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Les juges rouges, une plaie de notre système judiciaire et politique

Des années 70 à nos jours, cinquante ans de magistrature “engagée” ont installé en France une subversion complète de la justice, de venue militante et partisane sans même que les juges soient forcément rouges.

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Les juges rouges, une plaie de notre système judiciaire et politique

La récente condamnation de Marine Le Pen a mis en lumière les « juges rouges ». Cette expression, apparue au cours des années 1970, à l’acmé de la vogue gauchiste, désignait alors ces jeunes juges d’instruction qui, rompant avec les habitudes (et l’habitus) de leurs aînés – imprégnés du respect inné de la hiérarchie sociale, qui infléchissait leurs appréciations et leurs décisions –, entendaient placer sur un pied d’égalité l’homme de la rue et le notable, l’immigré et le Français de souche, la femme et l’homme, le jeune et la personne mûre ou âgée. Au sein de la corporation judiciaire, un organisme s’attachait à diffuser cet esprit égalitaire : le Syndicat de la Magistrature (SM), lancé en juin 1968, au lendemain des événements de mai.

Syndrome de Béthune

En août 1974, Oswald Baudot, substitut de procureur à Marseille, lança à ses collègues cette exhortation : « Soyez partiaux. Pour maintenir la balance entre le fort et le faible, le riche et le pauvre, qui ne pèsent pas d’un même poids, il faut que vous la fassiez un peu pencher d’un côté ». Le premier juge rouge à atteindre la notoriété médiatique (et qui fait figure de précurseur, appartenant à une génération antérieure à celle des autres) fut Henri Pascal, en poste à Béthune, qui, d’avril à juillet 1972, instruisit de manière aussi partiale que brutale le dossier de l’affaire criminelle de Bruay-en-Artois. Il fit des émules. En 1975, le jeune juge Patrice de Charette, à Béthune lui aussi, place en détention préventive un patron, Jean Chapron, qu’il estime responsable d’un accident mortel du travail d’un de ses salariés. En 1978, un tribunal de Béthune (encore) prononce une peine de prison contre Xavier Leleu, un patron accusé d’avoir organisé une expédition punitive contre l’animateur d’une grève dans son entreprise. C’est décidément à Béthune, et plus largement dans la région Nord, que le SM recrute ses militants les plus actifs. D’autres juges de cette région se signalent : citons Franck Silvera et, parmi les femmes (encore peu nombreuses dans le corps de la magistrature), Michelle Laborde, Marie-Françoise Lebout et Jannie Garcia, tous en poste à Béthune, au cours des années 1970.

Ces juges malmènent le secret de l’instruction. En 1972, le juge Pascal communique allègrement avec la presse au sujet de l’affaire du meurtre de Bruay-en-Artois, qu’il instruit. En septembre 1974, Hubert Dujardin ouvre les portes de son cabinet à Lille et s’entretient durant trois jours avec des journalistes du Nouvel Observateur au sujet des conditions d’exercice de son métier.

Une avancée fulgurante, à l’initiative de la gauche

Ces temps sont-ils révolus ? Si l’on excepte l’énorme battage autour de la sanction qui a frappé Marine Le Pen, on pourrait le croire. D’autant plus que la modérée Union syndicale des Magistrats, avec 62% des voix aux dernières élections professionnelles, devance de très loin le Syndicat de la Magistrature et ses 33%, comme elle l’a toujours fait depuis plus de cinquante ans, du reste. Mais, ici comme ailleurs, il faut se garder des chiffres et des évidences. Car si le SM n’a pas crû en effectifs et en suffrages depuis la fin des années 1970 ou le début des années 1980, sa conception du droit et de la justice, elle, a réalisé des avancées fulgurantes. Aujourd’hui, bien des magistrats la partagent, lors même qu’ils ne sont pas de gauche. En cela, ils se distinguent nettement de leurs (très) lointains devanciers, qui étaient attachés à l’ordre social, aux traditions religieuses, morales ou républicaines, au respect de la loi et au maintien d’une distance entre le droit et l’engagement partisan. On rétorquera que nous parlons là d’une évolution globale de la société depuis cinquante ou soixante ans, qui n’a rien que de très naturel. Seulement, cette évolution a été le fait de la gauche, cette gauche qui, on le sait, régit notre société et modèle l’esprit de nos compatriotes, même lorsqu’elle n’est pas à la tête de l’État ou du gouvernement. Cette gauche qui poursuit sa route depuis près de 250 ans sans rencontrer aucune résistance sérieuse, et, à chaque étape de son avancée, ampute la société de ses valeurs fondatrices, et leur substitue les siennes, auxquelles se convertissent ceux-là mêmes censés s’opposer à elle. Si, apparemment, il y a moins de juges rouges dans notre pays, c’est parce que les conceptions de la justice, du droit et de la morale des juges rouges de naguère, alors considérées comme subversives, ont été adoptées par la grande majorité des magistrats actuels.

