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L’écriture inclusive, instrument d’une entreprise totalitaire

L’inclusivité orthographique est à la fois une horreur visuelle, une catastrophe littéraire et un maquis logique. Mais surtout, elle détruit la langue française, et donc détruit notre société, au profit d’une utopie excluant toute “déviation” intellectuelle. Sous l’apparence de la justice généreuse, tout le sectarisme des progressistes.

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L’écriture inclusive, instrument d’une entreprise totalitaire

Qui a dit que l’ère des révolutions était close ? L’offensive de ces dernières années en faveur de l’écriture inclusive nous prouve le contraire. On le sait depuis Augustin Cochin, la révolution est un processus préparé longtemps avant sa manifestation, des décennies, voire des siècles avant, quant aux prémices, et qui se poursuit indéfiniment bien après qu’elle soit apparemment terminée. Il en a été ainsi de la Révolution française, qui n’a cessé de dérouler ses effets jusque deux cent trente ans après la fin de la tourmente à laquelle elle donna lieu. Il en est également ainsi de toutes les révolutions morales, intellectuelles et politiques apparemment moins violentes et moins ruptrices que la nôtre, et par là d’autant plus redoutables, concoctées dans les cercles intellectuels, les sociétés de pensée et les loges maçonniques du monde entier.

Une entreprise révolutionnaire et totalitaire

L’offensive des partisans de l’écriture inclusive relève de ce type de révolution ; et, chez nous, elle prolonge, après et en même temps que bien d’autres initiatives dans les domaines les plus divers, l’œuvre de notre « grande » révolution. Comme cette dernière, comme toutes les révolutions, elle vise à nous transformer, dans le cadre de l’édification d’un meilleur des mondes cauchemardesque, en mutants déracinés et décérébrés, ayant oublié leur héritage culturel, leur civilisation, leur passé, et jusqu’à leur langue et leur esprit propres. Cette offensive inclusive est bel et bien une entreprise de décervelage, de décérébration, et de conditionnement au mode d’expression propre à une civilisation qui est la négation même de la nôtre, en fait une contre-civilisation fondée sur des anti-valeurs destinées à altérer la nature même de l’homme pour en faire un être tenant à la fois du zombie, de l’ilote et du robot androïde, doté d’une pensée préfabriquée articulée sur un langage totalement artificiel, et membre d’une communauté composée d’individus aussi déracinés et indifférenciés que possible.

Avec leurs points ou leurs parenthèses, leurs adjonctions de terminaisons féminines alternatives, leurs mentions systématiques des formes masculines et féminines des mots (noms communs et articles), les textes rédigés en écriture inclusive sont pénibles à lire, voire carrément illisibles, difficiles à comprendre, inutilement longs, laids, et évidés de tout caractère proprement littéraire. Imagine-t-on un roman, une pièce de théâtre, un poème ou un essai, ou même un article de journal, rédigé en un tel langage ? En ce qui concerne les textes administratifs, ils sont déjà assez fastidieux de nature sans les alourdir et les obscurcir encore avec ce type de graphie. L’écriture inclusive, c’est l’évidence même, détruit notre langue tout en la compliquant sérieusement. Elle la réduit à n’être plus qu’un code totalement artificiel, proprement contre-nature, complexe et contraignant, inspiré par ce que le féminisme et le politiquement correct peuvent produire de plus tyrannique, de plus totalitaire et, en définitive, de plus infernal, au sens propre du terme. Elle nous montre à quel univers, mélange de Brave new world et du monde sinistre et implacable de Big Brother, peuvent nous amener les fantasmes, les obsessions névrotiques ou psychotiques, les délires, les lubies, les pulsions morbides, et la tentation totalitaire des ultra-féministes et de la gauche actuelle. L’écriture inclusive est parente de la novlangue d’Orwell.

Une mystification pseudo-humaniste caractéristique de toute entreprise révolutionnaire

