Civilisation

Mémoires de Ponce Pilate
Cette réédition des Mémoires de Ponce Pilate chez Plon est bienvenue.
Article consultable sur https://politiquemagazine.fr
Cette biographie a l’avantage de se lire comme un roman. C’est tout l’art d’Anne Bernet de passionner son lecteur en lui retraçant la vie d’un saint ou d’un héros.
Saint Ambroise, c’est les deux. Un aristocrate de la vieille romanité, à l’illustre famille, fait pour assumer les plus hauts postes de commandement politique et stratégique, est attiré vers le mystère chrétien, comme beaucoup en ce IVe siècle où le paganisme s’use et se fatigue même s’il continue à se rebeller après la reconnaissance officielle du christianisme. Belle histoire de conversion progressive, intellectuellement assumée qui va se transformer en vie renouvelée par l’appel à l’épiscopat qui s’opère à la clameur populaire – comme souvent à cette époque – malgré les refus de l’homme désigné. Homme politique, évêque, autorité civile autant que morale et religieuse, voilà ce qu’Ambroise doit relever comme défi, tout en se disant fidèle romain, préoccupé du sort de Rome et de l’avenir de la romanité, en affirmant la divinité du Christ face au monde devenu arien avec la complicité d’une majorité d’évêques, défenseur de la foi de Nicée mais tout aussi bien de l’ordre social et historique, de telle sorte qu’il est possible de dater l’émergence du catholicisme ecclésial de saint Ambroise.
Quelle figure ! Entre saint Hilaire et saint Augustin, qui sera son disciple, ami de saint Martin, véritable professeur de religion, docteur de la foi, orateur incomparable. Capable d’opposer son autorité à la montée de la barbarie et à l’envahissement germano-arien, mais capable aussi d’imposer la loi divine à la loi impériale, de ramener les ambitions des empereurs, de l’impératrice Justine singulièrement, à leurs justes délimitations, d’intervenir dans les querelles abominables des rivalités de pouvoir du temps de Maxime, de faire front face aux prétentions insensées de la politique, de fulminer contre l’empereur Théodose, pourtant son préféré, pour l’affreux crime de Thessalonique quand le chef catholique, désigné en quelque sorte par Dieu, avait osé préférer sa vengeance et sa colère à la miséricorde. Théodose eut l’intelligence de se soumettre. Bref toute l’histoire de la chrétienté se trouve là. Ambroise la résume à lui seul et Anne Bernet nous le fait comprendre avec toute l’intelligence religieuse et politique requise. Un livre à offrir.