France
L’Histoire selon l’Écoles des Annales, un adjuvant du totalitarisme intellectuel et moral de notre temps (1)
1. Une forme d’Histoire exclusive.
Des tics et des prescriptions révélateurs d’un esprit dogmatique.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Comment peut-on rationnellement considérer qu’un concept politique qui agrège des idées divergentes, voire des notions fondamentalement antagonistes, a une quelconque valeur descriptive ? “Extrême droite” ne sert qu’à disqualifier l’adversaire.
L’actuelle doxa contemporaine donne à lire et à entendre à profusion le qualificatif d’« extrême droite » utilisé ad nauseam pour caractériser nombre de penseurs étiquetés « anti-Système » et qui n’en présentent pourtant aucune des caractéristiques ordinairement repérées comme marquantes, comme il l’a été pendant la crise du Covid-19 vis-à-vis de toute personne se risquant à émettre une opinion dissidente de la pensée officielle. Certes le processus n’est guère nouveau.
Forgé après la Deuxième Guerre mondiale par le camp des vainqueurs, délibérément amnésique du rôle paradoxalement joué par l’authentique droite radicale historique dans la création de la Résistance, le qualificatif a été utilisé pendant des décennies à des fins disqualifiantes, sans cesse étendu et dilaté, par amalgames et glissements de sens successifs, pour diaboliser les opinions si peu que ce soit contraires à l’idéologie dominante et les assimiler aux valeurs incarnées par les fascismes d’avant-guerre. Le tout au bénéfice du piquant syllogisme : « Hitler aimait la Nation, vous aimez la Nation, donc vous êtes nazi ».
Se sont ainsi vus accoler le qualificatif d’« extrême droite » des personnes ou des idées qui n’avaient qu’un rapport lointain ou inexistant avec les idées censées la définir. Mais au-delà de l’utilisation de ce leurre polémique, l’on doit s’interroger sur la validité du concept d’« extrême droite » lui-même en tant que qualifiant un système de valeurs idéologiquement cohérent. L’on relèvera a contrario que ce questionnement n’aurait pratiquement aucun sens pour l’« Extrême gauche » qui, à l’exception notable de l’idéologie anarchiste historique, présente une homogénéité de valeurs communes articulées autour d’une même vision anthropologique de l’homme et du monde (égalitarisme radical, gouvernement mondialiste des peuples impliquant la disparition des nations, des races et des religions, fusion ethno-culturelle intégrale, indifférenciation sexuelle).
Si l’on peut identifier un « plus petit dénominateur commun » à travers une acceptation des inégalités naturelles comme facteur constitutif bienfaisant du monde et un désir commun de voir les peuples persévérer dans leur être culturel, l’on constate aussitôt des divergences de valeurs fondamentales, au sens nietzschéen du terme.
En effet, au-delà du fait historiquement avéré que nombre de personnes classées à l’« extrême droite » se sont retrouvées et se retrouvent encore dans des camps opposés lors d’affrontements militaires ou idéologiques majeurs (Deuxième Guerre mondiale, guerre d’Algérie, guerre russo-ukrainienne, guerre israélo-palestinienne), comment réserver la même épithète à des courants de pensée aussi essentiellement différents sur le plan spirituel, politique, idéologique, économique et moral ? Spirituellement, comment prétendre ranger sous la même bannière ceux qui ont de l’histoire et de la place de l’homme dans celle-ci une conception messianique profondément chrétienne, et singulièrement catholique, et ceux qui en ont une conception sphérique ou cyclique, d’essence néo païenne ? Identiquement, comment attribuer le même qualificatif idéologique aux héritiers d’Aristote, qui croient à une nature immuable de l’homme, et à ceux d’Héraclite qui le pensent continument créateur de lui-même ?
Politiquement, il est non moins clair que ne peuvent relever de la même typologie politique les partisans souverainistes de la conservation des États Nations européens et ceux qui appellent de leurs vœux la reconstitution d’un empire européen élargi appuyé sur les régions. Plus encore, comment laisser croire à une union doctrinale et / ou à une praxis commune entre l’idée de ceux qui, à la manière de Renan, font reposer l’appartenance à un peuple sur un volontarisme d’adhésion à des valeurs historiques et culturelles communes et l’idée de ceux qui la font essentiellement dépendre d’un donné ethno-culturel homogène, dans le sillage de la Nouvelle Droite première version ?
Force est de constater que le même antagonisme se retrouve entre ceux qui considèrent que le rayonnement d’un pays se mesure à travers l’universalisme de ses valeurs et ceux pour qui l’essentiel de celui-ci s’exprime dans sa volonté de préserver et de revivifier ses particularismes au niveau le plus élémentaire des « communautés naturelles ». Et quelle compatibilité de pensée politique peut résulter de la réunion des nostalgiques d’une monarchie forte mais décentralisée, de ceux d’un bonapartisme fondé sur la toute-puissance de l’État et des idolâtres du système républicain, eux même tiraillés entre les courants « jacobins » et « girondins » ?
Encore, idéologiquement, et au regard d’un « marqueur » usuellement utilisé pour caractériser ce prétendu courant de pensée, quelle vision commune entre ceux qui, à l’instar de la plupart des mouvements « populistes » contemporains, se revendiquent philosémites et voient dans l’Israël et/ou le « judéo-christianisme » un rempart contre le monde arabo-musulman, et ceux qui, par continuation d’un antijudaïsme traditionnel, considèrent le monde arabe comme un allié géopolitique objectif contre la « domination américano-sioniste » ? Économiquement, comment ne pas relever l’antinomie marquée entre ceux qui pensent parfaitement compatibles le conservatisme et le libéralisme, s’accommodant volontiers d’un capitalisme national tempéré, et ceux qui souhaitent l’instauration d’un socialisme « authentique » à la manière de Proudhon, dans un cadre national pour les uns, européen pour les autres ? Enfin, moralement, en matière de mœurs, comment réduire à la même vision anthropologique ceux qui, au nom d’un respect absolu de la vie, sont farouchement hostiles au suicide et à l’avortement thérapeutique et ceux qui sont pour, ou ceux qui prônent une morale sexuelle traditionnelle et ceux dont un certain libertinage a les faveurs ?
L’on voit ainsi que ce qu’il est convenu d’appeler l’« extrême droite » ne constitue en réalité qu’un « melting-pot » idéologiquement artificiel, dont les prétendus courants constitutifs ne peuvent qu’occasionnellement mener ensemble un combat contre un « ennemi commun ». Et à condition de ne pas perdre de vue qu’un ennemi de l’ennemi n’est pas forcément un ami. D’où il résulte que l’« extrême droite », au-delà de son instrumentalisation comme arme polémique disqualifiante, apparaît bel et bien comme un concept idéologiquement vide de sens.
Illustration : Pendant que Jordan Bardella transforme odieusement le Salon de l’Agriculture en cirque politique extrémiste, Gabriel Attal parcourt ses allées pour une rencontre républicaine avec les Français.