La décentralisation est, à l’origine, une idée de droite. « Le centralisme démocratique » est d’abord une « idée jacobine », robespierriste, avant de devenir léniniste et stalinienne. Depuis la Révolution française, ce qui était utopie d’intellectuels, de philosophes, plus ou moins platoniciens, en mal de pouvoir politique, est devenu une norme de l’action publique ; elle a sévi, bien sûr, particulièrement en France : l’idée d’un État parfaitement quadrillé, tracé au cordeau, s’occupant de tout, de l’éducation à la vieillesse, du travail au plaisir et à la culture, englobant toute l’activité humaine dans sa sphère souveraine.
Cette mainmise totalitaire s’effectua par un apparent paradoxe, au nom de la Liberté, de l’Égalité, de la Fraternité. La liberté majusculaire a tué les libertés concrètes, le principe ne souffrant pas d’exceptions taxées de « privilèges » ; l’Égalité majusculaire a déclenché le rouleau compresseur de l’égalitarisme ; la Fraternité majusculaire a détruit les relations naturelles de proximité.
La France a loupé son tournant de 1789. C’était, d’un côté, l’État régalien qu’il fallait resserrer sur ses fonctions et prérogatives par quelques réformes d’autorité fortes et simples ; c’était, d’un autre côté, l’aménagement des libertés citoyennes dont il fallait trouver l’expression politique et la juste représentation. Dommage : c’était souhaitable, c’était possible. Louis XVI y pensait mais ne sut pas le réaliser.
Plus de deux siècles après, le problème français, qu’on peut appeler « le mal français », est au même point de configuration, sinon qu’il est infiniment aggravé.
Plus que jamais il est nécessaire d’avoir en France un État fort et ramassé sur l’essentiel de ses attributions pour mieux garantir les libertés et plus que jamais aussi il apparaît que la représentation, purement partisane et, en quelque sorte, confisquée par le système, ne remplit pas sa fonction pour le plus grand malheur des territoires. Macron ne change rien au problème.
Il est à noter que depuis longtemps cette analyse a été faite : les Le Play, les Taine, les La Tour du Pin, les Maurras avaient défini les rapports comme nécessaires de ce couple des libertés réelles et de l’autorité politique. Rien n’ a été fait dans ce sens. Les lois dites de décentralisation, idée récupérée par les politiciens de gauche et de droite, ont toutes ajouté des complications supplémentaires au schéma initial, faisant d’une « République une et indivisible », dite constitutionnellement « décentralisée », un amas de républiques non moins unes et non moins indivisibles où tous les lieux de pouvoir sont le théâtre de luttes idéologiques, partisanes et personnelles. Le jacobinisme sévit à tous les niveaux d’administration, à l’exception sans doute des mairies, quand elles n’offrent pas de tremplin aux ambitions de parti.
La France meurt, progressivement, étouffée sous son « millefeuille administratif » qui multiplie les mêmes défauts jusqu’au sommet de l’État, cumulant les doublons, et, au-delà de cet État engoncé dans son administration tentaculaire, jusqu’à l’Europe de Bruxelles qui reproduit à son niveau le même système.
À quand la vraie décentralisation qui revitalise et représente les territoires ? C’est dans ce cadre que pourrait s’élaborer une vraie réforme de la fiscalité locale.