à mort qu’il commuera par fausse grandeur d’âme en détention à perpétuité. Le vieux maréchal opposa à tant d’ignominie une simple et héroïque dignité. Jacques Boncompain, à cette occasion, livre le secret de la vie de cet homme mystérieux, voué à la France depuis toujours, loin de toutes les calomnies dont il a été couvert.

Un livre à lire et qui éclaire ce drame français qui occupe encore aujourd’hui l’espace public et avec lequel est alimentée une perpétuelle guerre civile qui divise les Français et déshonore la France.

 La tragédie du Maréchal, Jacques Boncompain, Muller éditions ; 810 p. ; 32€

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