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LOIN DE LA FRANCE

Écoutons deux Français, un agriculteur et un ancien ministre des Finances…

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LOIN DE LA FRANCE

Le premier est Christophe Dulon-Majesté, éleveur de brebis près de Pau qui bloquait une plateforme logistique E. Leclerc à Mont-de-Marsan, fin novembre : « La maladie de la langue bleue a touché 50 de mes agneaux et, sur mes 22 agnelles, il ne m’en reste plus que 6. Je n’ai plus de trésorerie, je ne bénéficie pas du RSA, même ce pantalon on me l’a prêté, dit-il en montrant son jean. Je viens de faire une formation de foreur pour travailler dans le pétrole ou dans la géothermie. J’aimerais bien aller à l’étranger, loin de la France. » (Le Figaro)

Le second est Bruno Le Maire, professeur en politiques publiques et géopolitique du côté de Lausanne, qui réagissait à la mi-novembre au rapport sénatorial sur le déficit abyssal de la France : « Ce n’est pas un rapport, c’est un réquisitoire d’opposants politiques truffé de mensonges, d’approximations et d’affirmations spécieuses. […] Notre conclusion est très différente : nous [Bruno, Gabriel et Elisabeth, le triumneutrat d’exception naguère aux commandes] estimons que face à une perte de recettes exceptionnelle et imprévue, nous avons collectivement anticipé, réagi vite, réagi fort, contre toutes les oppositions. »

Christophe a vu comment l’État traitait les petits

Comment dire ? Voilà un pays qui écœure ses enfants au point qu’il veuille l’oublier. Poignant chagrin d’amour. Christophe n’est pas parti faire un MBA à Londres avant de devenir Asset Manager à Dubaï. Il n’a pas signé, comme d’autres Français établis hors de France (on dit aussi Français de l’étranger, ce qui paraît plus franc), en décembre 2021, la tribune du « Comité de soutien à la réélection du Président de la République », affirmant que « l’État a été au rendez-vous, et il n’a laissé aucun Français de l’étranger au bord de la route. » Christophe, lui, connaît bien les bords de route. Lui n’a pas été « acteur[s] et témoin[s], ces cinq dernières années, des moyens humains, financiers et politiques mis à la disposition rapide de l’amélioration de la protection et des droits de tous les Français de l’étranger. » Merci, Bruno ! Christophe, lui, était en France, et il a vu comment l’État traitait les petits. Il n’a pas vu « croître l’influence française dans le monde » au point que ces braves Français de l’étranger ont « regagné la fierté d’être Français », qu’ils avaient égarée ils ne savent plus très bien où, entre Los Angeles et Singapour, à London ou à Frankfurt, que voulez-vous, c’est le risque quand on voyage, les choses s’égarent, je me souviens que j’avais paumé le sac Vuitton que j’avais acheté en duty-free à Hong-Kong, c’était l’horreur, heureusement que je suis Flying Blue Ultimate, ils l’ont retrouvé et renvoyé avec une navette à Lausanne, où on fêtait le réveillon avec Bruno, quel type adorable, pas le melon pour deux sous, et quelle plume ! Je ne sais pas où il trouve le temps ? !

Bruno, ministre et six romans en cinq ans

Nous, on sait. Bruno a trouvé le temps d’écrire ses romans (six livres en cinq ans) et de préparer ses cours pour l’E4S parce qu’il n’a pas gouverné la France, qu’il n’a d’ailleurs pas vraiment quittée car « je continuerai naturellement à habiter en France, qui est ma patrie, ma vie, ma passion » expliquait-il en quittant Bercy il y a trois mois. Il est comme ça, Bruno, il a la passion de la France, et du pouvoir, et de l’enseignement, et de la littérature, et de la vérité (mais là, il n’a plus trop le temps), alors que Christophe, que voulez-vous, il n’a que ses agneaux, et encore. Lui a travaillé chaque jour pour son troupeau, à Riupeyrous. Et il n’a plus rien car la France ne fait rien pour lui. Il veut vivre de son travail sans passer sa vie à remplir des questionnaires et à identifier ses moutons pour leur traçabilité – une procédure bien plus rigoureuse que celles qui n’existent visiblement pas pour tracer les circuits de décision dans les ministères et à l’Élysée. En France, la production ovine recule à cause de la maladie, de la sécheresse et des coûts de production, mais c’est la faute à Poutine – et à Barnier, bien sûr, qui n’a pas réussi en deux mois à combler ce que Bruno a mis sept ans à creuser, alors que Bruno lui avait donné plein de bons conseils et laissé une belle feuille de route.

Marianne, mi-catin mi-garde-chiourme

La République est une marâtre mais c’est la France que Christophe veut quitter. Il ne s’y sent plus chez lui contrairement au gros coucou de Bercy qui pontifie en Suisse. Christophe veut quitter sa France car on lui a volé sa patrie à force de la travestir en Marianne, mi-catin mi-garde-chiourme. Christophe ira à l’étranger, où les macronistes s’épanouissent et rêvent d’une France sans aucun Christophe. Nous, nous resterons, car notre pays vaut mieux que ceux qui l’abîment ; mais nous aurions tant aimé que Bruno Le Maire se tînt loin de la France.

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