France

Paris malgré tout
C’est un petit livre qui enchaîne les noms propres et les éclairages historiques à la vitesse de l’éclair, comme écrit à l’instinct.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Alain Paucard a écrit un nombre considérable d’ouvrages dont le mauvais esprit persistant leur valent, même couronnés par l’Académie française, comme Lazaret, d’être peu disponibles.
Il faut dire que l’auteur, qui a le pamphlet facile, ne s’embarrasse pas de trop prudentes élégances et décrit, avec la précision hallucinée d’un Léon Daudet rêvant les guerres du futur, des lendemains postapocalyptiques absolument navrants et vraisemblables : passées à la moulinette des années 80, cet abîme de la vulgarité humaine et sociale, les futurs ne peuvent être que désastreux. Publié par L’Âge d’Homme en 1986, Lazaret reparaît donc cette année à La mouette de Minerve, et c’est tant mieux. La Défense est devenue une immense salle de shoot où croupit une humanité répugnante : c’est Banlieue 13 (film de 2004) sans espérance, car Alain Paucard n’est pas un humaniste et la République n’est qu’une marâtre. Bref, grâce à l’idée magnifique d’un technocrate, le ministère de la Santé distribue la cocaïne sur ordonnance, le haschich est vendu par une régie d’État, les compagnies spéciales raflent les drogués et les embastillent dans le lazaret de La Défense. On suit des personnages (Charles, Rex, Regina…) qui essaient de survivre dans cette jungle, où Guerriers et Esclaves ont reconstitué des hiérarchies concentrationnaires : Lazaret n’est pas une vaste fresque avec considérations élevées sur la société, c’est un roman d’anticipation envoyé comme un coup de poing, avec parfois d’ironiques incises : tract de la CGT du haschich, circulaires policières, compte rendu d’un conseil de guerre (il va sans dire que l’idée d’interner tous les mauvais citoyens en un seul endroit n’a pas eu les effets technocratiques attendus)… On sort de la lecture étourdi d’y avoir cru, effrayé par l’actualité involontaire de cette dystopie si française.