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Quel magistère catholique après Fratelli tutti ?

Les interventions du pape François, déclarations, sermons ou encycliques, posent régulièrement la question du magistère. Il faut distinguer entre les exhortations, l’enseignement et l’autorité et accueillir avec discernement une parole profuse qui ne prétend pas être dogmatique.

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Quel magistère catholique après Fratelli tutti ?

Ne nous cachons pas : la nouvelle encyclique du pape Francois, sortie le 4 octobre, pose de sérieux problèmes à tout catholique attaché au magistère. La doctrine nous enseigne que le magistère possède une autorité qui s’impose au fidèle. Naturellement le degré de cette autorité varie : de l’infaillibilité à la simple soumission du cœur et de l’esprit. Et bien sûr avec le présent texte on ne parle pas d’infaillibilité ; c’est ce qu’on appelle le ‘magistère authentique’. Mais la soumission du cœur et de l’esprit, c’est quand même une exigence forte. Recevoir un texte du pape, solennel puisqu’il s’agit d’une encyclique, est donc un élément important. Que faire alors lorsque la lecture du texte, même après due réflexion, vous laisse une impression mélangée ?

Bien sûr il y a dans ce texte une inspiration de fond qui est non seulement bienvenue, mais magnifique. Le rappel de l’importance de l’amitié sociale, de la fraternité envers tous les hommes, est un message chrétien fondamental. Dans notre époque matérialiste et incroyante, on tend à occulter de tous côtés que ce qui fait le premier ciment de la société est l’amitié entre citoyens, cette philia déjà célébrée par Aristote, qu’on peut largement traduire par fraternité. Le pape le rappelle admirablement, et par là il se situe pleinement à la fois dans l’exigence évangélique, et dans la ligne de la pensée classique. Comme il a pleinement raison de rappeler que toute pensée, toute action, doit être à la fois enracinée dans le local et la communauté, et ouverte vers l’universel. Ou que le relativisme et l’individualisme sont des plaies de la société moderne, encore aggravés par les développements récents comme l’usage fait des réseaux sociaux. Etc.

Des interrogations un peu trop nombreuses

Alors, où est le problème ? Il vient du fait que le pape ne peut pas s’empêcher de mêler ce rappel essentiel avec ses conceptions politiques particulières. Ce qui le conduit de fait, et sur ces interprétations, à aller bien au-delà de ses prédécesseurs. Sans être exhaustifs ni entrer dans les détails, prenons quelques exemples caractéristiques.

  1. Les migrations. Le pape argue de l’exemple du bon samaritain pour affirmer un droit absolu, sans limite, toujours et partout, de tout migrant pour aller s’installer là où il veut. Pas simplement le réfugié qui craint pour sa vie et fuit dans le pays le plus proche : non, tous ceux qui veulent améliorer leur niveau de vie. Mais aucun rôle dans la décision n’est donné à la nation et à la communauté nationale. Ce niveau fondamental de la vie politique est totalement passé sous silence. L’idée qu’il puisse y avoir matière à le protéger par rapport à une arrivée massive de nouveaux venus non désirés qui peuvent la déséquilibrer radicalement n’est pas même évoquée. En fait c’est l’idée même de communauté organisée qui est absente. La diversité des cultures est vivement défendue, mais rien n’indique comment l’assurer.
  1. La guerre juste. Le pape explique que la doctrine historique de la guerre juste n’a plus de valeur aujourd’hui. Elle était pourtant, comme il le reconnaît, encore dans le récent catéchisme de l’Église catholique, publié dans un monde qui était pour l’essentiel le même que le nôtre. La dissuasion nucléaire est combattue dans son principe, puisque la détention même des armes nucléaires est rejetée. En bref, en 1990 il fallait donc laisser le Koweït à Saddam qui l’avait envahi. Tout ceci s’inscrit dans un vision irénique de la vie internationale entièrement déconnectée des réalités : confiance totale dans l’ONU dont le renforcement est ardemment désiré, espoir de dénucléarisation intégrale, etc. (avec la Chine, la Russie et les États-Unis, sans parler du Pakistan, d’Israël et d’autres : on rêve ?).
  1. La peine de mort. Le pape laisse entendre que la doctrine admettant sa possibilité n’a jamais été valable, car la dignité humaine l’exclurait. Il élimine même la prison à vie. Non seulement il évacue la doctrine traditionnelle, mais il n’examine même pas ses arguments. Comme sur le point précédent, soit on admet que la doctrine change, mais alors elle perd son autorité. Soit on l’interprète dans la continuité, comme le recommandait Benoît XVI à propos du Concile. Mais alors peine de mort et guerre juste restent possibles, quoique exclus pour notre époque.
  1. Les doctrines et dérapages politiques dénoncés sont le populisme nationaliste et le néo-libéralisme (non sans bons motifs d’ailleurs). Or il se trouve que dans les conceptions de l’époque toutes deux sont classées à droite. Mais on ne trouve rien sur les dérives possibles de l’autre côté. Or la pensée dominante, celle qui inspire les médias et l’ONU, est celle de gauche. Celle qui est la responsable de la majorité des morts atroces d’origine politique au XXe siècle (cent millions au moins). Celle qui répand partout la culture de mort. Rien donc dans le texte qui permette de remettre en cause le totalitarisme chinois actuel.
  1. Comme c’est la coutume du pape, toute ce qui est économique est toujours mauvais (sauf cinq lignes sur le rôle noble de l’entrepreneur)En soi ce que le pape relève sur ce sujet correspond à des réalités. Mais l’économie, les entreprises, les marchés, ce n’est vraiment que cela ? Ne peut-on pas voir la réalité dans sa complexité ? Et notamment avec leur dimension bénéfique ?
  1. Le point le plus troublant n’est peut-être pas là ; il est dans la place de la religion. L’essentiel du texte, portant sur la fraternité, est totalement compréhensible sans religion (même s’il utilise abondamment les textes chrétiens). Mais tout à coup à la fin on apprend d’une part que cette fraternité est impossible sans paternité, donc sans croyance en Dieu. Et d’autre part que la croyance en Dieu suffit, dans le cadre de n’importe quelle religion. D’où le rôle exorbitant donné au cours du texte au grand imam d’Al Azhar.

