La France – et donc les Français – pensait avoir une politique de santé. La France s’imaginait même que cette politique de santé publique était la meilleure du monde. L’état républicain la persuadait que c’était grâce à lui ; elle en était fière. En fait, d’excellentes formations dotaient le système médical français d’un personnel compétent, même s’il était insuffisant ; et les professionnels s’ingéniaient à se procurer les moyens adaptés. Tout autant qu’ils en avaient le pouvoir.
Cependant avec le temps la machine laissait à désirer. Plus singulièrement au cours de la dernière décennie.
Il fallut peu à peu déchanter. Plus l’état intervenait au nom des politiques publiques et plus l’autorité administrative sous ses ordres décidait et restructurait, plus la situation se dégradait et plus l’appareil de santé s’éloignait des Français. Les services tiraient la sonnette d’alarme.
Ceux qui souffraient le plus des carences, étaient ceux qui habitaient les territoires les moins bien pourvus et qui étaient, comme il est devenu de règle, pratiquement abandonnés. L’abandon était, de fait, programmé, pendant que l’état dispensait – à millions et à milliards – à l’étranger venu s’installer chez nous les avantages médicaux que les Français payaient de leurs ressources. Et ce n’était là qu’un aspect des contradictions scandaleuses qui affectaient les choix de la puissance publique.
Un système sans raison
Qui aurait pensé, pourtant, que le système en son cœur était atteint ? Quand survint la pandémie, le choc révéla soudain la sinistre réalité. Il fallut s’apercevoir que rien n’était prévu, rien n’était préparé. Des structures administratives avec force conseils à prébendes avaient pris les commandes de l’appareil sanitaire en France. Plus personne n’était responsable. Chacun disait et faisait n’importe quoi. Pire : les déficiences récurrentes à chaque moment crucial, les absurdités accumulées jusqu’au niveau le plus élevé se multiplièrent comme autant de signes d’une inquiétante incompétence que doublait une insupportable prétention. Les aberrations qu’une situation imprévue aurait pu expliquer, étaient revendiquées comme politique d’état par des autorités de plus en plus débordées qui, dans le mensonge et la suffisance, faisaient semblant de dominer la crise. Réunions innombrables de non moins innombrables états-majors, créés coup sur coup dans l’agitation de l’heure, chacun ayant appellation et qualification appropriées pour évaluer la menace, définir le danger, affronter l’ennemi, fixer la stratégie, déterminer les solutions, appréhender l’avenir. Points de situations réguliers, chiffres, statistiques et projections à l’appui ; adaptation tactique permanente ; bulletins de campagne comme du temps de Napoléon ; proclamations devant le peuple et les troupes dans le style épique requis ; vaste plan de reconquête, échelonné de mois en mois jusqu’à la victoire finale et vu comme déjà réalisé, alors même que tout fait défaut, les « vaccinodromes » étant désertés faute de vaccins, tout cela débité devant le public avec force éclat médiatique à la manière de Picrochole, rien assurément n’aura manqué à ce scénario qui se veut héroïque, imaginé par une bande de petits bourgeois ambitieux parvenus au pouvoir sur un coup de dés jetés au bon moment, investis dès lors de la souveraineté nationale dont, par ailleurs, ils se gaussent mais dont ils se servent pour leurs visées personnelles, et qui se trouvent ainsi à la tête d’un monstre administratif inapte et incontrôlable. Spectacle dérisoire de les voir jouer aux chefs qui commanderaient aux hommes, à la nature et aux dieux ! Car ils se figurent, ces faux rois de passage, sur le théâtre de l’histoire où se dérouleraient leurs carrières et s’illustreraient leurs personnages, quand ce ne sont par nécessité que de pauvres histrions. Tel est le ridicule fondamental de nos institutions : aucun n’y échappe. Au lieu de chercher le bien commun et de servir au mieux les intérêts français comme leur fonction devrait les y obliger.
Au-delà même de la pression du moment et qui risque, d’ailleurs, de s’accentuer dans les mois qui viennent et de durer par delà l’été et jusqu’à l’an prochain, la situation présente confirme ce que pressentaient et exprimaient depuis des années les voix les plus autorisées et qui n’étaient pas écoutées. En France, c’est ainsi et depuis fort longtemps et dans tous les domaines qui relèvent de la politique d’état : sorte de fatalité connaturelle à notre régime qui veut que les gens sérieux qui prennent soin d’avertir, ne soient jamais entendus ni même considérés. « Tout ça finira mal », disait déjà le perroquet de Jacques Bainville.
Pour qui veut considérer les choses d’un peu haut, il y a là un échec. Patent aujourd’hui pour l’état. Il est même, toutes choses égales d’ailleurs, particulièrement humiliant et grotesque chez nous, par rapport à la plupart de nos voisins, même de ceux qui souffrent du même mal que nous, en raison précisément tant de nos prétentions si superbement institutionnelles que de nos défaillances si concrètement organisationnelles. Tel est le paradoxe qu’il convient de comprendre pour ne pas se tromper dans l’appréciation. Il faut le dire : les défauts opérationnels ne tiennent absolument pas au dévouement des personnes, ni à la qualité du travail et des soins, ni à l’engagement des représentants des structures locales, mairies et préfectures, ni aux interventions des différents corps des professions médicales, des militaires, des pompiers ou des métiers qui ont offert spontanément leur concours. Tout le monde comprend bien que là n’est pas le problème, bien au contraire.
