En Suisse, l’euthanasie est légale, mais il faut un passeport pour l’autre monde. Tout doit être fait dans les règles. Pas de passeport ? Pas d’euthanasie !
Dans Aimons-nous vivants, le dernier film de Jean-Pierre Améris, Antoine Toussaint (Gérard Darmon), chanteur français vieillissant et populaire, a tout réussi dans la vie, sauf sa vie elle-même. Victime d’un AVC qui l’empêche de travailler, seul au monde, il part donc pour la Suisse, où l’euthanasie est légale… Tout est prévu, sauf sa rencontre, dans le train, avec Victoire (Valérie Lemercier), dont l’énergie délirante est capable de tromper la mort.
Le film, marqué par cette rencontre improbable de deux acteurs que tout oppose, sauf le talent, et par l’irrésistible sérieux de nos amis Suisses, devient, de facto, un plaidoyer contre l’euthanasie qui tombait en plein débat parlementaire sur le sujet. Ce film est la meilleure réponse possible à la proposition de loi sur « l’aide à mourir » actuellement discutée au Parlement. Tous les députés, tous les sénateurs, devraient aller voir ce film avant de voter ce texte.
Suicide assisté
L’euthanasie va donc bientôt devenir légale en France. Sans que personne, à notre connaissance, ne donne la vraie raison de cette loi sur « l’aide à mourir » : le progrès médical vertigineux qui sauve, malgré eux, toujours plus de malades, qui coûtent de plus en plus cher. Les débats à l’Assemblée n’ont même pas évoqué ce problème, qui n’est pas politique, mais historique ou, si l’on veut, métaphysique et religieux.
Le progrès médical ne peut plus être financé par la Sécurité sociale, il sera donc privatisé. Les hôpitaux et les services d’urgence, débordés, s’engorgent inéluctablement. La médecine « à deux vitesses » s’installe au cœur de notre État-providence en crise. En revanche, les cliniques privées, sur le modèle américain, permettent à quelques happy few de rêver à une existence prolongée par les biotechnologies jusqu’à 120, 130 ans et plus… C’est le transhumanisme dont le « philosophe » Luc Ferry se fait l’apôtre, mais pour les riches, comme de l’euthanasie pour les autres, les pauvres… On n’a donc rien trouvé de tout cela à l’Assemblée nationale, dans son débat sur l’euthanasie, débat « républicain », c’est à dire unanime, sans enjeu véritable.
Transhumain ou euthanasié ?
Quelle est donc la solution ? J’aimerai bien en proposer une au chrétien François Bayrou, qui ne doit pas être très à l’aise sur ce sujet. Je lui parlerai d’un problème que je connais un peu : l’Accident Vasculaire Cérébral, sous une forme grave. Je lui proposerai d’abord de faire rembourser intégralement par la sécurité sociale les soins des neuropsychologues (les kinés du cerveau). Des dépenses supplémentaires, donc, mais intégralement financées par les mesures suivantes : les études des futurs neurologues et psychiatres seraient diminuées d’un an, et ces deux spécialités seraient à nouveau fusionnées dans le cadre de la neuropsychiatrie, comme c’était le cas avant 1968. On arrêtera de distinguer la matière des neurones (dont les neurologues sont chargés) et l’esprit humain (domaine des seuls psychiatres). Ce maudit Progrès médical, qui nous entraîne vers une mort toujours plus douloureuse et plus tardive, serait ainsi ralenti.
On arrêterait de distinguer, de manière cartésianiste plus que cartésienne, la chair et l’esprit, le corps et l’âme. Mon professeur de philosophie en terminale, Monsieur Detape, nous disait qu’il aurait beaucoup de mal à être chrétien sans la notion de « résurrection de la chair » du Credo catholique. L’homme, esprit et chair, est fini, et il porte l’infini en lui. Cinquante ans ou cent-dix ans d’espérance de vie ne changent pas grand-chose à l’affaire. Autant ne pas aggraver les inégalités entre les riches et les pauvres, bientôt les transhumains et les euthanasiés.