Monde
« Nos dirigeants actuels invoquent souvent la révolution »
Un entretien avec Ludovic Greiling. Propos recueillis par courriel par Philippe Mesnard
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Si j’ai bien compris ce qu’on m’explique depuis quelques décennies et singulièrement depuis quelques semaines, est républicain ce qui n’est ni français ni commun.
Ce n’est pas un quarteron de fanatiques réactionnaires séditieux (pour reprendre les mots d’un orfèvre en républicaneries, De Gaulle) qui me l’enseigne, c’est une horde de républicains fervents, et même exaltés, Macron en tête, ce « Président de tous les Français » qui parle de guerre civile quand 10 628 330 de ses compatriotes – pardon, ses concitoyens – votent pour le RN au premier tour des législatives ; quant aux autres, footballeurs et sociologues, acteurs et climatologues, historiens et bons à rien, ils sont légion à affirmer que les vrais républicains doivent mépriser les institutions qu’ils révéraient l’instant d’avant puisque ces institutions ne sont conçues que pour favoriser ceux qui n’aiment pas la France.
À les entendre, désirer un pays qui affirme son identité – comme tous les pays, y compris la Palestine et l’Afrique du Sud (mais il paraît que ce n’est pas pareil) –, c’est trahir l’esprit de la République française, si universelle qu’elle aimerait disparaître et servir d’agent dissolvant à toutes les nations. Désirer une politique d’immigration qui ne soit pas une infinie opération portes ouvertes – comme tous les gouvernements dans le monde, y compris à gauche, comme nous le montrent le Royaume-Uni et le Danemark –, c’est renier la République qui ne connaît pas de peuples mais uniquement des citoyens, c’est-à-dire des individus qui adhèrent sans cesse à un projet. Désirer un État qui ne soit pas soumis à la finance, ni par ses spoliations ni par ses dettes, c’est insulter les marchés mondiaux, qui surpassent la France en dignité. Désirer être souverain, c’est cesser d’être humain.
Si je comprends bien, le front républicain est particulièrement républicain parce qu’il exclut de l’arc républicain plus de dix millions de Français. En République française, n’est pas républicain la chose publique, l’intérêt général, le bien commun, toutes choses qui supposent une vraie représentation et une véritable coopération. Non, en République française, ce qui est républicain est ce qui divise, ce qui oppose : les partis républicains s’opposent, les médias républicains opposent, le chef républicain de notre État, qui est une République, oppose. Le seul bien commun partagé, c’est cette division féroce, haineuse, qui va jusqu’à couvrir d’immondices son propre symbole, place de la République, la marquant comme on marque une bête, pour bien montrer que la République n’appartient pas à tous les Français – et certainement pas à ceux qui, justement, parlent de préférence nationale.
La République est ce qui arrache la nation à ses enfants. Ce n’est pas le moment d’en disserter mais comment s’étonner que cette marâtre haïssant une part considérable des Français soit celle qui a constitutionnalisé l’avortement et s’apprête à remettre en route la pire des législations euthanasiques ? La République hait et détruit, et les menaces de mort des partisans politiques ne sont que l’écho des lois mortifères dont notre Constitution s’enorgueillit.
Cette République s’est donné un chef qui est parfaitement républicain : il n’aime pas la France, il la méprise, en gros et en détail, il travaille à lui nuire, il lui nuit effectivement, minutieusement, et s’en vante régulièrement. Évidemment, n’aimant pas la France, il se prise lui-même au plus haut point, le Jupin républicain, il se vénère, il s’adore. Il se consulte lui-même, il s’avise, il délibère en son for intérieur et, ravi de ses trouvailles, il les lâche en place publique comme le pétomane lâchait ses gaz sur scène. Qualis artifex !
Les valets qui l’entourent le craignaient mais, bons républicains eux-mêmes, les voilà qui s’égaillent et l’aigle doit une fois de plus tourner toute son ambition à de basses cuisines parlementaires, ô combien républicaines. Il paraît que les Français ne goûtent ni le spectacle ni ce qui en sort. El Clarificator passe pour un crétin – républicain, certes, petite consolation. Et face à ce spectacle, face à cette désolation, face à cette République qui sème la haine et d’abord la haine de la France, une seule question surgit, une seule question vaut la peine d’être posée : où est l’arbitre qui cherche la paix, la concorde et la tranquillité de ses sujets ? Où est celui qui ne vise que le bien commun de ses peuples en sa nation ? Oui, où est le roi, le souverain ? Et même, avant lui, où est le prince ?