Nous sommes en train d’assister à une séquence qui démontre jusqu’à l’absurde à quel point la démocratique république française est un régime aberrant. Voilà qu’un président mal élu, dont seuls les partisans continuent de croire qu’il est remarquable (les sondages en deviennent cocasses avec un très sûr effet comique de répétition), a décidé qu’il n’y a qu’un « combat existentiel » (je le cite) à mener : lutter contre le Rassemblement national. C’est devenu rabique.
La crise de l’agriculture ? « Réglez-moi ça en trois semaines, les gars, après on pourra bouffer du RN. Ha ! » La construction de la mémoire nationale ? « Trouvez-moi un communiste étranger, ça va bien emmerder le Rassemblement national, d’ailleurs je leur dirai qu’ils ne font pas partie de la nation. Et après on enchaîne sur Badinter, ça leur fera les pieds ! Ha ha ! » La diplomatie française ? « Allez, je vais dire qu’il faut aller envahir la Russie, ça obligera Marine à dire que c’est idiot, et moi je lui dirai qu’elle est poutinophile, et elle, elle dira rien, et là on gagnera les européennes, on va passer de 22 à 30 députés, enfoncée, la Bretonne ! Ha ha ha ! » « Pardon, M. le président, mais c’est vrai que c’est idiot… D’ailleurs les Allemands (vous savez, ceux avec qui vous considérez que vous êtes pacsés mais eux disent qu’ils ont jamais rien signé) disent que non. Olaf a même précisé “il n’y aura aucune troupe au sol, aucun soldat envoyé ni par les États européens, ni par les États de l’Otan sur le sol ukrainien” ». « Je m’en fous ! Trouvez-moi de quoi anéantir le RN ! Ma gloire sera d’avoir fait élire Édouard Philippe en 2027 ! » « D’un autre côté, la France n’a plus un sou, vous en êtes réduit à lécher les bottes des Qataris, les agriculteurs sont à bout, le BTP sombre, notre commerce extérieur est en déroute – mais c’est vrai que ça fait sept ans –, Bruno Le Maire se plante exprès dans toutes ses prévisions de croissance mais maintenant ça se voit, vous avez peut-être d’autres sujets, non ?… » « Non ! »
Une confiance passée de 73 % à 25 % en deux ans
Peine perdue. La France peut crever, le seul « combat existentiel » consiste à lutter contre le RN, Macron promet trois milliards d’euros à l’Ukraine pour pouvoir accuser Mélenchon et Le Pen d’être des agents russes. Gaby a carrément accusé le RN d’être une cinquième colonne moscovite. Macron est prêt à ruiner le très peu de crédit dont il disposait encore en Europe, il est prêt à se ridiculiser, il s’est ridiculisé (les Européens, à défaut des journalistes, se souviennent de ce que disait Macron au début de la guerre en Ukraine) pour dresser un piège à Marine Le Pen, cette vieille biche que toute la meute des ministres macroniens force semaine après semaine. Entendons-nous bien, le RN n’est pas un parti particulièrement respectable, ses prises de positions ne sont pas particulièrement pertinentes ou courageuses, mais comment un type qui se prétend « président de toutes et tous » (avril 2022), « président de tous les Français » (avril 2018), peut-il sérieusement croire qu’il va nous faire croire qu’on peut en même temps en détester un sur trois ? Comment ce régime des partis tient-il encore alors que chaque jour qui passe, avec cette exécrable équipe aux ordres de cet enragé, démontre avec une force incroyable à quel point il ne favorise que ceux qui ont l’esprit de parti et non pas l’esprit national ? Comment un homme d’État peut-il à ce point révéler que sa fonction est d’occuper le pouvoir et non pas de l’exercer, et d’écraser ses ennemis politiques plutôt que de restaurer la France et de garantir une vie tranquille aux Français ? La bave aux lèvres, Macron veut croire que nous adoptons son combat : seuls 25 % des Français lui font confiance (92 % des partisans Renaissance, évidemment) pour « affronter efficacement les principaux problèmes qui se posent au pays. » Ils étaient 73 % il n’y a pas deux ans. La rage le dévore. Les Français n’en aiment pas le spectacle. Finiront-ils par comprendre que ce régime ne peut en organiser qui leur plaise ?