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Marthe Robin, l’enjeu de la crédibilité

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Marthe Robin, l’enjeu de la crédibilité

Dans les années 70, en pleine tourmente postconciliaire, et jusqu’à sa mort le 6 février 1981, Marthe Robin faisait figure de mystique et de sainte et fut conseillère de nombreux laïcs et surtout de prêtres, parmi lesquels des fondateurs de communautés nouvelles dont certaines du Renouveau charismatique. Son premier postulateur, le P. Bernard Peyrous, qui voit en Marthe Robin le héraut de l’effusion du Saint-Esprit, est d’ailleurs issu de mouvement. La fama sanctitatis de Marthe est telle, en France surtout, que la cause de béatification est introduite en 1986 soit juste au terme des cinq années de latence obligatoires après la mort du candidat. Déclarée vénérable en 2014, tout semblait aller comme sur des roulettes jusqu’à ce que le Père Conrad De Meester, carme, fasse paraître, à titre posthume, un livre[1] mettant l’opinion catholique en émoi, attristant les partisans de la “sainte” avant de les mettre en colère.
L’ouvrage, en effet, n’y va pas par quatre chemins ; jetant une lumière parfois glaciale sur les difficultés du dossier, la conclusion de l’analyse est terrible : la vénérable est une « faussaire » de la mystique ! Le carme est censeur théologique pendant la phase diocésaine du procès, autrement dit expert sur l’orthodoxie et la moralité des écrits de Marthe. Lors de son travail d’enquête, alors même qu’il a un a priori positif sur la servante de Dieu, s’il ne trouve rien à redire à l’orthodoxie des écrits, il constate, en revanche, qu’ils sont truffés – c’est peu dire – d’emprunts textuels, ou arrangés, à plusieurs auteurs mystiques et ce sans jamais donner de références, ni laisser sous-entendre qu’il s’agit d’emprunts (à titre d’exemple, 95 % du texte au sujet des visions de la Passion sont issus de La douloureuse passion de la Bienheureuse Catherine Emmerich). Contrairement à ce qui a été dit, le livre de De Meester n’est pas, purement et simplement, le rapport envoyé par lui à la Congrégation pour la cause des saints ; il prend en compte l’étude poursuivie par l’auteur au terme de son rôle de censeur. De fil en aiguille, donc, partant du constat initial de plagiat, le P. De Meester découvre ou assure découvrir des faux en écriture, des textes antédatés afin de correspondre à la legenda qui déjà est à l’œuvre, un examen médical insatisfaisant, fait par des personnes acquises à la cause ; de même, il met en doute l’incapacité qu’aurait eue Marthe de voir, d’écrire et de se déplacer. Compte tenu de tous ces points, et salvo meliore judicio, l’opinion du Carme, au terme d’une enquête honnête et rigoureuse, est claire : il ne s’agit pas de mystique authentique. Marthe est entrée, plus ou moins consciemment, dans ce rôle et elle le tenait à merveille. Loin donc de la sainte stigmatisée, prophète et visionnaire connue et estimée par l’opinon catholique, De Meester offre un tout autre portrait faisant voler en éclat la statue de Marthe Robin, plus grande mystique du XXe siècle et prophétesse du Saint-Esprit.

Efficacité critique du diable

La défense riposte alors avec célérité. On commença par accuser le P. De Meester d’avoir violé le secret de la procédure, qu’il écrivait sur une personne qu’il n’avait jamais rencontrée, qu’il était vieux et que la vieillesse est un naufrage, etc. Puis vinrent les livres censés répondre aux difficultés soulevées. Si aucun d’eux n’est satifaisant eu égard aux objections du P. De Meester, ils rétablissent tous, à leur manière, la legenda mise à mal. Ces livres sous le mode hagiographique sont essentiellement trois : celui d’Arnaud Dumouch[2], celui de Pierre Vignon[3], qui a bien connu Marthe, et celui d’un certain Yohan Picard[4]. La charité me commande de ne rien dire du premier. Le second est plus sérieux et de bonne foi, écrit de façon bien trempée mais tempérée. On y cite souvent des témoins dont beaucoup restent anonymes. C’est d’ailleurs une constante dans le dossier : il y a des témoins pour tout et le contraire de tout ; difficile d’y voir clair. Pour le dernier livre, on reste sur ce qui est déjà connu et rien de bien nouveau n’est apporté au dossier. Outre le fait de ne pas dévier d’un iota de la légende robinienne, l’autre point commun de ces trois ouvrages est de tenir le P. Conrad pour un dangereux personnage, sans scrupules et, qu’à Dieu ne plaise, voué à un purgatoire bien mérité.
Mentionnons l’œuvre de B. Peyrous[5] qui n’est pas une réponse directe à De Meester mais contribue à resituer le rôle du Carme, et donc aussi à mieux comprendre ses critiques, dans le contexte précis du procès. C’est d’ailleurs lors du procès que les difficultés apparaissent d’abord. Le P. De Meester, par exemple, n’invente pas une possible naissance adultérine pour Marthe, c’est la postulation elle-même qui la tient pour un fait acquis (P. Vignon, souvent remonté contre la postulation, pense que ce n’est pas avéré, qu’il s’agit du fruit d’un racontar familial). Autre exemple de difficulté que B. Peyrous, ex-postulateur, soulève : les circonstances entourant la mort de la servante de Dieu. Marthe fut trouvée au pied de son lit, en chemise, chaussée de pantoufles dans une chambre où les chaises étaient renversées et où se trouvait – sous un meuble et recouverte de papier journal – une cuvette ou une bassine contenant des déjections et du moelena. L’histoire des chaussons et de la bassine ne faisait pas partie de la légende initiale. Effectivement, elle faisait désordre et venait donner à cette mort, déjà pénible en soit, un côté morbide et franchement pathétique. L’explication fût donc trouvée : c’était le diable ! C’était le diable qui avait tué Marthe Robin. D’ailleurs le Père Finet en posant le corps de Marthe sur son lit n’avait-il pas entendu sa voix lui dire « Il m’a tuée » ? Une voix ? En fait, le P. Finet dira plus tard qu’il s’agissait d’une voix intérieure ! Ne mentionnant pas cette histoire de voix, P. Vignon laisse tout de même sous-entendre que c’est encore « Il », à savoir le diable, qui mit aux pieds de Marthe ces chaussons « répugnants et puants » ; pour ce qui est de la bassine, P. Vignon ne nous dit rien. Le P. De Meester, quant à lui, en tire une tout autre conclusion. Loin d’entendre des voix extérieures ou intérieures, il postule, à partir d’une lecture naturelle des faits, que Marthe, cette nuit-là, était descendue de son lit, qu’elle avait usé de la bassine et qu’ensuite elle n’avait pu rejoindre son lit, la mort l’ayant frappée, et que c’est dans cet état misérable que le P. Finet la trouva au matin dans une chambre fermée à clef.

