Or donc notre sémillant président a été giflé en public par sa femme.
L’Élysée, dont on connaît la proverbiale sincérité (rappelez-vous que Sibeth Ndiaye expliquait qu’il était légitime de mentir pour protéger l’intimité du président, qui met en permanence en scène son “bonheur” conjugal), a commencé par expliquer que ces images, tournées et diffusées par une agence de presse états-unienne, étaient un mensonge virtuel, le produit de l’intelligence artificielle et un coup des Russes. Devant l’évidence – et la confondante idiotie de l’explication –, Macron a opté pour une explication beaucoup plus crédible : il s’agissait d’une chamaillerie amoureuse pour décompresser avec gifle complice. Qui en effet n’a jamais giflé à deux mains son mari dans un joyeux chahut amoureux, le laissant étourdi et éberlué ? Tout le monde a donc été convaincu, comme à chaque fois qu’Emmanuel Macron prend la parole et explique à quel point on est méchant avec lui qui ne veut que le bien de la France et n’est guidé que par l’amour des Français.
Il les aime tant qu’il leur parle, longuement, souvent, pour se féliciter avec eux de sa présidence qui fait ruisseler sur eux le lait et le miel de la prospérité, avec quelques détours de ces fleuves qui passent d’abord par les ministères, les agences d’État, le service de la dette et les cadeaux fiscaux faits aux multinationales, ou aux investisseurs étrangers, qui sont les relais naturels et nécessaires de l’ex-financier devenu président, qui sait remercier les Qataris, par exemple, puisqu’ils ont acheté à prix d’or le PSG – enfin, ils ont surtout été exemptés d’impôts par Sarkozy – et financé l’expansion européenne et française des Frères musulmans. Cela valait bien que Macron les remercie, après avoir enterré le rapport sur l’entrisme islamique en France, qu’il a feint de découvrir, et minimise les scènes d’émeute qui ont éclaté partout en France, préférant, tout à sa joie, touiter « Champion mon frère ! ». Il a quand même consenti à expliquer, après, que toute cette liesse avait un peu dégénéré, et a pris un engagement : « nous poursuivrons, nous punirons, nous serons implacables ». La justice l’a d’ailleurs immédiatement entendu : quatre « jeunes », Aurélien, Bayo, Ali et Brahim, poursuivis pour violences envers les forces de l’ordre après la victoire du PSG et passibles de 3 ans de prison ferme et 45 000 € d’amende, sont ressortis libres, mardi 3 juin, du tribunal, implacablement condamnés à des peines avec sursis de 2 à 8 mois de prison, assorties dans deux des cas d’un stage de citoyenneté, et dans deux autres d’une amende de 500 €. De quoi définitivement décourager tous les casseurs en actes et en puissance.
Il paraît que l’Élysée a prétendu que Macron n’avait jamais promis d’être implacable et que c’était une intelligence artificielle russe qui avait utilisé sa statue, volée au musée Grévin, pour lui faire dire des sottises : a-t-on jamais vu des émeutiers issus de la diversité ou de la gauche être réellement poursuivis et punis de manière implacable, et a-t-on jamais vu le président Macron réserver ses sarcasmes et ses philippiques à d’autres personnes que les Français (qu’il aime tant), les Français pauvres, les Français fiers d’être français (sans plus très bien savoir pourquoi), les Français de droite ? C’était crédible, en effet, mais non, Macron a bien prononcé ces mâles paroles dont il savait qu’elles étaient vaines.
On peut même souligner l’infecte hypocrisie qu’elles représentent car le président savait qu’elles ne seraient suivies d’aucun effet sinon une déclaration fracassante de Darmanin. On peut même souligner la perversité d’une parole de réconfort qui sait qu’elle décevra. On peut et on doit souligner l’ignominie d’une promesse qui sait qu’elle ne sera pas tenue, d’un espoir consciemment donné pour être certain qu’il sera déçu et laissera amers et découragés ceux qu’il avait soulagés. On peut et on doit dire que Macron est orfèvre en la matière. Champion, mon frère !
Illustration : On a retrouvé les deux statues du musée Grévin.