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Pétain, de Gaulle, face à l’Histoire

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Pétain, de Gaulle, face à l’Histoire

Ce livre est un beau livre. Imposant sur le fond autant que dans son volume. Ce sont des années de recherches et de travaux pour comprendre, expliquer cette période si difficile à juger de 1940 à 1945. L’auteur lui-même, Jacques Boncompain, le confesse volontiers : il était, comme la majorité des Français, républicain, selon la doctrine officielle, même plutôt de gauche et, de toute façon, gaulliste, comme tout le monde aujourd’hui se dit gaulliste, en fonction de l’image que chacun se fait du général de Gaulle.

Ayant été amené à étudier les procès de la Libération et, en particulier, en raison de sa vie professionnelle, l’épuration telle qu’elle s’est réellement passée dans les milieux littéraires, il comprit progressivement que, derrière les appels à une prétendue justice, se cachaient d’autres motifs beaucoup moins nobles. C’est ainsi qu’il en vint à s’intéresser au cas du maréchal Pétain. Il n’est pas dans l’hagiographie ; il est dans le dossier et, selon ses habitudes de travail, il va au fond des questions soulevées, sans en excepter aucune. Ce qui donne d’épais chapitres sur la question juive et le sort des Israélites, en particulier français ; sur la Maçonnerie et la raison des mesures prises à son encontre ; sur la façon dont le Maréchal fut investi des pleins pouvoirs le plus légalement du monde par les assemblées de la IIIe République moribonde ; sur les vraies responsabilités politiques et militaires de la défaite de 1940, la pire qu’ait jamais connue la France, les Allemands arrivant sur la Bidassoa ; sur l’armistice et ses conditions – de toutes façons imposées – mais qui permirent de sauvegarder l’empire d’où pourrait s’effectuer la reconquête, comme le pensait dès ce moment-là le Maréchal ; sur la volonté farouche du chef de l’État français, en dépit des circonstances et des hommes – il y avait dans son entourage toutes sortes de gens, y compris des canailles, des cyniques et des idéologues, surtout quand tout empira dans un chaos généralisé – de sauver les intérêts français et de protéger les Français au mieux de ses possibilités, cette même volonté se retrouvant chez beaucoup de fonctionnaires et de militaires qui dépendaient de la structure étatique de Vichy, comme chez la majorité des Français qui attendaient la libération du joug allemand. Car le Maréchal comme la majeure partie des citoyens ne pensaient qu’à cette libération à venir et, en attendant, à duper l’ennemi, voire à saboter ses entreprises dans une résistance passive ou active. La France n’était pas qu’un amas de salauds, même s’il y en eut comme dans toutes les périodes troubles. Bref, c’est tout un éclairage juste, précis, sur cette période si complexe, où la France n’a pas été dans le déshonneur généralisé comme il est répété si facilement dans des jugements péremptoires par de faux justiciers qui se font ainsi une réputation d’impeccabilité en jetant le discrédit sur la France, sur l’ensemble du peuple français et sur le chef légal et républicainement légitime d’une France qui n’en pouvait mais. Après le débarquement allié en Afrique du Nord, bien des perspectives étaient possibles si la France n’avait continué inexorablement à se diviser. Singulièrement si de Gaulle n’avait arrêté volontairement d’abord les Juin et les Monsabert, puis les Leclerc et les de Lattre dans leur progression triomphale vers la victoire pour, et uniquement, les besoins de sa stratégie politique personnelle. Ce n’est pas la faute du Maréchal si le général de Gaulle ne répondit jamais à ses successifs appels à l’union, à lui adressés personnellement, notamment au moment de la Libération qui n’en aurait été que plus glorieuse et qui n’aurait pas connu son côté sordide de règlements de comptes. Ce qui à l’époque dégoûta tous les honnêtes Français et tous les résistants de la vraie Résistance, du type du colonel Rémy. Mais, pour de Gaulle, il fallait que le Maréchal fût essentiellement coupable pour que lui seul fut l’homme de la gloire ! Ses propres confidences sur le sujet en disent malheureusement assez long sur son dessein. Un livre clair qui rééquilibre la balance d’une justice à sens unique.

Je brûlerai ma gloire, Jacques Boncompain, Muller Éditions, 710 p., 28 €.

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