L’avertissement lancé par l’écrivain anglais, en 1949, dans son roman 1984 n’a servi à rien, puisque trois quarts de siècle plus tard, des fous veulent nous imposer, sur le mode féministe, la destruction de la langue et son remplacement par un langage au service d’un conditionnement totalitaire des esprits, et ce, c’est le plus consternant, le plus affligeant, avec l’approbation plus ou moins marquée de l’opinion publique. Nombre de nos compatriotes, en effet, sont favorables ou, à tout le moins, ne s’opposent pas, à cette révolution totalitaire et destructrice de notre langue. La plupart des gens, d’ailleurs, favorables ou hostiles à l’écriture inclusive, ne discernent pas le danger mortel qu’elle comporte pour l’intelligence et la civilisation. Et beaucoup d’adversaires de l’écriture inclusive se croient tenus de reconnaître la prétendue inspiration louable de celle-ci, puisqu’elle émane de la gauche, soi-disant perpétuellement porteuse de propositions progressistes, donc très respectables, et des mouvements féministes, auxquels nul n’ose rien refuser de nos jours. Ainsi, Jean-Michel Blanquer assortit sa circulaire du 7 mai 2021 proscrivant théoriquement l’écriture inclusive à l’école d’une assurance sur la volonté d’égalité des sexes de son ministère et des établissements d’enseignement ; d’autre part, s’il refuse le point médian (le.la enseignant.e ; les enseignant.e.s), il accepte bien volontiers la double flexion systématique (les enseignants et les enseignantes ; les inspecteurs et les inspectrices pédagogiques). Quelle concession ! Imagine-t-on des textes administratifs truffés de ces doubles flexions (« les inspecteurs et les inspectrices », « le recteur ou la rectrice », « le professeur ou la professeure », « les intendants et les intendantes », etc.) ? Quel supplice pour la lecture ! Dans une tribune en ligne du 19 avril 2021, un linguiste opposé à l’écriture inclusive, Bernard Cerquiglini, donne ce titre à son article : « L’écriture “inclusive”, empreinte d’une louable intention [c’est nous qui soulignons], est une fâcheuse erreur ». Autrement dit, l’écriture inclusive procède d’une bonne intention, s’inscrit dans une démarche à visée humaniste et émancipatrice, est donc, par là, digne de respect, mérite compréhension et indulgence, et ne peut être proscrite purement et simplement, sans certaines concessions qui lui sont dues en raison de sa généreuse inspiration. Bref, on n’ose s’opposer nettement et sans barguigner à cette graphie, et on ne le fait qu’avec gêne, qu’avec embarras, et en se croyant obligé de ne surtout pas en critiquer l’inspiration et de concéder à ses partisans quelques possibilités d’en utiliser certaines modalités.

Conséquence : une opposition timorée, voire inexistante et, en tout cas, sans effet

Il va de soi qu’une opposition aussi honteuse, aussi chargée d’embarras et d’apparent sentiment de culpabilité, aussi partielle, aussi lourde d’exceptions et de tolérances, aussi dénuée de fermeté, bref aussi timorée, ne tiendra pas longtemps et n’aura guère d’effets durables. Et surtout, elle ne désarmera pas les partisans de l’inclusif qui, au contraire, se sentiront plus que jamais dans leur bon droit, face à des adversaires aussi peu sûrs d’eux-mêmes, aussi embarrassés, aussi dépourvus de conviction, et prêts à toutes les reculades et au renoncement final.

Un héritage révolutionnaire qui prédispose à l’acceptation de la tyrannie

Non, l’écriture inclusive ne procède pas d’une inspiration humaniste, libératrice et généreuse qui mériterait le plus grand respect sous peine, pour ses adversaires, de passer pour être favorables à l’obscurantisme et au maintien du multimillénaire asservissement des femmes. Et ses partisans n’ont pas le monopole de la générosité, de l’humanité et de la lumière de l’esprit. Au contraire, ils sont les promoteurs d’une vaste entreprise de conditionnement et de tyrannie totalitaires. Mais c’est le drame éternel des Français de prendre une telle entreprise de réduction en servitude et de tyrannie pour une œuvre de libération, de justice et progrès, de laquelle naîtra une société à dimension humaine et un mieux-être pour tous, et de considérer ceux qui, lucides, s’y opposent, comme des nostalgiques et des défenseurs d’un âge révolu d’oppression et de ténèbres. Les Français ont pris l’habitude de marcher sur les mains plutôt que sur les pieds. Cela dure depuis près de deux cent vingt-cinq ans. Quand, pour être un bon citoyen attaché aux « valeurs de la république », on est obligé de vénérer une révolution sanglante illustrée par des monceaux de têtes coupées et quantité de massacres, et qui provoqua vingt-cinq ans de guerre en Europe, on incline fatalement à considérer qu’on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs, et qu’on ne marche pas vers le progrès, la liberté et la justice sans tuer ceux qui s’opposent à cette avancée (« Pas de liberté pour les ennemis de la liberté ») ou l’entravent involontairement.

