Pianiste formé auprès d’André Dumortier, Florent Nagel a toujours composé. Il a étudié avec Marcel Bitsch et Claude Ballif. Le succès de son Alice au Pays des Merveilles (2012), joué plus de deux cents fois à travers le monde, et récemment par l’Orchestre du Capitole de Toulouse, confirme la place de son univers sonore dans le paysage contemporain. La partition de son dernier opus paraît chez Leduc conjointement à la sortie de l’enregistrement. Livre pour piano rassemble 25 pièces aux titres sobres (prélude, fugue, invention, toccata,…) qui évoquent une longue tradition musicale.
Comment est né ce Livre pour piano ?
J’éprouvais le besoin de structurer mon écriture d’une façon organique et différemment de mes œuvres antérieures.
Votre œuvre traduit une conception très précise de l’art musical. Pourriez-vous nous l’exposer ?
Il y a deux types de musiques : celles qui s’adressent essentiellement aux musiciens et aux compositeurs, et celles qui sont intemporelles. Les premières laissent l’auditeur à la porte, en quelque sorte car il n’a pas les codes immédiats pour pouvoir entrer dans un monde réservé à des initiés. Les secondes sont intemporelles parce qu’elles parlent un langage commun : Bach, Mozart, Beethoven et bien d’autres.
Depuis 1945, les compositeurs se sont livrés à toutes sortes d’expériences au niveau de la recherche de timbres, de formes, de choses inouïes, avec la volonté de produire du nouveau. Or, on fait du nouveau surtout lorsqu’on devient soi-même, sans a priori sur tout ce qui appartient au passé : cela s’appelle l’Histoire. Notre histoire commune est non seulement culturellement codifiée, elle intègre également des règles qui sont naturelles et propres à chacun, comme les proportions justes, le nombre d’or, les retours de thèmes, etc. et le compositeur, en se mettant dans un état permanent d’écoute des choses qui viennent, produit de lui-même quelque chose qui, si elle est juste, parle à tous.
Un des aspects importants permettant à l’auditeur d’être pris par la main, c’est la forme. C’est elle qui structure le langage d’un compositeur. Toutes mes pièces ont, dans leur variété, un point commun : exploiter l’idée contenue dans leur matériau de départ. Ce faisant, j’ai pu aller à leur rencontre, ma pensée musicale s’est immédiatement traduite sur le clavier, ce qui fait qu’elles ne sont pas « déconnectées » de l’instrument. Le mélomane est ici guidé grâce à ces formes qui naissent et se développent au fil de chaque morceau. Il ne se sent pas exclu et peut se construire une pensée active, se nourrir de façon directe, en suivant le fonctionnement interne de chaque pièce. Mon objectif est de rentre accessible mon propos musical de manière à ce que l’auditeur puisse être en situation de pouvoir jouer lui aussi avec toute la complexité de ce qui lui est exposé. Cela s’effectue dans la durée. Et il n’y a que la forme qui puisse en rendre compte. Le tout dans l’instant, l’instantané dans la globalité : c’est la forme.
Avez-vous d’autres partitions en gestation ? des concerts en préparation ?
D’autres pièces pour piano !… Alice sera redonnée en version orchestrale la saison prochaine et j’aurai la joie d’interpréter mon Livre pour piano lors du festival « Plage musicale en Bangor », à Belle-Île-en-Mer le 20 juillet prochain.
Livre pour piano, Florent Nagel, Azur Classical, AZC 158, 15 €
Alice au pays des merveilles, Florent Nagel, Azur Classical, AZC 147, 15 €