Spectacle proprement sidérant sur les plateaux de télévision ! Les socialistes, affichant la mine revancharde et satisfaite de ceux qui viennent de réaliser, contre toute attente, une performance faramineuse… En découvrant les résultats du premier tour des élections départementales, Manuel Valls, dit-on, en aurait allumé un cigare. Valls, le modeste. Valls dont les coups de menton « stigmatisants » ont fait reculer la bête immonde qui, grâce à lui et à lui seul, ne serait plus en mesure de revendiquer le titre de « premier parti de France ».
Mais quelle étrange cécité frappe les socialistes ? Quoi qu’il en soit des résultats définitifs des élections départementales, la vérité oblige à dire que le « parti majoritaire » a subi, comme il était prévisible, une très lourde défaite et que seuls des bricolages de boutiquiers et des additions diverses lui ont permis – en apparence – de limiter la casse. Comme l’UMP, d’ailleurs, ce qui autorise Nicolas Sarkozy à revendiquer la première place. Mais ces enfumages de basse politique politicienne ne trompent personne.
Il ne suffit pas de rendre des résultats électoraux illisibles pour cacher la réalité d’une vague bleu Marine déferlant en première position, au premier tour, sur plus d’une quarantaine de départements, y compris sur des territoires qu’elle n’avait jusqu’à présent jamais atteints. Drôle de « défaite » donc pour un parti qui pourrait remporter une ou deux régions lors des prochaines échéances électorales de fin d’année 2015 et dont les résultats, comme cela devient l’habitude dans notre démocratie fatiguée, ont été scrutés, analysés, interprétés avec les frémissements de voix et les airs soucieux de rigueur.
Politique magazine l’a dit et redit : la vie politique française est désormais entièrement focalisée sur le Front national. Et pour longtemps. La bouffonne et consternante alternative laissée aux électeurs entre « front républicain » et « ni-ni » – une question de « morale » paraît-il –, contribue évidemment à nourrir le vote FN et à détourner un peu plus les citoyens des partis institutionnels. Comme si ces derniers n’avaient pas d’autre programme que celui de l’empêcher d’accéder au pouvoir. Comme si cette obsession – non dénuée, comme on le sait, de cyniques calculs politiciens – cachait le vide de leurs propres idées.
A les entendre, ce n’est pas compliqué : il s’agit de sauver la République. Ce qui est aussi, exactement, le programme de Marine Le Pen ! Cherchez l’erreur.
La vérité, c’est que le décalage entre les préoccupations du pays réel et celles de la classe politique, déconnectées des réalités concrètes, est de plus en plus flagrant. Comme l’explique Eric Zemmour dans le grand entretien qu’il nous a accordé (p. 10), nos « élites » se caractérisent par leur souci d’évacuer, ou de transformer, la réalité. Ainsi, pérorent-elles sur des avatars et taisent-elles ce qui fâche. Ainsi camouflent-elles les chiffres. Or, le succès du FN vient précisément du fait que ses propositions – quoi qu’on en pense par ailleurs, en gros ou dans le détail – sont étayées par une réalité qu’il n’hésite pas à nommer. Pour lui, un chat est un chat.
Nos hommes politiques seraient bien inspirés de revenir au réel. En commençant par parler un peu plus de la France et un peu moins de la « République ». Une République qui exhale, comme pourrait le dire le pape François, de très mauvaises odeurs d’arrière-cuisine électorale.