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Jordan, l’été prend fin mais l’heure de la Marne a sonné !

Cher Jordan, Le temps des vacances est sûrement venu pour toi et tu l’as grandement mérité. Tu as livré deux campagnes coup sur coup, dont la dernière au pas de charge, et tu n’as pas économisé tes efforts. Bien que tu as échoué à prendre le pouvoir alors que tu n’en as jamais été aussi proche, le RN a fortement augmenté le nombre de ses députés à l’Assemblée nationale. C’est d’ailleurs en grande partie sur ton nom, sur ta personne, que ces votes se sont portés.

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Jordan, l’été prend fin mais l’heure de la Marne a sonné !

Tu dois certes beaucoup à ton travail et à ton talent, mais pour autant tu ne nies pas l’effet de « rente » produit lors de ces élections par l’antériorité de plus de 50 ans de ton parti sur les questions de sécurité et d’identité, que la situation de plus en plus désastreuse de la France sur ces deux points aurait dû enfin convertir en avantage électoral décisif pour l’accès aux responsabilités.

Alors, que s’est-il passé ? Pourquoi l’irrésistible poussée des européennes et les aspirations exprimées au premier tour des législatives se sont finalement épuisées, alors que tout semblait crier la révolte et le désir de France dans le bon peuple ? La raison de cet échec ne t’a pas échappé, puisque malgré ton jeune âge tu connais les chroniques électorales tumultueuses de ton parti et de son prédécesseur, le FN. L’élan d’opinion qui devait te porter au pouvoir s’est brisé, une fois de plus, sur le barrage républicain et la comédie de l’antifascisme qui lui a servi de caisse de résonance dans tout le pays.

Personne ne remet ici en cause la qualité de ton entourage professionnel ni la pertinence des analyses produites par tes conseillers. Pourtant, on se demande pourquoi, devant la persistance des accusations de racisme tournées contre toi et ton mouvement, tu n’y as pas répondu frontalement pendant la campagne… C’est que tu as peut-être cru, ou l’on t’a fait croire, abusivement, que la « ficelle » du chantage au racisme était enfin éculée, que le voile de fausse pudeur jeté par la gauche sur la situation de notre pays depuis 30 ans avait fini par se déchirer, cessant ainsi d’empêcher les Français de « voir ce qu’ils voient », et donc de voter en conséquence…

Les opposants ne reculaient pas devant l’outrance la plus grotesque

Cette rhétorique incantatoire et son prolongement bien réel en combinaisons d’entre-deux-tours, tu le sais, ne datent pas d’hier et ont joué à plein dans l’ostracisation idéologique qui a longtemps frappé le Front National ; elle qui fut inspirée par Mitterrand pour affaiblir la « droite de gouvernement » dans les décennies 80 et 90, et qui a culminé quand le fondateur de ton parti avait atteint le deuxième tour de la présidentielle de 2002.

Dans ces mêmes années, et même plus tard sous le mandat exécutif de Marine Le Pen, les opposants aux idées nationales ne reculaient pas devant l’outrance la plus grotesque en agitant le « retour de la bête immonde » ou des « heures les plus sombres de notre histoire », pour mettre sous tension toute une jeunesse égarée et ainsi créer des rassemblements populaires sur des pures présomptions de nazisme – rien que ça ! – que la réalité du pays n’a pourtant jamais accrédité. D’ailleurs, pas plus à l’époque qu’aujourd’hui, les chroniques politiques et électorales n’ont relevé de mentions explicitement racistes ou ethnicistes dans les programmes successifs du FN, puis du RN.

Bien conscients que le réel, toujours têtu, finit toujours par affleurer à la surface des événements avant de les accélérer, certains fins limiers d’une droite élimée ont su flairer le « bon coup électoral » en ramassant à pleines mains les idées du FN frappées d’excommunication républicaine… Que l’on pense au tonitruant Sarkozy élu en 2007 sur rien moins que l’identité nationale et le Kärcher. Or tu le sais mon cher Jordan, ni l’encre du roman national, ni l’eau du canon à eau de l’ordre républicain n’ont pourtant coulé entre 2007 et 2012…

Tu t’es donc vu un peu trop beau, trop vite, mon cher Jordan

On a donc tous cru, à la faveur des résultats spectaculaires du RN lors des dernières élections européennes, que le « signe indien » était enfin conjuré, et que le poids écrasant du réel rendrait aux Français la résolution que trente années de propagande ont tenté de leur ôter. Les commentateurs politiques eux-mêmes ont d’ailleurs bien reconnu qu’une « digue avait cédé », concédant qu’il ne restait désormais aux naufragés des Républicains qu’à retremper la lame de leurs idées dans une alliance avec un RN qui dicterait ses conditions en futur patron de majorité.

