Nous avons donc un gouvernement qui nous impose des restrictions d’une rigueur comme n’en connaît aucun autre pays qui ne soit pas une dictature.
Il nous impose ces restrictions avec un formalisme aberrant, puisqu’il faut que nous nous autorisions nous-mêmes (!) à circuler dans d’étroites bornes et que nous pouvons être immédiatement condamnés – la verbalisation valant amende avec exigence le plus souvent d’un paiement immédiat – par n’importe quel gendarme ou policier si nous ne produisons pas le formulaire de cette autorisation à nous-mêmes donnée… Et ces rigueurs insensées ne produisent aucun effet admirable : l’épidémie, en France, est dans la moyenne ; enfin, nous sommes plutôt assez mauvais, à comparer à d’autres.
Il faut dire que notre gouvernement est capable de légiférer avec un rare sens du détail sur les tétines et les arbres de Noël, les désodorisants pour voiture et les pierrades… On peut comprendre qu’il n’ait pas le temps de s’occuper sérieusement de vacciner la population, pas plus qu’il n’a eu le temps de s’occuper de tests, pas plus qu’il n’a eu le temps de s’occuper de masques. Il fallait à ces gens importants occupés de choses d’importance d’abord mettre sur pied un modèle d’attestation ubuesque, puis imaginer mille manières subtiles d’appliquer ou de ne pas appliquer des règles sans cesse changeantes, enfin s’occuper gravement de changer le nom d’une application qui ne servait à rien pour faire en sorte qu’elle serve encore moins, tout en exigeant des restaurateurs qu’ils tiennent un registre de leurs clients disposés dans les salles avec un mètre à la main, avant de les fermer brutalement. Nous n’écrirons pas ici la saga des commerces de puériculture, obligés de fermer pendant que leurs produits, « essentiels », sont vendus en grande surface. Mais vous voyez l’idée.
C’est sur cette base solide que le gouvernement nous dit en permanence que nous devons lui faire confiance et s’étonne, piqué, que les Français regimbent et doutent.
Nous avons donc des évêques qui, enivrés d’amour pour un président qui leur a déclaré en 2018 que l’Église avait un devoir de réflexion mais aucune légitimité d’action, se sont pliés avec une docilité exemplaire aux ordres iniques d’un régime qui se rassure de son impuissance face à l’islam en opprimant les catholiques. Leurs ouailles se sont révoltées et, qui plus est, intelligemment révoltées : elles ont déposé un recours devant le Conseil d’État – ce à quoi les légalistes scrupuleux de la CEF auraient pu penser – et ont organisé en douce des messes clandestines, dans les presbytères ou ailleurs, sans qu’on ait jamais entendu dire que quiconque en était mort. Mais nos monseigneurs ont trouvé aigre et amer que leurs troupeaux s’affranchissent ainsi de leurs pasteurs : ce n’est pas parce qu’on encourage la démocratie et l’innovation qu’on les accueille avec bonheur, et ce peu de catholiques innocents qui reste aurait dû comprendre que l’amour du dialogue va de pair avec les refus les plus roides et que la dénonciation du cléricalisme (bon prétexte pour refiler les clés aux septuagénaires progressistes enragés de pouvoir) s’accommode avec bonheur de l’autoritarisme le moins complexé quand il s’agit de nier les droits des fidèles. Et ne voilà-t-il pas qu’à peine les églises rouvertes (avec du gel pas béni dans les bénitiers, ç’aurait été malin, pourtant) on les referme ! Alors que les prélats bêlaient à nouveau qu’il faut obéir à César, tout en arpentant, pleins d’importance, les couloirs des ministères pour bien montrer qu’ils étaient gens responsables, les mêmes gueux remettaient le couvert au Conseil d’État (qui a rendu un arrêt indigne) et en plus manifestaient devant les églises, suivis quand même par quelques évêques qui en avaient soupé de la diplomatie épiscopale. Nos princes s’irritèrent derechef : responsables, ils parlaient aux puissants, entre puissants ; ces puissants du gouvernement les méprisèrent, les bernèrent, les humilièrent. Voilà enfin les évêques mis en face de la réalité : la République française s’essuie les pieds sur les catholiques, nonobstant Léon XIII et ceux qui lui succédèrent. Ils appellent enfin à désobéir. Vanité blessée ou prise de conscience ? Soubresaut ou sursaut ?
La Conférence des évêques de France prétendait représenter un peuple de fidèles qu’elle ne gouvernait pas puisqu’elle laissait aux autorités civiles le soin de régler le culte ; et elle s’étonnait, piquée, que les plus jeunes, les plus fervents et les plus engagés se passent de ses avis. Elle se redresse enfin et les pasteurs entendent diriger leurs troupeaux.
C’est ainsi. Ceux qui nous gouvernent n’aiment pas les lois qui les brident mais n’aiment rien tant que de nous ranger sous la loi de leurs bons vouloirs, exigeant en plus notre respect, notre estime, voire notre affection. Pour Macron, c’est perdu. Pour les évêques, c’est à gagner.