D’où deux séries de questions graves. D’un côté, quelle fraternité est possible s’il faut pour cela absolument croire en Dieu ? Une bonne partie de la planète n’y croit pas ou mal. Comment faire alors ? Comment être fraternel au niveau politique avec quelqu’un qui ne l’est pas et apparemment ne peut pas l’être ?

D’un autre côté, il n’y aurait donc pas de différence réelle entre christianisme et Islam ? Face à la violence ? Mais lisons donc le Coran et les livres d’histoire ! Une de ces religions a été violente malgré ses textes, l’autre du fait de ses textes, et dans sa pratique constante. L’une alimente le terrorisme, l’autre pas. Et plus profondément, si l’une est vraie, l’autre est fausse.

Que faire ?

On est donc devant un dilemme. D’un côté le pape est notre pasteur, et nous devons l’écouter ; nous devons donc nous imprégner de son message, pour ce qui concerne la foi et les mœurs, donc en l’espèce la morale et la spiritualité, qui doivent nous inspirer et nous mobiliser. D’un autre côté, nous devons faire la part du feu. Ce pape admirable par certains côtés est aussi un politique engagé, assez clairement orienté à gauche, d’un idéalisme confinant à l’irénisme, oubliant des pans entiers de la réalité commune, comme la communauté nationale, ce qu’est vraiment l’islam, ou tout simplement l’enracinement du péché et de la violence dans la nature humaine.

Il nous faut donc une fois de plus savoir discerner, comme d’ailleurs la tradition jésuite nous y pousse.  Il faut notamment sans doute distinguer trois niveaux dans l’action et la prise de parole de nos pasteurs.

En premier lieu, justement le pasteur, qui nous exhorte au bien et à la conversion au Dieu vivant qui nous a sauvés. Ce que le pape François fait avec énergie, conviction et talent, si nous savons l’écouter. Même s’il mêle cet appel à d’autres considérations.

En second lieu, le magistère, l’enseignement de la doctrine et donc son développement, qui ne peuvent se faire dans la contradiction sauf à se ruiner, comme je le rappelle dans mon livre sur la Révélation[1].

En troisième lieu, en faisant la part des choses. Tout pasteur, ce pape comme ses prédécesseurs, a aussi ses vues personnelles, même si le pape François va bien plus loin que ses prédécesseurs dans le mélange des genres. Mais l’autorité du magistère ne les couvre pas. J’examine cette question en détails dans Limites du magistère catholique : l’exemple de l’économie à propos de l’économie. Il y a bien une limite au magistère : cela ne vise que la foi et les mœurs (la morale) bien sûr (comme les textes fondateurs le rappellent), mais y échappent aussi la réalité des faits (scientifiques ou autres), ainsi que les choix prudentiels, qui eux incombent aux fidèles, et notamment aux politiques (et donc en un sens à nous tous). Là le magistère n’a plus son rôle. Nous devons l’écouter certes, mais il n’y a plus de rapport d’autorité.

Ecouter avec ce discernement, lucide mais parfois douloureux, est au fond l’hommage à rendre à nos pasteurs.

 

Pierre de Lauzun a traité sur son blog pierredelauzun.com de nombreux sujets abordés dans cet article, comme le nucléaire et le magistère, le monothéisme et la violence, etc.

[1]   Pierre de Lauzun, La révélation chrétienne ou l’éternité dans le temps : la foi peut-elle évoluer ? Artège/Lethielleux, 2018

 

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