La vraie finalité de l’entreprise révolutionnaire dont l’écriture inclusive est un instrument

En vérité, la promotion de l’écriture inclusive révèle – du moins pour ceux, hélas très nombreux, qui ne l’avaient pas deviné – l’objectif politique réel de la gauche, et ce depuis toujours : non pas l’avènement d’une société sans classes, libérale, démocratique, et régie par l’exigence de la justice et du bien-être pour tous, mais l’édification (on devrait dire la fabrication) d’un monde artificiel peuplé d’êtres humains indifférenciés (presque jusque dans leur identité sexuelle), totalement conditionnés, coupés de leur nature (« déconstruits », comme dit Sandrine Rousseau à propos de son [malheureux] époux), de leur famille, de leur histoire, de leur culture, de leur civilisation, réduits à l’état de clones gavés d’une morale écolo-féministe et LGBTQIA+, et adeptes d’une contre-civilisation universelle étayée sur le terrorisme intellectuel et le politiquement correct, et protégée par une implacable police de la pensée.

Les naïfs (soit la grande majorité de la population) s’étonnent que la gauche, le parti socialiste tout particulièrement, s’engage à fond dans la sociétal, en faveur de la constitutionnalisation du droit à l’avortement, de la défense de la procréation médicale assistée (PMA), de l’instauration (non encore effective) de la gestation pour autrui (GPA), des sacro-saints droits des homosexuels, de la promotion de l’écriture inclusive, et ne se soucient guère des conditions de vie et de travail concrètes de nos compatriotes, étant d’ailleurs tous convertis, en économie, à l’ultralibéralisme mondialiste, et, en politique internationale, au fédéralisme européen (qui nous fait payer les yeux de la tête une électricité que nous produisons à bon marché, entre autres). Imaginez les socialistes revenus au pouvoir, avec une coalition de gauche. Et, dans ce contexte, imaginez des caissières de la grande distribution en grève et sollicitant le gouvernement socialiste. Madame Laurence Rossignol, ultra-féministe fanatique leur dirait volontiers : « Plaignez-vous ! Grâce à nous, vous pouvez avorter sans la plus petite restriction, vous faire inséminer en toute liberté, épouser une femme si cela vous chante, et vous avez la satisfaction de lire des textes en écriture inclusive, donc exempts de toute prévalence masculine et machiste ». Madame Rossignol est une féministe exacerbée, mais les femmes ne l’intéressent que sous l’angle de leurs rapports avec les hommes et une société longtemps sexuellement inégalitaire ; les problèmes concrets des femmes (niveau de vie, fins de mois difficiles, conditions de travail pénibles, précarité, chômage) ne lui importent en aucune manière.

Cette digression ne visait qu’à mettre en pleine évidence ce fait que le but réel de la gauche n’est pas, comme on le croit communément encore aujourd’hui, d’améliorer la conditions des humbles et de tenter d’instiller plus de justice sociale au sein de notre société, mais d’édifier de toutes pièces une manière de brave new world encadré par Big Brother. Ce n’est pas par égarement ou futilité que la gauche a déserté la cause du petit peuple (souvent assimilé aux seuls ouvriers) et renoncé à la lutte des classes et à l’édification d’une société socialiste de type marxiste. Et, en s’attachant à promouvoir l’écriture inclusive, elle n’est pas à côté de la plaque, pour utiliser une expression familière, en ceci qu’elle ne commet pas une erreur consistant à ignorer les aspirations réelles des gens pour s’attacher à un sujet qui ne les intéresse guère, et n’a aucun rapport avec leurs problèmes concrets. Au contraire, ce faisant, elle poursuit inlassablement son but de toujours : non la correction des injustices de cette société, faite des hommes et des femmes que nous sommes et que nous connaissons, mais la construction d’un monde artificiel de clones pensant et parlant dans une novlangue. Et cela est plus que consternant. Tous ceux qui se montrent si prompts à dénoncer de prétendus fascistes inexistants feraient bien de s’inquiéter de ce totalitarisme qui s’annonce, et dont l’écriture inclusive est un prodrome.

 

Illustration : « Tristan [Bartolini] a inventé une quarantaine de nouveaux caractères, non genrés, qui s’ajoutent à notre alphabet et qui ont vocation à signifier l’inclusivité. Il a créé ses astucieux graphèmes en réunissant les terminaisons masculines et féminines ce qui permet ainsi de garantir à chaque genre de trouver sa place. Ses signes épicènes s’utilisent pour remplacer les terminaisons acrobatiques genrées et ces mots à rallonge qui résultent d’une cumulation de signes que l’on retrouve systématiquement dans l’écriture inclusive souvent jugée illisible. Une habile alternative qui permet ainsi de proposer des réponses efficaces aux nombreuses problématiques fréquemment soulevées par l’écriture inclusive. Tristan a créé ses ingénieux caractères en respectant un critère de base : la visibilité. Il voulait que ses nouveaux signes soient évidents, pratiques, accessibles, faciles d’utilisation. »

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