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Pour la plus grande gloire de Dieu

Jérusalem est le centre du monde, car Dieu y est enterré.

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Pour la plus grande gloire de Dieu

Un omphalos (nombril) de pierre marque l’endroit, dans la basilique du Saint-Sépulcre. Depuis le IVe siècle et au fil du temps, les chrétiens ont patiemment édifié et défendu le Saint-Sépulcre. Des derniers empereurs romains à l’empereur du Mexique, tous les puissants ont offert au sanctuaire des biens précieux, considérant que l’or est mieux employé à louer Dieu qu’à corrompre les hommes. Le château de Versailles avait exposé ces trésors en 2013, Jacques Charles-Gaffiot en propose aujourd’hui une visite éblouie et érudite, les grandes images, généreusement distribuées, flanquant un texte attentif à l’histoire du lieu et des collections. Qui perdurèrent malgré « l’“avidité indomptable” des vizirs gouverneurs de Damas ou des kâdis de Jérusalem » pour qui les chrétiens en charge des lieux saints (le Cénacle et les autres lieux saints de Palestine) ne sont que des dhimmis assujettis à l’impôt ; soit dit en passant, « avidité indomptable » est l’expression choisie par le sultan Osman III en 1757 pour parler du kâdi de Jérusalem. Les gardiens puisent dans le trésor, qui est autant un sublime ensemble sacerdotal qu’une réserve de liquidités et une armoire à bakchichs, ce qui explique qu’on y trouve de luxueuses tabatières, dont les franciscains ne se réservaient pas l’usage (ce qui explique aussi, sans doute, qu’on n’y retrouve pas tout ce qui y fut entreposé selon le registre des Entrées et qu’en revanche on y “découvre” des choses, comme en fouillant un site archéologique).

Entre deux staurothèques (reliquaires de la Vraie Croix) orfévrées et deux croix pectorales aux améthystes énormes, l’auteur raconte les vicissitudes des lieux saints, toujours disputés, sans cesse contestés, arrachés : qu’importe les titres de propriété, les accords, les promesses, les somptueux firmans enluminés, les musulmans ne cessent de rogner les droits des propriétaires légitimes et jouent à merveille des dissensions entre chrétiens, les orthodoxes jouant des tours pendables aux catholiques, comme l’incendie volontaire de l’édicule central, en 1808, allumé par les Grecs « escomptant que les Latins n’auraient plus les ressources financières suffisantes pour contribuer à relever les ruines » : judicieux et charitable calcul qui vaut aux Grecs de posséder aujourd’hui la propriété de l’édicule reconstruit.

Or donc, les trésors s’entassent. Dans un excellent chapitre, « Du luxe pour Dieu », l’auteur traite de la pertinence d’un tel déluge de pierres et de métaux précieux ouvragés. On est assez heureux que la querelle ait été tranchée du côté du luxe plutôt que de la sobriété ou nous n’aurions jamais contemplé le baldaquin eucharistique offert par Charles de Bourbon, petit-fils de Louis XIV, au nom du royaume def Naples, au XVIIIe. On ne sait pas si c’est beau, c’est sidérant. L’or est ciselé avec une légèreté incroyable, imitant les nuages, faisant jaillir des feuilles minuscules, couvrant de volutes et d’arabesques délicates et minuscules ce qui n’est, au fond, qu’une niche accueillant un crucifix ; mais un crucifix de lapis-lazuli, monté sur une énorme boule du même minéral, qui ressemble à une vue satellite de la terre, avec des nuages flottant au-dessus des eaux. Plus on approche, plus les détails se révèlent, petites pierres enchâssées, angelots, blasons, vaguelettes… C’est d’un baroque échevelé, juste à la frontière du bon goût. Un ostensoir et un calice sont de la même main.

Une autre ensemble magnifique est le pontifical – suite d’ornements pontificaux – rouge offert par la Sérénissime République de Gênes : treize pièces brodées en fils de soie polychromes, où des griffons aux ailes arc-en-ciel tiennent les armes du Saint-Sépulcre : c’est une « peinture à l’aiguille », avec des centaines de nuances, d’une virtuosité qu’on ne saisit qu’en gros plan. En comparaison, le pontifical fleurdelisé offert par Louis XIII et Anne d’Autriche, brodé au fil d’or en 1619 (arrivé à Jérusalem en 1621) est certes imposant et riche mais sans grâce. La France ne fut pas en effet la dernière à envoyer des présents au Saint-Sépulcre. L’ostensoir d’Odiot, offert par Louis XVIII, est d’un classicisme bien sage. Mais les deux bassins en argent doré, envoyé au début de son règne par Louis XIII, sont un chef-d’œuvre. Du centre, où se trouvent les armes du Roi et de la Reine, les fleurs de lys polies irradient, en cinq cercles croissants, étendant leur empire sur toute la surface matifiée par un savant piquetage ; symbole du désir qu’avait le Roi « de faire établir à Jérusalem un consul français qui eût soin de mes aumônes par-delà, et de mes sujets qui y abordent tous les jours. »

Illustration : Dalmatique en satin brodé de soie. Pontifical rouge offert par la République de Gênes, 1686-1697. © Custodie franciscaine de Terre sainte

Jacques Charles-Gaffiot, Trésors du Saint-Sépulcre. Le Cerf, 2020, 256 p., 29 €.

 

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