La France est un curieux pays de Cocagne. L’argent y coule à flots de toutes les bourses, celle de l’État comprise, pour se répandre dans les autres bourses, dans un circuit presque parfait.
L’État s’abreuve à dix mille sources et, fleuve majestueux, inonde mille plaines, qui finissent par lui restituer en partie ses largesses. Tout le pays n’est qu’un immense système de pompes aspirantes et de polders, de puits et de nappes, de tuyaux et de fuites, et toute la politique se borne à gouverner le liquide c’est-à-dire à déterminer quelles poches inonder et quelles assécher, sans paraître se rendre compte que le désert gagne sans cesse.
Lecornu n’a qu’une mission, inventer un budget qui permette simultanément de ne priver personne, d’assurer le train de vie de l’État et de ses prébendiers, de mettre les riches sous perfusion sans les exsanguiner, bref de continuer d’arroser tous et chacun – car tous profitent du flux public, même indirectement – sans mécontenter personne, pas même les agences de notation qui s’assurent elles aussi un filet liquide permanent de la part de l’État qu’elles notent.
L’équation est impossible, chacun le sait, mais, Cocagne oblige, chacun feint de savoir comment perpétuer les arbres où poussent les gâteaux sans qu’ils soient plus arrosés de pluie fiscale. Les boomers, réputés soiffards, seront-ils assoiffés ? Les LR, réputés gourmands, réussiront-ils à redevenir les intendants du pays magique ? Lecornu saura-t-il nouer les accords qui dénoueront les robinets ? Et #NicolasQuiPaie (mot dièse qui enflamme les réseaux sociaux) finira-t-il par avouer qu’il est aussi #NicolasQuiReçoit et que la chimère du budget parfait qui n’appauvrit personne et n’enrichit personne est aussi vraisemblable que le pays où les poulets rôtis viennent s’offrir aux promeneurs ? Entre Cocagne rêvée et bagne probable, la France court après son budget, comme ces porcs déjà cuits errent dans les tableaux de Brueghel, portant eux-mêmes le couteau qui va les dépecer.
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