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« Quand on renonce à l’idée de création, on renonce à la grandeur de l’homme »

Sera-ce le dernier texte édité du pape émérite ? Deux pages signées en latin « Benedictus XVI » sous le titre : « Rendre justice devant Dieu du devoir qui nous a été confié pour l’homme » (le titre de cette page a été choisi par la rédaction).

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« Quand on renonce à l’idée de création, on renonce à la grandeur de l’homme »

Elles préfacent un ensemble d’interventions publiques entre 1979 et 2012 sur le thème de l’Europe1, avec une introduction du pape François qui en souligne l’intérêt à l’occasion du cinquantième anniversaire des relations diplomatiques entre le Saint-Siège et l’Union européenne.

Avec la légalisation du “mariage homosexuel”2 dans seize États européens, le sujet du mariage et de la famille a pris une nouvelle dimension qui ne peut être ignorée. Nous assistons à une distorsion de la conscience qui a manifestement pénétré en profondeur certaines parties de la population catholique. Nous ne pouvons répondre à cela par un petit moralisme et encore moins à l’aide de références exégétiques. Le problème est profond et doit donc être abordé en termes fondamentaux.

 Tout d’abord, il me semble important de noter que le concept de “mariage homosexuel” est en contradiction avec toutes les cultures de l’humanité qui se sont succédées jusqu’à présent, et signifie donc une révolution culturelle qui va à l’encontre de toute la tradition de l’humanité jusqu’à maintenant. Il ne fait aucun doute que l’expression juridique et morale du mariage et de la famille diffère extraordinairement dans les cultures du monde. On peut y voir non seulement la différence entre la monogamie et la polygamie, mais aussi d’autres différences profondes. Et pourtant, la communauté fondamentale, le fait que l’existence de l’homme – en tant qu’homme et femme – soit ordonné à la procréation, ainsi que le fait que la communauté entre homme et femme et l’ouverture vers la transmission de la vie déterminent l’essence de ce que l’on appelle le mariage, n’a jamais été remis en question. La certitude fondamentale que l’être humain existe en tant qu’homme et femme ; que la transmission de la vie est un devoir assigné à l’homme ; que c’est précisément la communauté de l’homme et de la femme qui remplit ce devoir ; et que c’est en cela, au-delà de toutes les différences, que consiste l’essence du mariage – est une certitude originelle qui a été jusqu’à présent une évidence pour l’humanité.

Un bouleversement fondamental de cette certitude humaine originelle a été introduit lorsque la pilule a permis par principe de séparer fécondité et sexualité. Il ne s’agit pas ici d’une question de casuistique, de savoir si et quand, éventuellement, l’utilisation de la pilule pourrait être moralement justifiée, mais de la nouveauté fondamentale qu’elle signifie en tant que telle : à savoir la séparation de principe entre sexualité et fécondité.  Cette séparation signifie, en effet, que toutes les formes de sexualité sont en cela égales. Il n’existe plus de critère de référence. Ce nouveau message, contenu dans l’invention de la pilule, a profondément transformé la conscience des hommes, lentement d’abord, puis de plus en plus clairement. 

S’ensuit une deuxième étape : tout d’abord, si la sexualité est séparée de la fécondité, alors, à l’inverse, la fécondité peut naturellement aussi être pensée sans sexualité. Il semblera donc juste de ne plus laisser la procréation de l’homme dépendre de la passion occasionnelle du corps, mais de planifier et de produire l’homme rationnellement. Ce processus, par lequel les hommes ne sont plus engendrés ni conçus mais faits, est entre-temps en plein développement. Cela toutefois signifie alors que l’homme n’est plus un don reçu mais un produit planifié par notre fait. D’autre part, ce qui peut être fabriqué peut aussi être détruit. En ce sens, la tendance croissante au suicide comme fin planifiée de sa propre vie fait partie intégrante de la tendance décrite. 

De cette façon, cependant, il est clair que, en ce qui concerne la question du “mariage homosexuel”, il ne s’agit pas d’être un peu plus large ou plus ouvert. La question fondamentale à se poser est plutôt : qui est l’homme ? Et avec elle, la question de savoir s’il existe un Créateur ou si nous ne sommes pas tous les produits d’un processus. Cette alternative apparaît : soit l’homme est la créature de Dieu, l’image de Dieu, le don de Dieu, soit l’homme est un produit qu’il sait lui-même créer. Quand on renonce à l’idée de création, on renonce à la grandeur de l’homme, on renonce à son indisponibilité et à sa dignité qui dépasse toute planification. 

Tout cela peut également être exprimé d’un autre point de vue. Le mouvement écologique a découvert les limites de ce qui peut être fait et a reconnu que la « nature » nous impose une norme que nous ne pouvons ignorer impunément. Malheureusement, « l’écologie de l’homme » ne s’est pas encore concrétisée. L’homme aussi a une « nature » qui lui a été donnée, et la violenter ou la nier conduit à l’autodestruction. C’est également ce dont il est question dans le cas de la création de l’homme en tant qu’homme et femme, qui est ignorée dans le postulat du “mariage homosexuel”. 

Il me semble important de réfléchir à la question dans cet ordre de grandeur. C’est seulement ainsi que nous rendrons justice devant Dieu du devoir qui nous a été confié pour l’homme.

 

1. La vera Europa, identità e missione, Joseph RatzingerBenoît XVI, introduction du pape François, mélanges, volume 3 – Europe, éditions Cantagalli, septembre 2021. En italien. Nous donnons ici une traduction provisoire, à titre documentaire, avant la traduction officielle chez un éditeur.

2. Une expression toujours mise entre guillemets par le pape émérite contrairement à ce que rapportent les rares journaux ou sites qui ont parlé de ce texte.

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