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Journal d’un prisonnier EN campagne

Saint Nicolas Sarkozy. « Je suis un bagarreur. Je ne peux le cacher. Je ne garde rien, ou pas grand-chose, par-devers moi. Cela peut souvent me conduire à surréagir, à mener des combats inutiles, parfois même à blesser inutilement mes interlocuteurs. Dans le même temps mais à l’inverse, cela expurge de mon esprit les mauvais sentiments. Ainsi, je suis incapable d’éprouver une haine durable à l’endroit de quiconque. Je ne garde rancune à personne. Mes amis m’ont souvent reproché de pardonner trop vite ou d’oublier trop facilement les offenses et les trahisons. »

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Journal d’un prisonnier EN campagne

Sarkozy prend exemple sur le Christ. « J’avais à dessein emporté la magnifique biographie de Jésus-Christ écrite par Jean-Christian Petitfils. Chaque page m’inviterait à réfléchir, à donner du sens et à comprendre que sans doute rien n’arrivait par hasard ou n’était inutile. J’espérais qu’il y avait un sens caché à cette comédie dramatique. Le choix était simple. Soit l’épreuve m’abattait et c’était la fin. Soit elle me conduisait à devenir une meilleure personne. J’avais décidé d’emprunter la partie lumineuse de cette alternative ou en tout cas d’essayer. »

En sucrant la Légion d’honneur de Sarkozy, Macron perd un ami qui, lui, sait rester très classe. « J’avais décidé, en conséquence, de tourner la page de notre amitié sans pour autant entrer dans une opposition systématique à sa politique comme à sa personne. Emmanuel Macron avait suffisamment de contempteurs, d’ennemis déclarés, d’amis déçus pour que je vienne allonger cette liste interminable. »

Sarkozy décide de se parler à lui-même et se félicite d’avoir un interlocuteur valable. « Je devrais donc cohabiter avec moi-même dans douze mètres carrés. Je verrais ainsi si je pouvais m’autosuffire. Il restait à espérer que les conversations que j’aurais avec mon double durant ces prochaines semaines seraient instructives ! »

Nicolas se met à écrire en pensant au général de Gaulle : miracle ! À peine un jour de taule et il noircit plusieurs pages des heures durant. « L’espace d’un instant, je me remémorai le bureau du général de Gaulle qui avait été le mien cinq années durant à l’Élysée. Grandeur et décadence ! Quelle nouvelle belle leçon d’humilité étais-je en train de recevoir. Je voulais m’enrichir de cela pour ne pas subir. Surtout ne pas subir… Le miracle se produisit. La première phrase est venue, suivie de bien d’autres. Je m’attelai au Journal d’un prisonnier. Je pus écrire ainsi de longues heures. L’après-midi passa vite. Grâce à l’écriture, je m’étais évadé et avais pu faire abstraction de tout ce qui m’entourait. »

Nicolas Sarkozy se rend compte qu’être en prison est vraiment pénible pour tout le monde. Une future réforme ? « Ce premier vendredi de ma détention s’avéra sinistre car nous avions utilisé tous les droits de visite. Ni Carla ni les enfants ne furent autorisés à venir me voir. Je demeurais seul, même si mes avocats Jacqueline Laffont et le si constant Christophe Ingrain firent de leur mieux pour combler le désert affectif du jour. J’appelais Carla dès le matin pour m’enquérir de son moral. « Je ne peux pas venir avant demain après-midi, c’est une horreur. » Je pensais exactement la même chose mais comme nous n’y pouvions rien, il nous fallait nous y résigner. Je sentais cependant la rage monter en moi comme un volcan en éruption. Pourquoi fallait-il imposer toutes ces cruautés et ces vexations à ma famille ? Je voyais les miens souffrir inutilement. Cela me rendait fou de colère et de douleur. »

Nicolas dénonce le pouvoir des juges et surtout le totalitarisme de celui ou ceux qui ne supportent pas la critique. Une pique envers Macron ? « C’est sans doute le moment de tordre le cou à un argument particulièrement fallacieux et pourtant scandé sur les plateaux de télévision : il ne faut pas critiquer une décision de justice. Cela ne doit pas et ne peut pas se faire. Je note que si tel était le cas, il n’y aurait ni doctrine ni jurisprudence puisque justement c’est leur rôle. Mais à partir du moment où la justice qui était une « autorité » est devenue un « pouvoir », non seulement la critique est nécessaire, mais plus encore elle est saine. En effet, qu’est-ce qu’un pouvoir qu’on ne peut pas critiquer si ce n’est une dictature, un totalitarisme, le contraire de la démocratie qui se nourrit de la critique positive comme négative. La justice est devenue un pouvoir. »

