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Pour faire mentir René

René Rémond, historien des droites, catholique de gauche, a “invisibilisé” l’engagement à droite des catholiques français. Son erreur d’appréciation est presque un acte manqué de militant persuadé que les catholiques ne pouvaient que se ranger derrière les forces de progrès, forcément de gauche.

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Pour faire mentir René

C’est tout le mérite de Florian Michel et Yann Raison du Cleuziou que d’avoir considéré que « les catholiques et les droites de 1945 à nos jours » (sous-titre de leur ouvrage) méritait mieux qu’un “oubli” plein d’espérance… vite transformé en méprise scientifique, comme en témoignent aujourd’hui les jeunes générations de catholiques (à la vitalité très manifeste mais qui ne constituent pas, loin de là, tout l’avenir de l’Église en France). Ils viennent suppléer à la paresse d’autres chercheurs… et sans doute à celles de beaucoup de responsables religieux.

L’ouvrage, passionnant, suit un plan chronologique très entraînant (les chapitres consacrés à l’immédiat après-guerre sont remarquables dans leur récit de ce moment d’oscillation) et pertinent puisque l’Église, en France, dans son discours et ses postures, paraît avoir de plus en plus épousé le siècle ; cependant que les catholiques de droite et la Droite politique ont eu des approches différentes : d’une part pratiquer un enfouissement, qui est sans doute le seul et ironique fruit de cette pastorale si vantée avant Jean-Paul II, d’autre part se déséculariser, comme La Manif Pour Tous en a été l’éclatant témoignage. Pour l’enfouissement, il suffit de voir les personnalités politiques qui se sont réclamés de la Droite (quel que soit le sens réel que peut revêtir cette catégorie : les auteurs écrivent en historiens, politistes et sociologues, pas en philosophes) pour se rendre compte que certains partis ont effectivement essayé de mener une politique d’inspiration catholique quelques décennies durant : le communisme, l’anticommunisme, l’atlantisme – ou le rejet des deux blocs – s’éclairent au prisme du catholicisme.

Mais la Droite politique ne s’intéresse aux catholiques que dans la mesure où ils constituent une force électorale : les catholiques fondant en nombre et en influence post-Vatican II, pour on ne sait quelles mystérieuses raisons, Giscard ne craint pas de faire voter l’avortement, Mitterrand déclenche la guerre contre l’école libre, et l’espèce « catholique de droite » paraît plus que jamais justifier les analyses et les vœux de René Rémond.

Le Père compte encore beaucoup de fidèles à sa droite

Mais voilà, la réaction contre les menaces sur l’enseignement, le pontificat de Jean-Paul II, la longue suite des lois sociétales ouvertement anticatholiques et, d’une manière plus oblique, l’expansion musulmane en France (où l’on voit que le catholicisme est en permanence attentif à la société sans avoir besoin de s’y assimiler), réveillent les catholiques qui avaient perdu foi dans les partis politiques : galvanisés par leur nouvelle situation de minoritaires, persuadés que les vieilles pastorales avaient détruit bien plus qu’elles n’avaient ensemencé, les catholiques assument une position réactionnaire – se désécularisent – et accèdent, à leur étonnement, au rang de marqueurs de civilisation auprès de penseurs et de militants inattendus, qu’il s’agisse d’Onfray, Houellebecq ou de Zemmour (et on aimerait qu’une certaine circonspection anime les catholiques de droite ravis de la “publicité” qu’on leur fait).

Le seul constat qu’on puisse faire, aujourd’hui, est que le Père compte encore beaucoup de fidèles à sa droite et que ceux-ci s’en réclament sans fausse honte – attendant que les évêques sortent du vieux cadre des années 70, comme en témoignent leurs peu suivies consignes de vote – et même avec le sentiment d’un devoir citoyen assez neuf qui se passe de figures compassées et de signes désuets (l’ouvrage, qui peut se lire de plusieurs manières, comporte une manière de dictionnaire et je conseille vivement l’article Loden dont la perspicacité manifeste la sûreté d’observation des auteurs).

Mais le livre ne conclut pas non plus, et c’est crucial, et intelligent, et valide toute la démarche, à l’émergence d’une droite catholique univoque et homogène ni à la droitisation irréversible de la catholicité française. La sociologie actuelle du catholicisme témoigne d’une vitalité qui ne se résume pas à la communauté Saint Martin ou au Pèlerinage de Chrétienté. Et la Droite politique, dans ses appareils sinon dans ses militants, paraît constituée des mêmes reliques seventies que l’épiscopat, tétanisées à l’idée de ne pas paraître à la page – comme on ne dit plus.

 

Sous la direction de Florian Michel et Yann Raison du Cleuziou, À la droite du Père. Les catholiques et les droites de 1945 à nos jours. Seuil, 2022, 784 p., 29 €.

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