Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Les prétendantes au titre de Miss France doivent répondre à quarante questions pour « espérer être dans le top 15 de la compétition » (LCI). Les questions sont variées et point si simples (par exemple, « Quel chanteur, devenu cette année le 1er milliardaire du rap, est le mari de Beyoncé ? » ou « Quelle série de Netflix a pour héros la famille Shelby ? »). On sent que ce test de culture générale sert autant à vérifier que Miss France sait un peu ce qu’est la France (« Qui est l’actuel ministre de l’Éducation nationale ? Quel est le seul acteur français à avoir remporté l’Oscar du meilleur acteur ? Qui a prononcé l’appel du 18 juin 1940 à la radio de Londres, sur les ondes de la BBC ? ») qu’à s’assurer qu’elle est bien de son temps (« Quel est le prénom de la célèbre suédoise de 16 ans qui milite contre le réchauffement climatique ? » ou « Quelle nation a remporté la Coupe du monde de rugby 2019 ? », question piège qui admet n’importe quelle réponse sauf “la France”).
Les candidates doivent aussi traduire en anglais une phrase : « Si je suis élue Miss Univers, ma mission consistera à faire briller la France au-delà de nos frontières et être l’ambassadrice de nos talents, de nos savoir-faire et de notre diversité ». Et là, je me suis dit que Macron devrait concourir.
D’abord il sait parler anglais. Et je suis certain qu’il aurait bien répondu à « Qui chante “Balance ton quoi” (single est sorti en 2019) ? ». Mais surtout, faire briller la France au-delà de [ses] frontières, c’est ce qu’il sait faire de mieux. Il passe sa vie à aller briller autre part. Il y parle de la France sur le ton d’un astronome déçu par ses découvertes tout en brillant d’un vif éclat (souvenez-vous, il fut déclaré “Champion de la Terre” par l’ONU en 2018). Cet astre curieux brille d’un éclat d’autant plus vif qu’il s’éloigne des spectateurs français. Les journaux étrangers nous ont expliqué pendant plus d’un an à quel point on avait de la chance d’être irradiés par un président qui allait guérir les maux français façon radiothérapie de choc. C’est vrai, avec les Gilets jaunes et deux ou trois détails comme le taux de croissance français, les émeutes urbaines et l’échec continuel de ses tentatives de réforme européennes, on voit que Macron brille moins ; c’est sans doute que les journalistes se sont rapprochés de l’objet. L’étoile Macron est passé de super-géante à sous-naine.
Mais revenons à Miss France. Parce que pour pouvoir prétendre au titre de Miss Univers, il faut d’abord avoir été une Miss [Nation quelconque]. Donc, pour Macron, Miss France¹. C’est un peu restrictif, on sent qu’il aimerait bien passer direct Miss Europe, choisir un meilleur tremplin, disrupter le concours, mais ce n’est pas encore pour cette année. Le règlement du concours est clair. « La Candidate, d’excellente réputation et moralité et de bonne culture générale, certifie n’avoir fait l’objet d’aucune poursuite et/ou condamnation pénale. » Là, d’emblée, on se dit que Macron est mal parti. Il ne fait certes l’objet d’aucune poursuite pénale grâce à l’immense complaisance du parquet financier, mais sur « l’excellente réputation et moralité »… L’article 7, sur les conditions d’élection, redonne un peu d’espoir : c’est comme l’élection du président de la République française. En effet, « chaque élection se déroule devant un public auquel il est demandé d’émettre un vote consultatif sur un bulletin distribué à l’entrée de la salle, chaque spectateur ne pouvant recevoir qu’un seul bulletin » et « en cas de majorité relative, le jury délibère pour désigner l’élue parmi les candidates venant en tête sans être obligé de suivre l’ordre établi par le classement du vote du public, la désignation de la miss élue devant s’effectuer à l’unanimité des membres du jury. » En France, les candidats sont sélectionnés par un système médiatique et financier qui élit son champion avant que les Français soient convoqués à la comédie des urnes, qui assure cette bizarre légitimité d’un président n’ayant réuni que 24% des suffrages.
Macron a donc toutes ses chances pour les prochaines élections françaises. On va garder notre astre nain.