Recevez la lettre mensuelle de Politique Magazine

Fermer
Facebook Twitter Youtube

Article consultable sur https://politiquemagazine.fr

Saurae inlices bicodulae

Certains auteurs n’existent plus que par un fragment incertain. Pierre Vesperini, normalien helléniste et latiniste, les collectionne avec passion.

Facebook Twitter Email Imprimer

Saurae inlices bicodulae

Il leur consacre un ouvrage qui tient autant de Marcel Schwob que de Quignard, alternant court texte à l’humour désenchanté (« Titus Quinctius Atta mourut et fut inhume sur la via Prénestine. Nous en avons conservé un vers, grâce à Nonius Marcellus, parce que le mot crines, cheveux, y est employé au féminin : Praeterea fusus resoluta crine capillus… [ensuite, la chevelure dénouée, les cheveux répandus…] Le texte n’est pas sûr. Fusus est une correction d’Onions. En fait, et pour tout dire, on n’est même pas sûr que le vers soit de lui. Car une lacune dans le manuscrit de Nonius fait penser qu’il y avait là le nom d’un autre poète. ») et biographie partielle comme celle de Cornificius, ami de Cicéron, gouverneur de l’Afrique, qui mourut à Utique, en Tunisie, et qui n’existe plus que par deux vers et une plaque, aujourd’hui disparue. On voyage dans une langue perdue, précieuse, homérique (tous connaissent le grec, s’en inspirent), avec des néologismes ravissants (noctescere, se-faire-nuit) et des insultes frappantes (lastaurum et lurconem et nebulonem popinonemque : gigolo, glouton, nullité, pilier de taverne ; c’est Pompeius Lenaeus qui apostrophe Salluste). L’auteur nous décrit surtout la chute de la République, décrit la tête de Cicéron qu’Antoine fit placer sur la table où il dînait. Fulvia, la femme d’Antoine, en saisit la langue et la perça de l’aiguille dont elle parait ses cheveux. Vesperini fait resurgir une antiquité sonore, bruissante, haletante, au moment où, à Alexandrie, on invente la bibliothèque et où, à Rome, on prétend inventer la littérature latine. C’est comme s’il venait de renverser sur notre table de travail un sac de cuir tintant de bijoux à la fois étranges et familiers et qu’il nous les commentait, fasciné par leur éclat.

 

Pierre Vesperini, Poètes et lettrés oubliés de la Rome ancienne. Les Belles Lettres, 2023, 158 p., 15 €.

Facebook Twitter Email Imprimer

Abonnez-vous Abonnement Faire un don

Articles liés

Inscription à la newsletter

Ne manquez aucun article de Politique Magazine !

Recevez un numéro gratuit

Vous souhaitez découvrir la version papier de Politique Magazine ?

Cliquez sur le bouton ci-dessous et recevez un numéro gratuit !