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Mythes mités

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Mythes mités

Marathon, Alésia, Poitiers, Bouvines, Verdun… Les noms des grandes batailles sont entrées dans notre mémoire collective. Sait-on vraiment ce qui s’est passé et, surtout, pourquoi l’affrontement est (était…) devenu exemplaire, emblématique, mythique ? Dix-neuf batailles mémorables sont ainsi analysées : leur déroulement puis la “fabrication” du mythe, immédiate ou différée. C’est le moine Héri, de l’abbaye Saint-Germain d’Auxerre, qui établit le rapport entre le mont Auxois et l’Alésia de César, au IXe siècle. Il en profite pour saluer la lutte des Gaulois pour leur indépendance et relativise la victoire de César. Il faudra quand même attendre le XIXe pour que la figure de Vercingétorix soit consacrée. Les auteurs ne cherchent pas à exalter un quelconque sentiment national : leur affaire est de raconter le mythe et son évolution. Retraçant la manière dont Poitiers a été érigée en victoire décisive contre l’expansion musulmane et les ravages auxquels il fallait s’attendre, le texte conclut « Pour ces groupes [extrême-droite et xénophobes], Charles Martel est jusqu’à aujourd’hui le symbole politique d’un homme délibérément anti-arabe ou anti-islamique, un combattant pour ce qui est considéré comme un véritable “européen”. En ce sens, Charles est malheureusement aussi un témoin de l’écart dans l’interprétation d’une figure historique entre une frange de la société et la recherche historique » (les premières considérations pro-islamiques remontent en effet à 1960). Le lecteur ne communiera donc pas à l’épopée : il en appréciera les détours et fera son deuil de Bouvines, dont « on peut se demander s’il est encore un fait historique ou s’il n’est pas devenu un objet fictif, à l’image du Moyen Âge populaire qui mobilise des masses cherchant le dépaysement d’une époque lointaine ». On aurait aimé se consoler avec Kosovo Polje (1389), Mohacs (1526) et Varsovie (1920), mais non : la victoire hongroise du XVIe siècle n’est qu’un paravent victimaire à des discours xénophobes, etc. Les grands mythes nationaux finissent, usés et déchirés, dans les poubelles de l’histoire.  

Batailles. Une histoire des grands mythes nationaux. Dirigé par Isabelle Davon et Béatrice Heuser. Belin, 2020, 320 p., 33 €.

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