En prison, Nicolas appelle Marine Le Pen pour la remercier de son soutien et… enterrer le front républicain ! « C’était notre premier contact depuis fort longtemps. Au cours de la conversation, elle m’a interrogé sur la situation politique. Je lui ai répondu que ma conviction était arrêtée. Les élections législatives anticipées n’étaient qu’une question de semaines. Je ne voyais pas comment le président Macron pourrait y échapper. J’ajoutais que je ne croyais pas en la démission de ce dernier, ce qui renforçait encore la probabilité de cette perspective. Elle me répondit : « Votre voix porte sur l’électorat de la droite populaire, vous associerez-vous à un quelconque front républicain ? » Ma réponse fut sans ambiguïté : « Non, et de surcroît je l’assumerai en prenant le moment venu une position publique sur le sujet. »

Ségolène Royal est sans doute une gourde. « Cela n’empêcha pas Ségolène Royal d’affirmer sans rire qu’elle avait perdu l’élection de 2007 à cause de l’argent de Kadhafi ! Plus c’est gros, plus cela passe. Et avec elle, ce n’est jamais assez gros. À son crédit, je dois dire que je ne suis pas certain qu’elle comprenne toujours le sens de ce qu’elle dit. Cela la sauve de la honte. »

L’aumônier de la prison fait forte impression au président en taule. « La vie de ce prêtre était à l’unisson de sa pensée. Il me précisa qu’il vivait dans un foyer pour personnes sans abri aux côtés des bénévoles de l’association. L’ensemble faisait ressortir une personnalité originale, attachante et intéressante. Nous demeurâmes ainsi pratiquement une heure et demie à échanger. Cette conversation libre nous avait rapprochés. Je commençais même à éprouver une réelle sympathie pour cet homme dont la bonté irradiait chacune de ses phrases. J’ai fini par lui demander s’il célébrait la messe en prison. J’appris à cette occasion qu’il n’y avait pas de chapelle à la Santé et qu’en conséquence le gymnase faisait office de cathédrale. »

Nicolas compare les députés LFI venus le narguer à des sans-culottes immondes. Pas très républicain mais très bien vu. « Les révolutionnaires aux petits pieds se croyaient à la prison du Temple pour harceler le roi et la reine déchus. Il y aurait eu une guillotine en place de Grève comme au XVIIIe siècle, ils seraient venus se repaître du spectacle des têtes qui roulaient dans la boue au rythme des pulsions de folies meurtrières de Marat, de Danton et de Robespierre. Comment pouvaient-ils en être arrivés là ? N’étant pas certain de la qualité de leur connaissance historique, je ne pouvais même pas leur reprocher d’avoir oublié que les révolutionnaires sont toujours dévorés par leur révolution. Peut-être ne l’ont-ils jamais su ? Alors rappelons-leur que Marat fut assassiné, Danton fut exécuté à la demande de Robespierre, et ce dernier à la demande de tous les autres. »

Darmanin visite Sarkozy qui en dresse un portrait louangeur mais lucide : « Je lui reconnais plus de talent que beaucoup dans sa génération. Il a notamment le sens de l’électorat populaire. Il le comprend et sait parfaitement s’adresser à lui. Il est intelligent, vif, réaliste et fidèle pour peu qu’il croie en la sincérité des sentiments qu’on lui porte. Il a un sens politique aiguisé et son analyse est toujours fine et parfois originale. »

Sarkozy est un type épatant. Après avoir retracé sa carrière depuis qu’il n’est plus entrepreneur, « Je ne suis pas quelqu’un qui aime se plaindre, qui cherche à apitoyer ou à susciter la commisération. Je ne le serai jamais. Je sais la chance qui est la mienne. Ma vie n’est pas un long fleuve tranquille et ne fut pas celle de tout un chacun. Ma femme, que j’ai rencontrée par miracle après un divorce douloureux, est une grâce. Mes enfants font chaque jour ma fierté. Mon énergie est inépuisable. Et sans doute, je ne resterai pas quatorze années au cachot comme le héros de Dumas, Edmond Dantès. Je n’ai même pas le besoin d’écrire sur les murs de ma cellule comme il était écrit dans la sienne « Mon Dieu ! Conservez-moi la mémoire ». La mémoire, je l’ai, mais je n’en ferai pas une arme de destruction massive. » Magnanime !

