Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Du vintage, années 80 en France, de l’illusion mystérieuse et effrayante dans les Alpes, signée Maxime Chattam, et un extraordinaire « Seoul copycat ».
L’action se déroule au début des années 80, dans une France légèrement différente de la réalité. Le ton vintage du roman est rare et bienvenu, par les voitures (Alpines Renault par exemple), les ambiances, y compris vestimentaires ou celles des cafés, les relations humaines, notamment entre hommes d’un certain âge et jeunes femmes arrivées à l’âge adulte à l’orée du Mitterrandisme. L’histoire ? Deux services de police sont au bord de la guerre : la Police Judiciaire et la Police de Sûreté, le « Boulevard Soult », police chargée de lutter contre le terrorisme, en dehors du regard des juges. Ces policiers, ce sont les Boiteux. Ils sont d’un autre temps, de l’époque où la Ve République se mettait en place et où des actions discrètes de l’État servaient à éliminer des opposants en tout genre.
Mais au début des années 80, cette police est vieillissante, moins utile. D’autres organismes agissent contre le terrorisme, comme le Choc, structure d’infiltration des milieux révolutionnaires de type maoïste et dont la fonction n’est pas seulement d’informer mais d’éliminer. Louise, jeune inspectrice, est issue du Choc. Elle est nommée au « Boulevard Soult », devenant ainsi membre des Boiteux. Sa mission ? Surveiller son nouvel équipier dont les agissements et surtout les relations avec certains membres de la PJ ne plaisent pas. Les deux polices sont en concurrence, elles s’opposent, se préparent à une guerre, le tout sur fond d’une vieille histoire en train de ressurgir : des Boiteux âgés, à la retraite, sont successivement assassinés. Dans le cadre de cette nouvelle guerre des polices ? Pas forcément. Peut-être est-ce plutôt lié à un évènement ancien entre ces deux mêmes polices ? Ce premier roman, réussi, de Frédéric L’Homme n’est pas une enquête mystérieuse à rebondissements, plutôt un roman avec courses poursuites, personnages forts, une ambiance de film noir dans laquelle on s’étonne de ne pas voir surgir Alain Delon ou Lino Ventura. Un retour dans le passé, en noir et blanc, vrai ou faux peu importe, qui ne manque ni de saveurs ni de charmes.
Maxime Chattam est l’un des principaux auteurs de thrillers best-sellers français et chacun de ses livres est attendu par un public d’habitués, dont certains le suivent depuis ses premiers romans, La trilogie du mal. Nombre de ses lecteurs considèrent un autre de ses romans, Les Arcanes du chaos, comme son meilleur livre. L’illusion surprend, et de ce point de vue le titre est fort bien choisi.
Jeune homme tout juste séparé, plus ou moins comédien, auteur d’un roman vendu à 400 exemplaires, psychologiquement un peu perdu, Hugo accepte une proposition d’emploi trouvée suite à un conseil reçu sur un forum internet : il rejoint l’équipe d’entretien d’été de la station (inventée) de ski familiale de Val Quarios, dans les Alpes, à trois heures de voiture au-dessus de Montdauphin et de son fort construit par Vauban. Accueilli par l’enthousiaste Lilly, prof de ski, il se prépare à travailler durant cinq mois dans une station déserte l’été, le propriétaire n’ayant pas réussi à suivre le mouvement de diversification des activités du tourisme montagnard. La station est vide, sauf une quinzaine de personnes, des permanents, présents l’hiver aussi, et des nouveaux, recrutés comme Hugo. Elle est vide mais aussi immense, Hugo s’y perd, a le sentiment de ne jamais retrouver le chemin de son appartement, comme si les murs et les couloirs changeaient de place. Il est désorienté. Lilly l’oriente vers l’origine de la station : elle aurait été créée par un magicien célèbre du début du XXe siècle, le plus grand des magiciens, oublié cependant depuis sa retraite volontaire loin du monde, à Val Quarios. Hugo enquête sur ce personnage fascinant, se convainc de vivre au cœur d’un mystère jusqu’à ce que le thriller prenne de l’ampleur avec la disparition d’une employée en fin de contrat. Meurtre ? Tueur en série ? Chattam met son lecteur dans la peau d’Hugo, le désoriente, parfois un peu trop longuement, jusqu’à ce que le huis-clos s’éclaire en une fin de grande force.
Seoul copycat est le premier roman de Lee Jong-Kwan, longtemps rédacteur dans une revue coréenne de criminologie. Un copycat ? Un meurtrier qui reproduit le modus operandi d’un autre meurtrier, en général d’après ce qu’il a pu en apprendre par les médias. À Seoul, un inspecteur se réveille à l’hôpital et une de ses collègues de la police scientifique est là pour l’aider. Il a survécu de peu à un incendie alors qu’il poursuivait un copycat déjà responsable d’au moins trois meurtres. Un copycat original : il tue des suspects de meurtres relâchés faute de preuves. Un copycat justicier ? L’inspecteur hospitalisé a perdu la mémoire et la vue, sa collègue semble là pour l’aider à retrouver le fil de son enquête, seul moyen pour parvenir à arrêter le tueur. Un thriller étonnant où il n’y a pas de courses poursuites mais un jeu de relations psychologiques complexes entre des personnages somptueusement campés. Le lecteur est mené en bateau de bout en bout, persuadé à plusieurs reprises d’avoir enfin saisi le déroulé des évènements et identifié le copycat. Sauf que Lee Jong-Kwan joue avec lui à un point rarement égalé, dans un roman construit comme des poupées russes. Un grand thriller qui montre à qui en doutait encore que le noir coréen n’a rien à envier au noir scandinave. Honnêtement, Seoul copycat est le thriller qui m’a le plus surpris, et même bluffé, depuis plusieurs mois.