Civilisation
Vauban pour toujours
1692, le duc de Savoie franchit le col de Vars, emporte Embrun, puis Gap. Louis XIV demande à Vauban de fortifier le Queyras.
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Jean-Marc Potdevin a fondé le réseau Entourage, qui tisse des liens entre les personnes sans abri et les riverains, c’est-à-dire ceux qui fréquentent le même quartier. Il vient de publier (avec Anne Laurent, ancienne SDF à l’histoire poignante) Humains dans la rue, petit livre étonnant et habile, qui est moins une enquête sur les sans-abris qu’un manuel pour rentrer en contact avec eux. L’idée est aussi étonnante que pertinente, et surtout elle incite à installer un rapport direct avec la misère et l’exclusion sans jouer sur la culpabilité et sans exigence de performance. On ne s’étonnera pas que le fondateur d’Entourage soit chrétien. Pour le dire autrement, il s’agit de désintermédier la solidarité ou la charité, sans non plus remplacer les travailleurs sociaux. Il s’agit d’aller, au-delà des statistiques sur la pauvreté et des chiffres sur les prestations sociales, sur le terrain, par la simple grâce d’un bonjour et de quelques mots. Le livre, bref, simple, clair et entrainant, multiplie les témoignages de ceux qui sont dans la rue (et qui sont loin de tous “taper la manche” : seuls 14% des SDF mendient régulièrement) et de ceux qui, un jour, ont décidé de s’arrêter et ont compris la somme d’humanité que recèle chaque sans-abri.
On peut alors enchainer sur la biographie de Dorothy Day, journaliste et militante catholique américaine née en 1897, qui devint très tôt anarchiste et communiste et se convertit à 30 ans. Elle créa le mouvement des Catholic Workers où de petites communautés, organisées en maisons, pratiquent l’hospitalité, surtout envers les marginaux : on jurerait les Maisons Lazare, fondées à Paris en 2006. On sent les trois auteurs conquis par sa radicalité, étonnant mélange d’esprit évangélique et de naïveté politique (elle admirait Castro et sa révolution, même après être allée à Cuba…), de justes luttes civiques pour améliorer le sort des ouvriers, des femmes, des Noirs, et de discours “traditionnalistes” (comme elle le dit elle-même.) sur l’avortement et la chasteté. Que les admirateurs de Chesterton et de Dorothy me pardonnent mais en lisant sa biographie, on retrouve la même furie journaliste et militante chez les deux personnages, la même capacité à se lancer dans la bataille, la même volonté d’écrire pour agir et pas simplement pour commenter et éclairer – et la même capacité à échouer (la communauté de Tivoli, 36 hectares achetés en 1964, est envahie de hippies ivres, et sur cent personnes qui habitent à demeure, seules quatre entretiennent la maison) ; bref la même volonté, comme le dit l’avant-propos, « de prendre au sérieux le message évangélique ». « Celle qui a élevé le service au sommet de sa joie a fait du message évangélique tout à la fois sa boussole, sa carte, son paquetage, son bâton, son chemin, sa destination, son point d’équilibre contre tous les vertiges » : chestertonien. Elle le publia, ainsi que Belloc, dans sa revue Catholic Worker, pour célébrer son distributisme et sa capacité à résister au Léviathan étatique. On sort étourdi de la biographie menée tambour battant de celle qui écrivit « Toute ma vie a été hantée par Dieu ». C’est une Simone Weil américaine qui a eu le temps de se convertir, et sa vie est comme un flambeau pour aujourd’hui.