Évêque de Fréjus-Toulon depuis 2000, mgr Dominique Rey analyse le pontificat de Benoît XVI et les défis qui attendent le prochain pape.Il revient également les relations entre le Vatican et l’Église de France.
En tant qu’évêque de Fréjus-Toulon, comment caractériseriez-vous le pontificat de Benoît XVI ?
Tout au long de son ministère, le pape Benoit XVI a été habité par le désir d’inviter l’église à se remettre dans la logique de la foi, en rappelant la primauté de Dieu, en ré-axant la vie de l’église et des Chrétiens autour du Christ. Ce souci s’est déployé tout au cours de sa mission pontificale. La crise liée aux prêtres pédophiles, la dissidence des milieux lefébvristes, le souci de promouvoir la nouvelle évangélisation… autant de situations où Benoît XVI nous a invités à nous situer en face de la vérité de la foi, avec lucidité et courage. C’est ce qu’il nous invite à faire au cours de cette Année de la Foi, qu’il a inaugurée.
Que pouvez-vous dire en ce qui concerne les relations entre l’Église en France et Rome ?
J’ai eu la chance de participer il y a 3 mois, à la suite du Synode sur la Nouvelle évangélisation, à la visite ad limina à Rome des évêques de France. Ce fut pour moi une occasion de rencontrer le pape, en compagnie des autres évêques de la région PACA. Pendant une heure de temps, nous avons discuté très simplement et librement à bâtons rompus avec le Saint-Père, en étant confortés par lui dans la foi de l’église. Ce fut aussi l’occasion de rencontrer de nombreux dicastères et congrégations, dans un climat très simple et fraternel. Tout au cours de ces rencontres, j’ai senti un climat d’écoute et une grande sollicitude. La Curie Romaine a encouragé les évêques français dans leurs efforts en direction d’une relance missionnaire, à partir de la famille et d’une personnalisation de la foi.
Selon vous, quels défis attendent le prochain pontife dans le monde ?
Parmi les points d’insistance, je relève plusieurs défis : d’abord le défi vocationnel, compte tenu de la séniorisation non seulement du clergé, mais des communautés chrétiennes en général. Comment susciter une nouvelle génération de chrétiens, et spécifiquement des vocations sacerdotales et religieuses ? Ensuite un défi missionnaire, pour signifier de manière plus incisive et plus libre la présence et la parole de l’église dans une société sécularisée et marquée par la crise et la « fatigue d’être ». Enfin, le défi éducatif, celui de la transmission de la foi à partir de la famille et de l’école.
Comment voyez-vous l’évolution de l’Église en France ?
Je souligne un paradoxe qui est aussi un contraste : en premier lieu une exculturation du christianisme qui façonne de moins en moins les représentations culturelles et les mentalités, au point que les nouvelles générations sont analphabètes sur le plan religieux. Face à cette amnésie culturelle, on voit se dresser de nouvelles minorités de chrétiens, en particulier des jeunes, qui portent un magnifique témoignage de liberté spirituelle et de résistance morale. Nous nous trouvons dans une situation singulière où, avec la mort des grandes idéologies politiques et des utopies séculières, le christianisme porte seul, face à un monde désabusé, une espérance et un idéal qui nous affranchit du nombrilisme subjectif et hédoniste dans lequel se trouvent immergés tant de nos contemporains. Il me semble que les principaux enjeux dans les années à venir ne sera pas la disparition du religieux, car la question de Dieu revient à l’homme toujours en boomerang, mais comment ce réveil religieux ne sera pas tenté de régresser dans le radicalisme fondamentaliste ou, au contraire, l’immanentisme écologique ou le repli narcissique ; d’un côté le culte de la mère nature, de l’autre le culte du bien-être égotique et mimétique.
Le pape Benoît XVI, en cette Année de la Foi, a invité l’église à retrouver une écologie de l’homme, qui est à la fois une grammaire de la création et le rappel de notre vocation baptismale, que les Pères de l’église appelaient la « déification de l’homme ».