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Homo fiscalus

Un impôt désormais inscrit dans notre quotidien, visible ou invisible, et étendant sans cesse son empire, au point de remettre en cause la notion même de propriété privée : redistributif, “équitable”, l’impôt prétend corriger des inégalités entre citoyens quelles que soient les conditions de constitution du patrimoine, les modes de consommation et les sources de revenus.

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Homo fiscalus

Hubert Étienne se penche sur l’histoire de notre fiscalité et ce qui aurait pu n’être qu’un exposé trop technique est une passionnante leçon de philosophie politique appliquée. On passe d’un impôt vécu comme une violence nécessaire à une contribution citoyenne (Révolution) qu’on doit consentir, puis à un impôt qui est un échange entre le citoyen et l’État (la contribution du premier lui rapporte des avantages distribués par le second), enfin à un impôt-générosité qui cumule une expansion fiscale (plus d’impôts, plus lourds), une extension fiscale (avec son corollaire, la progressivité) et un débordement fonctionnel (la contribution prétendument égalitaire sert à une distribution forcément inégalitaire). Tout l’intérêt de l’ouvrage est de mêler sans cesse l’information fiscale la plus exacte aux réflexions les plus intelligentes sur ce que signifie, vraiment, hier et aujourd’hui, payer l’impôt : l’absence d’un réel consentement, la restriction des libertés, l’expansion continue du domaine de l’État, la réduction du politique à l’économique (sous l’effet du manque de transcendance spécifique aux technocrates) et, in fine, la gouvernance morale des comportements. On pourrait croire que la coupe est pleine et que le culte de la performance économique a été porté à son comble par des administrateurs et des hommes d’État qui se sont érigés en censeurs avec le cens. Fin de l’histoire ? Non, Hubert Étienne aborde deux projets fous, évidemment fondés sur la fiscalité, le revenu universel et le don démocratique. Sur le premier, c’est toute la justice sociale qui est en jeu, avec ses biais et ses culs-de-sac : et si jamais cette allocation conduit le citoyen à ne profiter que de ses loisirs sans jamais rendre à la société un service réciproque, que devient le système ? Sans doute un peu plus liberticide et dangereux qu’il ne l’est déjà… La discussion est passionnante. Mais alors, si on réhabilitait le don démocratique, fiscalité volontaire, véritable consentement ? Voilà qui serait responsable et compatible avec nos libertés, au premier rang desquelles le droit de posséder. Il n’y manque qu’une société composée de gens capables d’être généreux, ce qui est loin d’être un mince obstacle. Cela suppose de redéfinir tous les rapports entre l’individu et l’État. Le prisme fiscal est un merveilleux outil pour examiner les impasses des démocraties contemporaines et poser vraiment la question des liens de la liberté, de la propriété, du bonheur et de la justice, que l’actuelle spoliation forcée ne parvient manifestement pas à résoudre.

 Hubert Étienne, Le Cens de l’État. Les belles lettres, 2022, 282 p., 25 €.

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