Notre ami Jean-Philippe Delsol, celui qui a donné son nom au célèbre cabinet d’avocats fiscalistes, fils du professeur Delsol et frère de la philosophe, est aussi un homme de pensée et de réflexion. Le traiter de penseur le ferait sourire. Il n’empêche que depuis des années, quarante ans maintenant, il publie régulièrement des études qu’il serait possible de qualifier de philosophie politique si elles ne se voulaient d’abord essentiellement pratiques.
Entre autres, dès 1982 il dénonce Le péril idéologique ; il appelle en 2007 Au risque de la liberté ; il explique en 2013 Pourquoi je vais quitter la France ; il pointe L’injustice fiscale et l’Échec de l’État en 2016 et 2017 ; et après un Éloge de l’inégalité en 2019, il parle en 2022 de Civilisation et libre arbitre.
C’est dire si l’homme qui s’y connaît en matière d’imposition française a eu le temps de réfléchir sur une société de liberté. Car c’est là que vont tous ses vœux. Un peu à la manière anglo-saxonne dont il se réclame, sauf dans les dérives bien évidemment : les Magna Carta, les Bill of Rights et autres déclarations de principe qui établissent un véritable état de droit, c’est-à-dire un ensemble de règles qui arrête sur des limites précises toute volonté d’arbitraire étatique et, en particulier, fiscal, ça lui conviendrait bien. Hélas, la France et sa Révolution n’ont produit que de l’idéologie et dans sa suite, infailliblement, de l’étatisme à haute dose, en conséquence le fiscalisme le plus développé de l’univers. Elle a aussi inspiré tous les totalitarismes.
Chapitre après chapitre, Delsol tente de détricoter cette invraisemblable pelote de législations, de réglementations, de conventions, d’allocations, toutes sorties de l’imagination fertile d’un État qui se croit le maître de tout, à quoi s’ajoutent maintenant les directives et inimaginables réglementations européennes, d’une Europe qui, contrairement à ses principes de départ, se la joue aujourd’hui à la jacobine, c’est-à-dire à la française, pour bien montrer qu’elle prétend être un État. Inutile de souligner la stupidité de tous ces dispositifs.
Un viol massif et répétitif de la démocratie au nom de la démocratie
Alors reste à rappeler les principes. C’est-à-dire les fondements même de l’ordre social dans un pays civilisé. Et chacun conviendra qu’il est urgent de les appeler à la barre de ce procès en injustice qui tend à devenir gravissime : un viol massif et répétitif de la démocratie au nom de la démocratie. Il faut le faire ! Et là, le libéral – le citoyen qui aime la liberté – et le conservateur – le citoyen qui aime l’ordre – devraient se retrouver en accord avec de tels principes, et surtout en alliance pour les faire prévaloir politiquement. C’est le souhait de Jean-Philippe Delsol. Il retrace l’histoire de ces deux courants de pensée – il en connaît les tenants et aboutissants – trop souvent séparés, encore plus souvent manipulés, constamment confrontés au monstre du Léviathan qui ne cesse de vouloir les dévorer. Bref, s’ils s’associaient, ils pourraient aujourd’hui, pour peu qu’ils sachent avec habileté s’emparer des manettes de la direction sociale, remettre de l’ordre en garantissant la liberté, les libertés. N’est-ce pas le vœu de tout homme de bien ?
Ajoutons quand même qu’il y faudrait des circonstances, des hommes d’intelligence et de cœur – femmes aussi ! –, et surtout qu’il conviendrait de créer des institutions pérennes, aussi souples que simples et précises, pour établir ce nouvel état de droit.
Jean-Philippe Delsol. Libéral ou conservateur. Pourquoi pas les deux ? Manitoba/Les Belles Lettres, 156 p., 21,30 €