Monde
« Nos dirigeants actuels invoquent souvent la révolution »
Un entretien avec Ludovic Greiling. Propos recueillis par courriel par Philippe Mesnard
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
On parle beaucoup de monde d’après. Emmanuel Macron promet des prises de parole fortes qui à travers un processus de réconciliation permettront sûrement de se réinventer dans un climat de concorde nationale. On frémit d’impatience.
Pourtant, quelques signes, déjà, nous disent que ces discours à venir et ces réformes mirifiques risquent de n’être que des propos en l’air et des cache-misère. Prenons le Plan Automobile, par exemple. Macron promet huit milliards : cinq sont déjà acquis à Renault, et le reste va surtout servir à relancer la consommation, c’est-à-dire va permettre à des consommateurs français d’acheter des voitures produites à l’étranger, donc avec le plus faible impact possible sur l’économie française à long terme et un impact nul sur la réindustrialisation. Ce n’est pas la technostructure qui contribuera au changement.
Le salut viendra-t-il des autres forces françaises ? Prenons l’exemple de l’Église catholique. Elle apparaît si acquise au système actuel, si intégrée au système actuel, comme les syndicats et tous les officiels partenaires sociaux, que ses manières de penser et d’agir sont sclérosées : le président de la Conférence des évêques, qui n’a pas su obtenir quoi que ce soit du ministre des Cultes, écrit au président de la République (qui lui a pourtant expliqué il y a deux ans qu’il ne l’écouterait pas) pour réclamer plus d’humanisme dans le traitement des migrants et plus d’écologie au quotidien, comme n’importe quelle ONG. Pourquoi l’Église en France ne se rend-elle pas compte qu’elle n’est plus en position de « dialoguer », son activité favorite, et que ses enjeux sont désormais le réarmement spirituel d’une nation moralement à la dérive ? Ce ne sont pas les piliers du système qui le feront évoluer.
Mais alors, les Français eux-mêmes ? Non plus. Ils s’abandonnent à la servitude avec cette passion amoureuse dont ils témoignent régulièrement pour un pouvoir fort qui les rudoie, d’autant plus que celui-ci les punit d’une main et les nourrit de l’autre, l’État ayant pris en France une importance considérable, rangeant tout sous sa tutelle et promettant de subventionner, chichement mais sans effort, quiconque accepte d’abdiquer ses libertés.
Les premières leçons de la crise ne sont pas que nous allons imaginer un monde nouveau mais que l’ancien monde s’enkyste.