Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Le cent-cinquentenaire de Charles Maurras
Ses adversaires s’inquiètent. On ne saurait leur donner tort : leur principal atout était de voir Maurras condamné non seulement à la dégradation nationale, mais surtout à la mort éditoriale. Une peine de mort qu’on a oublié d’abolir ! Il y eut, certes, des tirages confidentiels, mais les grands éditeurs étaient peu soucieux de laisser ce nom honni compromettre leur image. Or les choses bougent…
̕C’est un modeste mais réel printemps éditorial maurrassien qui nous est offert aujourd’hui. Une petite flottille d’ouvrages, sortie de l’enfer, a appareillé et vogue vers la haute mer. À vrai dire, seul le vaisseau amiral – l’anthologie publiée dans la collection « Bouquins » – répond directement à l’urgence d’une réédition des textes. Les autres, des navires d’accompagnement, relèvent surtout du commentaire, mais tous profitent du vent favorable suscité par l’affaire du « livre des commémorations ». Avant d’entrer au gouvernement, Mme Nyssen dirigeait les éditions Actes Sud : commémorer l’enfant de Martigues, provençal de naissance et de cœur, était pour elle une exceptionnelle occasion d’agir pour le Sud… Elle y a réussi – malgré elle, dirait-on… – au-delà de toute espérance !
Mais saluons d’abord la sortie du livre-évènement. Le travail effectué par l’universitaire Martin Motte pour réunir en un seul volume de 1200 pages l’essentiel de l’opus maurrassien force le respect. De même que la préface de plus de trente pages de Jean-Christophe Buisson, du Figaro magazine, sous le titre – certes un peu discutable – d’Un prophète du passé, constitue un essai complet sur le sujet, plein de vie et de richesses multiples. À ce double travail, accueilli chez Robert Laffont dans la collection Bouquins, ne manquent sans doute pas les critiques à faire. Elles le seront en temps utile. Mais il s’agit le plus souvent d’observations passionnantes et propres à susciter et enrichir le débat. Or rien n’a plus nui à Maurras depuis un demi-siècle que la conspiration du silence. On l’avait jeté au fond du puits, mais c’était « le puits et le pendule » d’Edgar Poe, les enfouisseurs le vouaient à une mort inexorable. La vérité, cependant, finit toujours par sortir du puits !
En feuilletant ce livre, en parcourant sa table des matières, en lisant les introductions proposées par Martin Motte avant chaque partie, en consultant les notes en bas de page, on devine déjà le colossal travail consenti pour choisir et ordonnancer les textes d’un homme qui a publié, sa vie durant, plus de pages que Voltaire. Sa vie s’est confondue avec son œuvre, avec cette conséquence que ses livres pouvaient ne jamais être achevés. Les textes – souvent des articles commandés par l’actualité – se chevauchaient au fil des différentes éditions d’ouvrages, qui semblaient ne jamais le satisfaire. Quand, peu avant sa mort, il conçut ses Œuvres capitales, il pensa qu’elles constitueraient son « avenir total ». Erreur : les choix de Martin Motte se révèlent assez largement divergents. Un seul exemple : Mes idées politiques, ouvrage paru en 1937, composé de morceaux choisis et d’une préface inédite (son célèbre texte sur la politique naturelle) n’était pas retenu par Maurras sous cette forme. En revanche, l’éditions « Bouquins » a estimé que la popularité de ce livre et de son titre justifiait son maintien : un choix défendable… autant que discutable, comme le sont tous les choix.
Les lecteurs les plus attachés à Maurras regretteront les manques énormes – aussi inévitables que les regrets qu’ils suscitent –, et les grands livres dont ne figurent que des extraits : mais nombre de jeunes lecteurs, et même de moins jeunes, y trouveront sûrement un accès plus aisé. Il nous faudra revenir sur ce livre, notamment sur la préface de Jean-Christophe Buisson. Ce sera dans les années à venir un indispensable manuel pour découvrir et fréquenter l’œuvre d’un homme qui, à l’orée du XXe siècle, eut un regard si pénétrant qu’il nous concerne tous encore aujourd’hui. Un dernier mot : le livre s’achève sur le procès de 1945, avec les textes du réquisitoire et de la plaidoirie sont. Ils sont précédés d’une présentation qui dit, avec une grande précision et une louable modération de ton, toute l’iniquité de ce qui n’a été qu’une parodie de justice.
