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Les Républicains : la chute finale ?

Les LR sont si « accrochés » au pouvoir, si persuadés d’être dignes de l’exercer, et si certains d’y être bientôt appelés qu’ils ont accepté toutes les compromissions possibles, ruinant toutes leurs chances.

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Les Républicains :  la chute finale ?

La séquence qui s’est ouverte avec l’avènement-démission du Gouvernement Lecornu I est un bal tragique qui a fait plusieurs victimes comme le socle commun, mais aussi un mort : Les Républicains. En l’espace de quelques jours, c’est la formation politique qui a eu le plus de mal à afficher sa cohérence au point que personne n’y comprend rien. Pour expliquer cette désintégration, on reviendra notamment sur ces jours qui ébranlèrent cette formation héritière d’un axe bipolaire.

Un drame en visioconférences

Nous sommes le 30 septembre dernier : Bruno Retailleau réunit les assistants des parlementaires des deux groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Dans son discours alambiqué – il récuse le socle commun tout en affirmant l’autonomie de son parti –, le ministre de l’Intérieur a l’intention de rester au Gouvernement Lecornu, même si ce sera au prix d’un « contrat de Gouvernement » et de concessions à la gauche. En effet, Retailleau a séché la réunion du mardi matin réunissant la majorité. Même s’il sent que sa position est inconfortable et qu’il doit à tout prix se démarquer, il est parti pour la reconduction à ses fonctions et donc pour le maintien des LR dans une coalition gouvernementale qui n’ose pas s’avouer et qui ne sait toujours pas comment s’appeler (« socle commun » ? « bloc central » ?). Il est vrai que celui qui a les clés de Beauvau est attaqué, notamment par Laurent Wauquiez, qui ne supporte pas cette allégeance à ce qui reste du macronisme. Mais à ce stade, on est loin de la déflagration qui viendra. Le président de LR prévoit aussi une visioconférence avec les parlementaires de sa majorité samedi 4 octobre : elle aura finalement lieu le lendemain. La participation du parti est alors actée. Quelques heures plus tard, le secrétaire général de l’Élysée annonce la composition des membres du Gouvernement. Les noms des sortants sont égrenés. Mais à un moment, le nom de Bruno Le Maire est annoncé à… la Défense. Pour certains cadres, cela ne passe pas. Très vite, c’est la bronca. C’est alors qu’à 21h22, Retailleau annonce son retrait de la coalition avec un tweet cinglant. Dans ce bref message, le ministre de l’Intérieur démissionnaire depuis la chute du Gouvernement Bayrou indique que « la composition du Gouvernement ne reflète pas la rupture promise ». Puis il annonce une nouvelle réunion : celle du « comité stratégique des Républicains », convoqué pour demain. Que s’est-il passé ? Retailleau se savait fragile. Mais en apprenant la nomination de Le Maire, il a le prétexte idoine pour récuser une participation qui ne passait déjà pas. Le ministre de l’Intérieur aurait alors demandé conseil auprès de plusieurs grandes huiles de la droite et du centre : Fillon, Sarkozy, Larcher ou même Borloo. Les réponses sont unanimes : il doit partir. La nomination de Le Maire est-elle la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ? Pour certains, Retailleau savait que Le Maire y entrerait. Mais il n’aurait pas émis d’objections à ce moment. Ce n’est qu’une fois le malaise étalé qu’il a fait volte-face, entraînant une crise gouvernementale qui fait du Gouvernement « Lecornu I » le plus bref de la Ve République. En effet, le lendemain, Sébastien Lecornu jette l’éponge. Il est 9h57 et le Premier ministre aux commandes depuis plusieurs semaines n’a plus besoin de théoriser sa faiblesse, comme il l’avait fait devant les partenaires sociaux : il a juste à l’appliquer par sa démission. Les ministres nommés et/ou sortants vont donc à nouveau gérer les affaires courantes. Certes, Retailleau n’est pas le seul à contribuer à la déflagration ambiante : Édouard Philippe a souhaité la démission du président de la République et Gabriel Attal a même affirmé sur un plateau qu’ils étaient nombreux à ne plus comprendre ses décisions. Bonjour l’ambiance.