Sarkozy trouve que la prison n’est pas faite pour les esthètes comme lui. Pour lui, c’est plus dur parce que c’est laid. « C’est surtout les couleurs qui me manquaient. En entrant à la Santé, j’avais eu le sentiment d’un monde gris. Cela ne s’était pas arrangé avec le temps qui avait passé. Ma cellule était entièrement de cette couleur. Le cadre des fenêtres, les grilles, le sol, l’armature du lit, la porte. Rien ne venait rehausser le regard, la perspective, le cadre. Je suis un amoureux de la peinture. J’apprécie le beau. Je parcours les expositions avec enthousiasme. C’est peu dire que je me trouvais frustré. La prison n’est, entre autres choses, pas faite pour les esthètes… »

Saint Nicolas : « Au milieu de toutes ces missives, je trouvais un message rempli d’affection adressé par Christine Lagarde depuis Sofia, la capitale bulgare. La patronne de la Banque centrale européenne avait profité d’un moment libre pour visiter l’église Saint-Nicolas classée au patrimoine mondial de l’Unesco. Il y avait la photo d’une fresque peinte sur les murs de l’église. Il s’agissait de saint Nicolas escorté par des anges et d’une représentation de Jésus-Christ. L’ensemble paraissait exceptionnel. Les couleurs avaient même résisté à la photocopie, qui n’est pas le meilleur moyen de mettre des chefs-d’œuvre en valeur. Christine Lagarde, dont j’ignorais jusque-là les convictions religieuses, confiait dans son message qu’elle avait prié « pour la liberté, pour la justice, la vraie, et pour l’amour qui vous tient debout ». J’ai aimé ce mot si personnel, original et profondément sincère. Je n’avais pas besoin de cela pour considérer Christine Lagarde comme une amie chère. »

Sébastien Chenu (RN), très sensible, écrit avec assiduité au président emprisonné. « Ce fut ce jour-ci que je reçus une nouvelle lettre d’un membre éminent du Rassemblement national, proche parmi les proches de Marine Le Pen, Sébastien Chenu. Il était résolu à m’adresser un courrier de soutien chaque semaine, aussi longtemps que durerait mon incarcération. Il s’agissait de missives assez longues, bien loin des messages s’inspirant de textos habituels. Le contenu était sensible, personnel, humain, sans considération politique partisane. On n’était plus dans l’affrontement politique habituel entre membres de formations opposées. Ces textes parlaient de la vie, des sentiments profonds et du respect qu’il portait à ma personne comme à ma famille. J’étais touché aussi bien par la profondeur que par la permanence de ces pensées. À cela s’ajoutaient la gentillesse et la délicatesse qui en émanaient. Elles témoignaient d’une personnalité sensible, capable de s’élever au-dessus des querelles politiciennes pour aller à l’essentiel des rapports humains. Je n’oublierai pas l’étonnement qui fut le mien et le bienfait que cela me procura. »

Nicolas crosse avec jubilation – et pertinence – ses successeurs, Hollande et Macron, nuls en matière d’otages. « J’ai toujours pensé que le grand pouvoir d’un chef d’État devait être utilisé prioritairement au service de ceux qui en avaient un besoin vital. C’est pourquoi je n’ai jamais hésité à m’impliquer personnellement pour obtenir des libérations. Selon mon expérience, laisser faire le Quai d’Orsay et les diplomates n’était pas la meilleure garantie d’efficacité. C’est peu dire que mes deux successeurs, François Hollande et Emmanuel Macron, n’avaient pas ce même intérêt. Je peux les comprendre. Personne n’est obligé de prendre des risques, y compris celui d’échouer. À mes yeux, le véritable risque c’est de laisser des malheureux dans leurs geôles. »

 

 


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