À ce niveau, rien à dire, sauf même à admirer. Que peuvent les gens contre les cafouillages, les contre-ordres, les impérities, les incuries ? Pire : contre les ordres idiots, voire criminels venus des plus hauts sommets ? Alors ? Ce qui se voit et n’ose pas encore s’énoncer, mais se pense fortement, c’est que la question est d’abord politique. Elle est bien au niveau de l’état. C’est là que tout se situe et le problème n’est pas prêt de cesser. L’affaire des vaccins, s’ajoutant à toutes les autres, est caractéristique d’une inaptitude fondamentale de notre organisme politique à répondre aux besoins de la société, alors même qu’il prétend s’occuper de tout et de tout diriger. Qu’on se rende compte : la France n’est pas capable d’avoir son propre vaccin !
Échec général
L’affaire est d’autant plus grave qu’il n’y a plus de marge de manœuvre. L’État tient tout. La Sécurité sociale n’appartient plus – et depuis fort longtemps – aux citoyens assurés. Ses lois, ses décrets, ses budgets relèvent de l’état, sont votés par des majorités parlementaires aux ordres, entrent dans les mêmes visées que les autres politiques de l’état républicain, essentiellement idéologiques. La pandémie justifiera le plan totalitaire qui sera présenté demain comme l’unique moyen de sauver le système, de financer les trous abyssaux qui se creusent dans tous les comptes, de faire de tout Français un citoyen conforme à la norme, « assujetti », selon l’expression typique, si chère à la Sécurité sociale, aux prescriptions de l’unique Loi révélée du haut de la Nuée républicaine.
Jusqu’où ne va pas la prétention de cette religion – car c’en est une – qui se substitue à tout ? La question sanitaire se pose aujourd’hui prioritairement. Mais le reste ? Partout le même schéma !
Par exemple, la République s’était faite l’enseignante des Français, « la professeure », comme elle dirait aujourd’hui : à elle l’école, à elle les diplômes, à elle les universités. À elle, surtout, l’esprit des petits Français qu’il convenait de façonner ! Elle a mis la main sur l’enseignement au point que les Français sont persuadés que, s’ils font des études, ils le doivent à la République. Elle leur fait croire cette fable ; elle ne s’est pourtant contentée que de rafler la mise, selon son habitude, en chassant toute concurrence. Elle imposait ses idéaux à elle : sa morale sans Dieu ni tradition, dite indépendante – grand combat des années 1880 –, inspirée au départ du père Kant et de l’idéalisme allemand dont elle est la fille naturelle et politique, ce qui lui insuffla par la suite logiquement une philosophie générale et historique hégélo-marxienne, celle qui régna sur ses intellectuels, jusqu’à tout récemment, se partageant l’intelligence du pays avec le prétendu libéralisme anglo-saxon, toute pensée classique française étant par définition exclue. Pourquoi s’étonner des dérives universitaires d’aujourd’hui ? Elles étaient déjà en cours il y a cinquante ans ! Seulement la culture d’aujourd’hui est devenue comme en Amérique une sous-culture. Mais le mal à l’origine est bien de chez nous, jusqu’aux dernières stupidités de « l’intersectionnalité »..
Au bout de l’expérience, une catastrophe sans nom dont chacun peut méditer les causes : un abaissement tragique du niveau de formation, sauf exception, un défaut d’éducation généralisé, une population sans repère, l’immoralité installée dans la société, une laïcité qui ne fut jamais forte que contre la religion traditionnelle de la France, celle de l’église catholique, totalement inefficace – et même contreproductive – pour contrôler l’Islam qui continue inexorablement sa progression dans notre nation, en dépit des « tweets » dérisoires du petit Darmanin, jusqu’à la pulvériser. Car rien n’arrête plus l’immigration que personne ne maîtrise, surtout pas l’Europe.
Tout est à l’avenant. La sécurité n’est plus assurée ; des parties entières du territoire échappent à la loi ; la justice fonctionne en dépit du bon sens ; l’ordre intérieur dépend des lubies de ministres qui jouent les importants ; notre défense, malgré une armée remarquable, est livrée à des utopies humanitaires et à la chimère d’une Europe sous gouvernance allemande dont nos gouvernants, Macron en tête, s’imaginent, comme au temps de Jaurès, de Briand, de Blum, en raison des cours qu’ils ont appris dans leurs écoles, qu’elle est l’avenir de la France, alors que la tromperie devient de plus en plus manifeste, les héritiers de Gustav Stresemann s’efforçant toujours de duper leur prétendu partenaire.
Ces vérités commencent à se dire : dans la presse libre, Valeurs actuelles, Présent, Politique magazine et autres organes soit en version papier, soit sur internet, dans les émissions de télévisions libres, TV Libertés, Cnews que de plus en plus de Français suivent avec passion. Le constat est fait : la France a été littéralement bradée intellectuellement, moralement, spirituellement, économiquement, industriellement, maintenant financièrement, par des bandes d’arrivistes sans scrupules, sans autre légitimité que leur prétention, qui se sont crus les maîtres du pouvoir parce qu’ils réussissaient leurs mauvais coups politiques que nos institutions favorisaient.
C’est pourquoi, il faut le répéter ici, la vraie et unique question est une affaire de régime. C’est elle qu’il faut poser. Comment ne pas méditer la forte maxime de Renan, plus vraie encore de nos jours que de son temps : « En politique, un principe qui, dans l’espace de cent ans, épuise une nation, ne saurait être le véritable ».