Editoriaux
Cierges et ministres
Il y a une semaine à peine, une grave question agitait le monde politique : qui allaient être les ministres délégués aux Personnes en situation de handicap et aux Anciens combattants ?
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Macron parle. C’est une chose impressionnante.
Avec conviction, avec feu, avec détermination, avec intensité, il dit des choses, comme : « Le port du voile dans l’espace public n’est pas mon affaire. Dans les services publics, à l’école, c’est mon affaire. Dans les services publics, il y a un devoir de neutralité. Quand on éduque nos enfants, on demande qu’il n’y ait pas de signe religieux ostentatoire. Après, ce qui se passe dans l’espace public, c’est pas l’affaire de l’État ou du président de la République. » En même temps qu’il appelait le Conseil français du culte musulman à « combattre, aux côtés de l’État, le communautarisme et l’islamisme ». On ne sait pas dans quel espace public il faut combattre des signes communautaristes ostentatoires à l’appel d’un État qui considère que ce n’est pas son affaire, mais le ton y est. Un macroniste moyen saura se débrouiller avec ce parfait exemple de double-pensée qui exige qu’on combatte ici au nom de la laïcité des signes religieux qu’on doit ignorer là puisqu’ils permettent de repérer là des communautarismes qui se manifestent ici.
Macron martèle des trucs, les yeux dans les yeux, avec un trémolo tout à la fois implorant et furieux. Mes enfants, comme il nous appelait pendant le Grand Débat, mes enfants, ne savez-vous que je me dois à des choses importantes et cruciales et que vous m’obligez à dissiper mes énergies, à les distraire, avec cet effort pédagogique incessant ?
Il dit : « J’ai mes cicatrices, et je les frotte de manière régulière pour ne pas les oublier », ce qui est dégoûtant et incompréhensible mais voudrait dire qu’il a écouté les Français, qui l’écoutent sans plus le comprendre. « J’ai appris que dans plusieurs situations je n’avais pas réussi à me faire comprendre, ou qu’à vouloir faire bouger les choses avec impatience, énergie, j’avais parfois blessé des gens ou donné le sentiment que je voulais changer le pays contre les Français eux-mêmes. » Ma foi, oui, c’est le sentiment qu’on a. Mais on a sûrement tort, hein.
Mes enfants, dit Macron, vous pourriez quand même comprendre que ce que je dis à Marseille n’est pas ce que je dis à Mayotte, que le temps des élections n’est pas celui du gouvernement, que je peux affirmer, quand j’y suis, que les îles Glorieuses sont françaises tout en préparant, à Paris, l’abandon de souveraineté des îles Éparses, auxquelles elles appartiennent. Vous devriez saisir qu’il est légitime que je me rue à Rodez pour parler des retraites et que je vous laisse vous débrouiller avec le communautarisme musulman à Montfermeil. Vous devriez comprendre que lorsque je dis que je suis à votre disposition, ça ne veut pas du tout dire que je suis censé répondre à vos inquiétudes.
Car Macron dit des choses comme : « s’ils cherchent un responsable dites-leur, dites-leur chaque jour : “vous l’avez devant vous”. Le seul responsable de cette affaire, c’est moi ! et moi seul. […] On ne peut pas être chef par beau temps et vouloir se soustraire lorsque le temps est difficile. S’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher. Et ce responsable répond au peuple français et au peuple souverain. » C’était en pleine affaire Benalla, juste avant les Gilets jaunes qui ont été un « moment de spasmes très forts qu’a vécu le pays, qui n’est pas innocent », ce qui est aussi dégoûtant quand on y réfléchit un peu.
Macron dit qu’on peut venir le chercher et quand on vient il n’est plus là. Un sondage, une manifestation, une tribune ? Ce n’est pas son affaire. L’affaire de Macron, c’est le reste, c’est d’être là où nous ne sommes pas allés le chercher. Privatiser ADP – qui rapporte mais tant pis –, réformer EDF – pour que ses dettes soient entièrement publiques, tant pis –, s’entremettre entre l’Iran et les États-Unis – qui n’en veulent pas, tant pis. Macron est financier et planétaire et la France, c’est pauvre et petit. Il y a Rodez, Brégançon, un ou deux villages où débattre et deux ou trois îles, comme la Réunion et la Guyane, et puis c’est tout.
Macron dit : « Je n’aurai aucune forme de faiblesse ou de complaisance ». Il parlait des retraites – sur lesquelles il ne cesse de reculer – mais on a l’impression qu’il parle comme ça sur n’importe quel sujet depuis le début de son quinquennat. On sait maintenant que cette grande rigueur s’applique dans un espace public qui n’est pas celui où vivent les Français, avec leurs spasmes, mais celui où se déplace le Président, avec ses plaies. On n’habite pas au même endroit. On s’en doutait, il le confirme.
Par Philippe Mesnard