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Populisme, l’injure malvenue

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Populisme, l’injure malvenue

Chantal Delsol est connue pour la profondeur et la justesse de son esprit. Ses articles d’actualité sont toujours d’une exacte pertinence. Ses études et ses essais également. Elle a en particulière horreur les sophismes qui alimentent la pensée dite moderne et maintenant post-moderne. Tout son art est de les dissoudre dans la plus simple analyse de leurs présupposés, mais la simplicité d’une telle analyse n’est due, comme toujours en pareil cas, qu’à une érudition parfaitement maîtrisée et à une sagacité intellectuelle assidument exercée.

Ainsi renvoie-t-elle nos pauvres élites à leur propre inculture et à leur lourdeur intellectuelle et spirituelle. C’est d’un art très raffiné. Sait-on ce qu’est le populisme ? à Athènes, il y avait déjà discussion sur le sujet. Le terme idiot ne vient-il pas d’idiotès ? Celui qui vit de sa singularité, alors que l’appréhension de l’universel serait réservée à une aristocratie de familles et d’esprits, à une oligarchie de compétents, à une caste d’intellectuels supérieurs ? Mais il est vrai que le peuple athénien s’est laissé duper par les démagogues qui sont la plaie des démocraties. Athènes, la reine de l’universel, est morte d’idiotie politique !

Aujourd’hui le populisme prend une autre dimension. Car le peuple démocratique est censé être le moteur de l’histoire et le fondement de la légitimité. Et voilà que le concept universel « peuple » dont une élite fait un principe général d’émancipation qui ne sert que ses intérêts à elle, sa morale hédoniste à elle, se met à s’échapper dans le sens inverse ; car le peuple concret face à cet universalisme destructeur d’une élite a-sociale et a-nationale, ne veut plus que retrouver son enracinement, sa raison d’être, ses origines.

Alors par un retournement singulier mais logique le mot « populisme » va prendre une connotation péjorative. Le mépris devient la règle : « Une certitude dans cette société soi-disant démocratique et morale, le mépris est élevé au rang de vertu. Mépris réservé à un groupe bien choisi, car seul l’idiotès peut-être considéré comme un idiot. Disons que la bêtise est utilisée comme prétexte pour rabaisser les opinions inavouables. C’est sur ce terrain que prospère le populisme »…

Et derrière ce mépris, il y a la haine, la détestation du « chez nous » et, de la même façon, il y a de plus en plus d’incompréhension et de colère du côté du peuple bafoué par ces avant-gardistes qui prétendent l’éduquer. Plutôt lui enseigner la seule vérité tolérée, la leur. Défense à ce peuple de chercher autre chose, sous peine d’injure et de radiation. Le populisme a de beaux jours devant lui.

Ce brillant essai est une condamnation sévère de tout un système aussi bien intellectuel et moral que politique et économique. Il conviendrait de noter comment les institutions y jouent leur rôle. Comme Chantal Delsol l’avait montré dans cet autre essai Éloge de la singularité, « le singulier » ne s’oppose pas nécessairement à « l’universel ». Un Athénien, un Français pouvaient revendiquer la double appartenance. Pourquoi, une fois de plus, le mécanisme politique tourne-t-il à l’antagonisme systématique ?

Populisme, les demeurés de l’Histoire, de Chantal Delsol, Editions du Rocher, 270 p, 17,90 €.

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