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Pour la foi, la loi et le roi

Avec plus de vingt élus, les monarchistes ont fait un retour inattendu au Sjem, le parlement polonais, le 13 octobre dernier.

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Pour la foi, la loi et le roi

Dirigée successivement par des ducs et des rois profondément catholiques, tous issus de la dynastie Piast et Jagellon, dévorée par ses voisins qui vont se la partager trois fois au cours du XVIIIe siècle, la Pologne a connu sa dernière expérience monarchique entre 1916 et 1918. Depuis la chute du communisme, le pays du pape Jean-Paul II connaît un regain de monarchisme qui coïncide avec le rejet de la communauté européenne et la montée des populismes sur le vieux continent.

« Je tiens tout d’abord à remercier ceux qui ont voté pour nous. Notre slogan était: soit la continuation, soit la Confédération et ils nous ont choisis. […] Conservateurs, monarchistes, libertaires, nous avons réussi à nous présenter comme une seule force […] » a déclaré quelques heures après les résultats officiels le leader de Confédération Liberté et Indépendance (Konfederacja Wolność i Niepodległość), Janusz Korwin-Mikke, trublion monarchiste de la politique polonaise.

Un royaume sans cesse défait

La monarchie polonaise s’est construite avec une dynastie, les Piast, une religion, le catholicisme. Socles de sa royauté, elles ont été les fondements de son duché devenu royaume en 1025. Convoitée par les Chevaliers Teutoniques et la Russie, l’ennemi héréditaire, c’est tant bien que mal qu’elle maintient son indépendance. L’Union de la Pologne et de la Lituanie propulse ce pays d’Europe centrale au rang des grandes puissances. Au XVIe siècle, la monarchie héréditaire devient élective. C’est la naissance de la république des Deux-Nations, dominée par la Szlachta (noblesse), qui va perdurer jusqu’en 1795, date à laquelle la Russie décide de mettre fin au règne du roi Stanislas II Auguste Poniatowski, un ancien favori de Catherine II dont la famille donnera à la France un maréchal et un ministre.

Si l’histoire polonaise se targue d’avoir eu au cours du moyen-âge deux souverains angevins, c’est à Henri de Valois, futur Henri III, que revient l’honneur d’avoir été élu premier roi de cette république en 1573. Il ne se fera jamais à cette noblesse qui met à mal sa regalia. Il fuit finalement le pays, deux ans plus tard. Louis XIV tente d’imposer son ombre sur les querelles intestines de l’aristocratie et met sur le trône polonais, en 1697, le prince François de Bourbon–Conti. Un règne de courte durée puisque, à son arrivée à Varsovie, celui-ci aura la désagréable surprise de trouver un Saxe sur son trône. C’est assurément le mariage de Marie Leszczynska avec Louis XV qui va marquer les esprits de cette époque. Tantôt souverain, tantôt déchu par son rival saxon, le beau-père du roi de France, Stanislas Ier, finira duc de Lorraine. Mais c’est à Napoléon que la Pologne doit la renaissance de son patriotisme. Ou peut-être à la beauté de la comtesse Marie Walewska. Le grand-duché de Varsovie (1807-1815) sera l’embryon d’un État en devenir qui n’a pas fini d’écrire les chapitres tumultueux de son histoire.

Maurras et Trump

Passé l’éphémère royaume de Pologne attribué à l’archiduc Etienne de Habsbourg-Teschen durant la Première Guerre mondiale et l’occupation nazie, c’est sur les ruines de la dictature communiste que va naître l’Organisation des monarchistes polonais (Organizacją Monarchistów Polskich ou OMP) en septembre 1989. Elle entend réintroduire l’idée monarchique au sein de la jeune démocratie. Le transfert en grandes pompes des restes de Stanislas II sera de bon augure pour le mouvement monarchiste qui pourtant peine à percer électoralement dans le pays. Et se divise rapidement, avec pour certains partis, de courtes durées de vies. « Pour la foi, la loi et le roi » reste la devise du monarchisme polonais qui ne cache pas, outre son admiration pour Charles Maurras, sa fidélité aux principes « légitimitstes », des partisans du prince Louis-Alphonse de Bourbon, dont quelques royalistes locaux ont fait leur champion. Le type de monarchie en cas de restauration ? Absolue. Lors d’une conférence sur le sujet, en septembre 2017, le professeur Jacek Bartyze avait déclaré qu’un roi « parlementaire n’était un souverain impuissant, jouet des politiques et des banquiers ». « Nous ne sommes les défenseurs d’aucune monarchie, mais uniquement de la loi divine, c’est-à-dire d’une monarchie catholique, hiérarchisée, décentralisée, anti-parlementaire et antidémocratique » renchérit d’ailleurs un des fondateurs de l’OMP, Adrian Nikiel. Pour l’ancien député monarchiste (2005-2007) Krzysztof Bosak, interrogé par la presse en juillet 2017, la seule référence qui s’impose comme figure de proue dans la défense du monde chrétien est le président américain Donald Trump. Il ne s’en cache pas : « Les monarchistes polonais luttent pour l’établissement d’une Europe chrétienne ». Réfutant le terme d’extrême-droite qui ponctue les titres des médias nationaux ou internationaux lorsqu’ils évoquent les monarchistes, pour Krzysztof Bosak, la crise économique et la crise des migrants sont les symptômes d’une dégradation des valeurs chrétiennes de l’Europe. Nationalisme et monarchisme se mélangent avec pour héros le roi Jean III Sobieski, le souverain pourfendeur des Turcs au XVIIe siècle.

Député européen de 2014 à 2018, Janusz Korwin-Mikke est un royaliste qui ne cesse de marquer la vie politique polonaise par ses diatribes publiques misogynes, pro-vie, anti-homosexuelles, anti-migrants et anti-Europe. Et dont les discours résument à eux tout seuls le programme des mouvements monarchistes, tous coulés dans le même moule christique qui font leur essence. Sa coalition (formée par Korona, la Confédération de la couronne de Pologne, le Mouvement national [équivalent du Jobbik hongrois], l’Union des familles chrétiennes, la Ligue nationale et le parti des conducteurs) a envoyé sur les bancs de l’assemblée, 13 députés et 11 sénateurs. Un succès inattendu. Parmi eux, le quinquagénaire Grzegorz Michał Braun, leader de Korona, qui fait figure d’étoile montante du monarchisme polonais. Il avait créé la surprise lors d’une élection municipale à Gdansk en obtenant plus de 12 % des voix et se prépare désormais à la prochaine élection présidentielle. Suivi sur sa page Facebook par 120 000 personnes, il incarne les espoirs des monarchistes. Seule reste une question qui n’a jamais été tranchée : quid du prétendant ? Habsbourg-Lorraine, Romanov, Bourbon, ou Saxe, qui est le plus à même de monter sur le trône vacant de l’aigle polonais ? « Seul Dieu a la réponse » donne-t-on en guise de réponse.

Par Frederic de Natal

 

Illustration : Janusz Korwin-Mikke anime avec talent la vie parlementaire polonaise en déclarant, par exemple : « Franco était un autocrate, un homme de droite – et les fascistes n’étaient que des socialistes légèrement droitisés, ils ne combattaient plus la famille. »

 

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