Un aspect positif

L’honnêteté oblige d’ailleurs à reconnaître à cette évolution un aspect positif. Ainsi, la mise en examen – et, dans certains cas, la condamnation – de patrons accusés d’entraves au droit syndical, de licenciement abusif, de harcèlement au travail (ou sexuel) ou de responsabilité personnelle dans des accidents, a entraîné, à partir de la fin des années 1970, une prudence certaine et un plus grand respect, de la part des employeurs, des conditions de travail et des droits de leurs salariés. Par ailleurs, ont été menées des actions judiciaires nouées autour d’affaires de corruption qui auraient été étouffées autrefois, et qui ne mettent pas exclusivement en cause des personnalités ou des partis politiques de droite : les socialistes ont eu leur part de scandale avec les affaires URBA, Carrefour du Développement, Clearstream et Cahuzac. Et certains juges anti-corruption n’appartenaient pas au SM, tels Renaud Van Ruymbeke ou Thierry Jean-Pierre qui, sorti de la magistrature, devint collaborateur de Philippe de Villiers puis de Nicolas Sarkozy et député européen de droite.

Une institution judiciaire devenue la gardienne de l’orthodoxie morale et juridique de la gauche

Il est néanmoins indubitable que cette entreprise d’édification d’une justice indépendante des considérations de classes, affranchie des préjugés sociaux et des pressions partisanes, a procédé d’une initiative de magistrats liés à la gauche, et que, solidairement avec eux, celle-ci a œuvré à l’instauration d’une institution judiciaire animée par des magistrats acquis à ses valeurs et principes. L’institution judiciaire est ainsi devenue une gardienne de la doxa de la gauche, cependant que l’École « républicaine », l’intelligentsia et les médias en sont les vecteurs permanents. Et, conséquemment, si les hommes d’affaires opulents et les notables politiques de droite ne sont pas les seuls à avoir été ou être visés par des accusations de corruption ou de délits divers, ce sont bien eux qui font l’objet des poursuites les plus diligentes et des stigmatisations de la part des médias.

Encore importe-t-il que la droite ne prête pas le flanc, comme l’ont fait Marine Le Pen et son parti dans l’affaire qui leur a valu leur récente condamnation. Contrairement à leurs dénégations, ils sont bel et bien coupables, au regard des chefs d’accusation retenus contre eux, à savoir le détournement de fonds publics. Les faits ont été prouvés. La condamnation de Marine Le Pen est juste. En la prononçant, la juge n’a fait qu’accomplir son devoir de magistrate.

En revanche, en assortissant la condamnation d’une exécution provisoire que rien n’imposait (la suspension liée à l’appel du jugement n’était pas susceptible d’engendrer le moindre désordre à l’ordre public, ni le moindre préjudice à la vie politique démocratique, contrairement à ce qu’elle a déclaré), elle a fait acte de militante, de partisane au service de la gauche qui n’admet pas la candidature de l’ancienne présidente du RN à l’élection présidentielle de 2027. Et cela, c’est honteux, inadmissible, même si on estime justifiée la condamnation de la prévenue. Il s’agit d’une violation manifeste des principes moraux du droit, légalisée au prix d’une interprétation spécieuse, hypocrite et partiale de l’obligation, pour le juge, de préserver la moralité de la vie politique de notre pays. Bénédicte de Perthuis, la présidente de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de Paris, autrice de cette condamnation, avoue d’ailleurs implicitement le caractère partisan de sa décision et de la conception qu’elle se fait de son rôle de magistrate lorsqu’elle confesse que l’exemple d’Eva Joly est à l’origine de sa vocation judiciaire (on devrait dire « de justicière »). Eva Joly : cette juge gauchiste, candidate des Verts (parti intolérant, idéologique et totalitaire par excellence) à l’élection présidentielle de 2012, aujourd’hui considérée comme une référence par bien des magistrats.

Oui, décidément, les juges rouges, qui ont largement fait école parmi nos magistrats, sont bien, malgré leur apparence d’exigence de probité, une plaie de notre institution judiciaire et de notre système politique.

 

Illustration : Eva Joly, le visage de la vertu rouge.

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