Parmi les ouvrages qui font le mieux revivre les débuts remuants de l’Action française – comme ceux de Léon S. Roudiez et de Victor Nguyen –, L’Âge d’or du maurrassisme de Jacques Paugam a pris toute sa place avec un singulier mélange de vive sévérité critique et de générosité du regard. En cet « entre-deux-siècles » si agité et si fécond des années 1900, la Revue d’Action française – bimestriel vite surnommé la Revue grise – apparaît comme un « think tank », un laboratoire d’idées tout à fait innovant. Paugam a ce mot qui peut donner une idée du ton de son livre : « À travers cette lutte permanente, le véritable portrait de Charles Maurras se dessine, assez peu conforme à l’idée qu’on se fait généralement de lui : on est frappé par sa modestie. » La réédition de ce livre datant de près d’un demi-siècle, est bienvenue, d’autant plus qu’elle bénéficie d’une très remarquable préface, inédite, de Michel De Jaeghere, dont le long passage consacré à l’antisémitisme d’État maurrassien est exemplaire. Ce sujet qui, sur le fond, n’avait pas une telle importance pour Maurras, est devenu, pour nous, hypersensible. Porter un jugement vrai et pouvant être compris aujourd’hui apparaît toujours très difficile. Il n’est pas sûr que De Jaeghere y parvienne totalement, mais peu ont avancé aussi loin que lui sur ce terrain qui a été systématiquement miné.
Un petit ouvrage pédagogique a connu un grand succès chez les jeunes militants depuis les années 70, Maurras et la pensée d’Action française, dû à un juriste universitaire, Maurice Torrelli. En cent pages, l’essentiel est dit sur la démocratie et les libertés, le nationalisme, la monarchie, et les mérites de l’empirisme organisateur. Devenu introuvable, le « Torrelli » vient d’être réédité par les toutes jeunes Éditions de Flore, dont c’est la première publication. En le faisant, lui aussi, bénéficier d’un remarquable avant-propos, dû cette fois à François Marcilhac.
Il ne faudra pas non plus laisser passer cette «année Maurras » sans avoir lu les douze textes d’hommage réunis par Marc-Laurent Turpin pour les éditions Apopsix. Axel Tisserand décrit la fidélité du Martégal à la Maison de France, Paul-Marie Coûteaux et Christian Vanneste analysent (chacun à sa manière) les influences maurrassiennes sur de Gaulle. D’autres – Anne Brassié, Philippe Prévost, Michel Fromentoux…– témoignent, ou évoquent Maurras, le Provençal, la question religieuse, l’homme… Hilaire de Crémiers, qui passe en premier, a cette phrase qui pourrait être de conclusion (provisoire…) : « Ne fallait-il pas sortir de l’échec répété ? Puisque, malgré le prestige de l’homme et le rayonnement de l’œuvre, une sorte de fatalité les a condamnés à ne pas réussir. À jamais ? C’est une grave question à laquelle l’homme a répondu, mais à sa manière. Étonnante, mystérieuse ! »
L’AVENIR DE L’INTELLIGENCE ET AUTRES TEXTES, de Charles Maurras, Édition établie par Martin Motte, préface de Jean-Christophe Buisson, Éditions Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2018, 1226 p. 32 €
L’ÂGE D’OR DU MAURRASSISME, de Jacques Paugam, Préfaces de Michel De Jaeghere et Jean-Jacques Chevallier, Éditions Pierre-Guillaume de Roux, 2018, 402 p. 25 €
MAURRAS ET LA PENSÉE D’ACTION FRANÇAISE, de Maurice Torrelli, Avant-propos de François Marcilhac Éditions de Flore, 2018, 104 p. 10 €
REGARDS SUR MAURRAS (12 auteurs) Ouvrage collectif d’hommage pour un cent-cinquantenaire, Éditions Apopsix, 2018, 284 p. 20 €