Il n’en a pourtant rien été. La ritournelle du barrage contre l’extrême droite a repris ses droits de plus belle. Beaucoup de Français de bonne volonté, bien conscients que leur pays leur file entre les doigts, ont vacillé avant la dernière marche en suivant servilement les consignes de vote des sortants, qu’ils avaient pourtant lourdement sanctionnés au premier tour. Certains électeurs, qui font désormais masse dans notre pays, ont quant à eux laissé s’exprimer sans retenue la fibre communautaire qui leur sert également de boussole électorale, en répondant dans les urnes à la « drague » honteuse que leur fait un parti dont la sociologie et le programme sociétal devraient plutôt les faire vomir. Un troisième tiers a su, lui, malgré le vent contraire d’une propagande qui n’a jamais faibli, garder le cap des idées patriotiques et de relèvement national, en votant pour ton parti et la coalition que tu as su bâtir avec des partenaires transfuges des Républicains.

Tu t’es donc vu un peu trop beau, trop vite, mon cher Jordan, après ton carton aux élections européennes. Alors, si certes tu ne pouvais rien contre la fatalité de l’emballement de la machine médiatico-politique, au moins pouvais-tu la regarder en face et la bousculer. T’es-tu rendu assez compte, Jordan, que la campagne d’entre-deux tours a essentiellement consisté à dire que tu représentais un parti et des idées racistes, xénophobes, et donc infâmes ? Or tu le sais, tout le monde n’étant pas né avant ou pendant les années 80, il était nécessaire de te livrer à une explication frontale sur ce sujet pour écarter ces accusations.

Les trajectoires personnelles sont variées mais la place dans la patrie est la même

Toi qui portes un patronyme d’origine transalpine, et qui n’a peut-être pas même – comme celui qui t’écrit cette lettre – une goutte de sang gaulois dans les veines, tu aurais dû, au premier chef, tourner en dérision ces accusations en pointant qu’un parti réputé raciste se trouverait en légère contradiction par le choix d’un chef dont le nom ne sonne pas vraiment « terroir français ». De la même manière tu aurais dû t’attarder sur les patronymes « étrangers » de tes colistiers, ou de tes candidats aux législatives, et qui sentent bon le bassin méditerranéen (Diaz, Gonzalez, Jacobelli, Lopez…). Tu aurais dû, dans les prises de parole et les débats médiatiques qui se sont succédé de manière effrénée lors de cette campagne éclair, marquer un temps d’arrêt et mettre enfin au défi tes interlocuteurs de trouver dans le programme de ton parti la moindre disposition à connotation raciste.

Tu aurais dû rappeler que ton parti, comme son prédécesseur le FN, s’inscrit dans une acception de la qualité de Français sans nuances de dignité ni de valeur, et qu’à cet égard ni la longueur, ni l’origine de la filiation d’un Français ne vient en affecter la teneur. Français de lignage ancien ou naturalisé récent, les trajectoires personnelles sont variées mais la place dans la patrie est la même, pour celui qui veut aimer, conserver, augmenter et transmettre le précieux héritage laissé par ceux qui nous ont précédés.

Et enfin tu aurais dû conclure, parce que rien n’interdit l’ironie, que s’entendre caricaturé à longueur de temps comme un parti d’exclusion par des adversaires aux allures et aux patronymes caricaturalement gaulois comme les Panot, Bompard, et autres Mélenchon, ça peut faire sourire. Tout comme il est savoureux de s’entendre qualifié d’« identitaire » par ces mêmes adversaires qui puisent la force de leur vote précisément dans la concentration territoriale de « Français » arborant au quotidien et jusque dans leurs vêtements un enracinement dans une culture voire une loyauté à des pays étrangers…

Le mépris ne suffit plus, il faut passer à l’attaque

Cher Jordan, ignorer les coups donnés par l’adversaire ne suffit pas à se soustraire aux dégâts qu’ils infligent… Et ces coups, on l’a vu, ont porté à conséquence. À l’été 1914 alors qu’elle reculait en bon ordre pour refaire ses forces et se donner du champ, la glorieuse armée française a su arrêter sa retraite au niveau de la Marne, se retourner, regarder son adversaire dans les yeux, et le bousculer sur plusieurs dizaines de kilomètres pour dégager l’étreinte mortelle qui se dessinait sur le pays.

Pour toi aussi est venue, en cette fin d’été, « l’heure de la Marne ». Ne diffère plus les explications sur des accusations que la vérité de ta personne et de ton parti démentent, mais qui continuent pourtant à faire les choux gras électoraux de tes adversaires… Le mépris ne suffit plus, il faut passer à l’attaque en se préparant, en visant juste, et en allant au contact des arguments déloyaux de l’adversaire, qui ne doivent plus se trouver sans réponse.

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