La fronde des députés LR

Retailleau a provoqué une nouvelle crise ministérielle dont Lecornu n’avait pas besoin. Mais dans son camp, la décision de Retailleau n’est pas aussi appréciée. Car la volte-face a entrainé une très sérieuse crise qui menace tout le monde, surtout quand la question de l’accès au RN aux commandes est à nouveau posée. Surtout de la part de ceux qui, initialement, étaient hostiles à une participation au Gouvernement, comme Wauquiez. Le mardi, une autre réunion se tient chez Les Républicains. Toujours en visioconférence. Les députés LR mettent violemment en cause le choix de Retailleau et même certaines personnalités du parti à qui l’on reproche ne pas avoir d’assise électorale solide. Pour les députés, le danger est patent : leur mode de scrutin les exposerait si jamais une dissolution survenait. Ils ne veulent pas faire les frais du rejet de Macron. À défaut du socle commun devenu gazeux par la force des choses, c’est bien son propre socle électoral que l’on craint de voir disparaître : celui des électeurs qui votent – de moins en moins pour vous. Or depuis 2017, il n’a cessé de diminuer. Le groupe LR de l’Assemblée nationale est ainsi passé de 101 députés à 50 en l’espace de 8 ans. Non seulement les intéressés souhaitent que le parti participe encore à l’exécutif, mais ils sont même prêts à suspendre la réforme des retraites, le seul « acquis » du deuxième quinquennat Macron. Ils acceptent des « concessions énormes au PS pour éviter la censure », dixit le député des Hauts-de-Seine Jean-Didier Berger. Bref de se rapprocher de la « focale » de gauche ou de centre-gauche qui pèse sur la composition du nouveau Gouvernement. Ce qui ne manque pas de piquant, alors qu’on reprochait à Retailleau de trop ménager un bloc central qui rassemblait des personnalités de gauche. La crise ne se termine pas pour autant et continue à révéler les fractures d’un parti dont le clivage oppose non les militants entre eux, mais les députés aux sénateurs. Le samedi 11 octobre dernier, une réunion du Bureau politique du parti se tient. Elle est tout aussi houleuse et les intervenants ne s’épargnent pas les insultes… Finalement, les membres du bureau politique sont d’accord sur un soutien « texte par texte » au Gouvernement, mais en excluant toute participation à icelui. Pas question de se renier, tout en reconnaissant qu’il y a le malaise.

Les Républicains victimes d’eux-mêmes

De quoi auront été victimes Les Républicains ? De beaucoup de choses, mais dont l’accumulation s’est révélée fatale. On peut les résumer brièvement : d’un jeu partisan mal assumé, du désir de ne pas abimer des carrières fragiles et de ménager l’avenir, quitte à adopter plusieurs positions contradictoires, en si peu de temps, voire au même moment. Mais allons plus loin dans les détails. Ils ont été victimes de cette loi d’airain des coalitions où les petits partis imposent leurs exigences en oubliant qu’ils ne pèsent plus grand-chose dans l’électorat et dans l’opinion publique, alors qu’ils se croient tout-puissants. On avait déjà vu ça sous la IVe république. De l’illisibilité des positions des uns et des autres au point que l’on ne sait plus qui a dit quoi à tel moment. Comment ainsi expliquer les volte-faces de Laurent Wauquiez qui, dans cette crise, s’est révélé plus insincère que jamais ? Quant à Bruno Retailleau, le grand écart entre sa prophétie sur la fin du macronisme et sa volonté de ne pas abandonner son poste ministériel l’a conduit à être plus que tiraillé : écartelé. Il a été le théoricien de la fin obligée d’Emmanuel Macron tout en étant le praticien plus ou moins retors des compromissions gouvernementales. Il n’y eut pas de calculs personnels chez les uns et des convictions sincères chez les autres : il y eut tout cela à la fois. Les Républicains ont été victimes de leur narratif démenti par la réalité. Ils auront pâti de cette croyance au « grand retour » à avant 2017, contredite par une situation politique compliquée sur fond de France éclatée. Ils auront maintenu la fiction d’une France politiquement bipolaire opposant la droite à la gauche, clivage qui a pourtant cessé d’être structurant. LR a cru qu’avoir été un gros parti sous les précédentes présidences de la République constituait une garantie durable : il a juste constaté qu’on lui vouait de l’intérêt à cause de ses députés. LR aura confondu la fenêtre de tir née en juillet 2024 avec une réconciliation, oubliant qu’un macronisme agonisant ne pouvant s’ouvrir sur la gauche devait le faire sur la droite. LR a donc été victime de plusieurs facteurs. Mais à force de revirements et de dénégations, le parti a foncé dans le mur. Sans rémission, ni échappatoire possible.

 

Illustration : Les demi-habiles.

 

 


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