Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Peu à peu, Jean-Christian Petitfils édifie une œuvre dont on a vu très vite les affinités avec une autre construction, une autre œuvre historique, celle des Bourbons, qui porta la France aux altitudes que l’on sait. « … Louis XIV, Louis XV, Louis XVIII, qu’est-ce que c’est que cette famille qui ne sait pas compter jusqu’à vingt… » ironisait Jacques Prévert. On sent le regret, chez Petitfils, de ce fil historique interrompu, mais plus encore la fascination devant une construction assez solide pour survivre malgré la mise à l’écart de la famille fondatrice. Ce bâti capétien, il le voit appuyé depuis les origines sur cinq lois fondamentales : l’État indépendant et souverain, le souci premier de la justice et du bien commun, le sens chrétien de la laïcité, la défense de valeurs universelles, et l’assimilation des ethnies fondues en une seule nation. Plongeant ses fondations dans les décombres de l’empire de Charlemagne – Petitfils voit dans la tragique bataille de Fontenoy-en-Puisaye, en 841, le moment fondateur –, un véritable roman, « le roman national », commence à s’écrire. Dans la succession toujours imprévue des événements « … se dégagent, au cours des âges, les lignes de force constitutives de la nation : seul le temps long, très long, permet d’éclairer la foisonnante brièveté de l’instant. » Dans un avant-propos très actuel, Petitfils évoque la fortune historiographique de la France, marquée par tant de grandes plumes. Il mentionne aussi la récente prétention de Patrick Boucheron de présenter une histoire éclatée et communautariste de notre pays : il l’exécute en quelques mots, mais son implacable réfutation se lit au fil des mille et quelques pages d’un ouvrage dense, mais toujours servi par une écriture fluide et précise. Oui, la France est un roman, que les Français ont écrit et continuent d’écrire de leur sueur et de leur sang, comme de leurs succès et leurs joies. Petitfils voit ce « roman » aujourd’hui menacé par le multiculturalisme, le déclinisme et le déni par la France de sa propre histoire, mais tout son livre constitue le plus vibrant plaidoyer en faveur du « redressement par le génie du renouveau ».
HISTOIRE DE LA FRANCE, LE VRAI ROMAN NATIONAL, Jean-Christian Petitfils, Fayard, 2018, 1145 p., 29 €