Le Tribunal administratif de Rennes, saisi par l’association la Libre pensée, vient de rendre une décision grave de conséquence le 30 avril dernier. La statue de saint Jean-Paul II qui a été érigée à Ploërmel, ne peut pas rester sur le domaine public ; la croix et l’arche qui la surplombent, doivent être démontées car ce sont des « symboles ostentatoires de la religion ». Passons sur le fait que cette œuvre est protégée par la loi sur la propriété intellectuelle et que cette décision du tribunal administratif peut donc avoir des conséquences pécuniaires non négligeables.
Ce qui doit être examiné ici, ce sont les conséquences logiques de cette décision si elle était appelée à faire jurisprudence. Plus aucune croix ne devrait donc, en France, rester sur le domaine public. D’où, deux solutions : soit on les enlève toutes, au nom de la laïcité ; soit l’État les vend, avec le bout de terrain sur lequel chacune est implantée. Mais qui aura l’argent nécessaire pour les acheter, d’autant que, Bruxelles et l’Autorité de la concurrence veillant, l’État – ou les collectivités locales – sera tenu de les vendre au plus offrant !
Compte tenu de la motivation, les conséquences ne s’arrêtent pas là : puisque ce qui est visé ce sont les « symboles ostentatoires de la religion », il est indispensable de faire disparaître les croix, les croissants et les étoiles de David de tous les cimetières de France. Peut-être que cela fera baisser le nombre des profanations. Le gouvernement avait déjà réussi ce qu’aucun dialogue interreligieux n’avait obtenu jusqu’à présent : réunir sous une seule bannière catholiques, juifs et musulmans… contre ce que l’on a appelé abusivement le « mariage pour tous ». Le tribunal administratif de Rennes ouvre donc ainsi la voie à un nouveau rapprochement entre les hommes – et les femmes – de bonne volonté.
Mais, les conséquences ne s’arrêtent pas là. Car les « symboles ostentatoires de la religion » comprennent aussi les basiliques, les cathédrales, les monastères – le Mont Saint-Michel –, les synagogues et les mosquées… sans compter la pagode de Chanteloup ! Comment peuvent-elles rester sur le domaine public ? L’État va-t-il devoir rendre à l’Église les lieux de culte nationalisés en 1905 ? Ou devra-t-il détruire les monuments les plus fréquentés de France. Au moins, il pourra faire des économies sur le plan Vigipirate puisqu’il n’aura plus à protéger aucun lieu de culte. Cela sera certes insuffisant pour satisfaire les demandes de Bruxelles concernant la réduction des dépenses publiques, mais cela ira du moins dans le bon sens.
Il faudra aussi faire disparaître de tous les musées publics français les « symboles ostentatoires de la religion ». Comment exposer au public des œuvres de Raphaël, Michel-Ange, Philippe de Champaigne ou même Claude Monet ou Salvador Dali ? On a déjà fait disparaître de l’enseignement de la littérature les œuvres de Racine, alors pourquoi s’arrêter en chemin ?
Quant à l’Opéra Bastille, il devra désormais faire tomber le couperet sur le final de Faust. Comment accepter en effet qu’une salle subventionnée par un État laïc puisse laisser Marguerite prier « Anges purs, anges radieux, portez mon âme au sein des Cieux » avant que le chœur ne vienne couronner l’œuvre en chantant la conclusion : « Christ est ressuscité » ?
Reste un autre problème. Comment ne pas être obligé de changer la dénomination des Saint-Etienne, Saint-Raphaël, Saint-Tropez ou encore Saint-Malo, villes dont le nom sont là aussi des « symboles ostentatoires de la religion » ?
Non, décidément, la décision du tribunal administratif de Rennes ne saurait s’arrêter à la seule statue de saint Jean-Paul II à Ploërmel. Et, puisque la Turquie est un pays laïc à l’image de la France, gageons que demain la Mosquée bleue et Sainte Sophie disparaîtront du ciel d’Istanbul.