Ne pas s’emballer devant l’extraordinaire

Enfin, dans cette joute, entre in fine le livre remarquable de Joachim Bouflet[6]. Consulteur auprès de la Congrégation pour la cause des saints et historien, spécialiste des apparitions mariales et des phénomènes physiques du mysticisme, l’auteur reprend point par point les problèmes posés et confirme ou infirme les faits prétenduement avérés. Sont passés ainsi en revue les stigmates, l’inédie[7], les infestations diaboliques, la maladie et les écrits de Marthe. De cette analyse impartiale, le constat, habituel dans ce genre d’affaire, et commun à plusieurs candidats aux autels, est que l’on brode souvent, on amplifie, on en rajoute dans l’extradordinaire, on voit ce que l’on veut voir, bref on forge une légende qui se démarque plus ou moins sensiblement de la réalité, souvent plus triviale. Évidemment, ce livre, pas plus que celui de De Meester, ne plaira aux inconditionnels de la stigmatisée drômoise et ce, même s’il n’est pas question, pour Bouflet, d’abonder dans un sens ou un autre mais d’en appeler au bon sens, à la raison, à la prudence et au sens vraiment catholique du surnaturel.
Le vrai mystique chrétien est celui qui vit caché en Dieu avec Jésus-Christ et qui, d’une façon ou d’une autre, se conforme à lui. Cette conformité n’est pas toujours imaginale, je veux dire qu’elle n’est pas toujours gravée dans le corps par des stigmates ou d’autres signes que nous lirions comme christologiques. La conformité au Christ est intérieure et consiste d’abord dans le commandement d’aimer comme il a aimé : toute la charité théologale est là. Elle doit être mise en œuvre, tant que faire se peut, compte tenu de la fragile nature humaine, dans les situations concrètes de notre vie. Une malade le fera comme malade en s’unissant à la Passion et à la Résurrection du Christ. Marthe Robin l’a-t-elle fait ? L’a-t-elle fait sans fraude ? L’a-t-elle fait purement et simplement ? Un oui franc serait reconnaître qu’elle est une sainte authentique. Pour le P. De Meester, la réponse n’est pas, on l’a vu, positive. Marthe aurait été conduite, au moins à une période de sa vie, à endosser le personnage de la mystique grabataire et elle ne s’en est jamais départi.
Qu’en est-il de la sincérité de Marthe Robin ? Peut-on être un saint et vivre quelque chose qui serait un mélange entre une charité vraie et un personnage de composition plus ou moins conscient ? Enfin, en définitive, quelle est la part attribuable aux conséquences organiques et psychologiques de la maladie de Marthe ? Et si, finalement, la maladie dans ce cas-ci avait pris un plus grand rôle que celui qu’on a bien voulu lui reconnaître ? La piété et le goût du surnaturel auraient fait le reste.
Le P. De Meester comme J. Bouflet, à titres divers proches de la spiritualité et de la théologie mystique du Carmel, ne s’emballent pas devant l’extraordinaire. Si, par exemple, certains témoins ont déclaré avoir vu une forme féminine, avec des cheveux gris, ressemblant à Marthe, se déplaçant « comme un cul-de-jatte », ils en concluent qu’il s’agit bien de Marthe, et non pas du diable ayant pris la forme de Marthe pour faire croire qu’elle pouvait se déplacer. Certains leur reprocheront de manquer d’esprit surnaturel. Mais qu’est-ce donc que la surnaturalité dans la théologie catholique ? Certainement pas les manifestations extraordinaires qui peuvent être liées à une vie spirituelle intense. Le surnaturel est ce qui appartient à l’ordre de la grâce et à la vie théologale. Le vrai surnaturel catholique est de vivre purement de foi, d’espérance et de charité, et de toutes les autres vertus, car il s’agit de l’unique voie, de l’unique moyen sûr et efficace d’atteindre Dieu en cette vie. Ni les apparitions, ni les révélations privées, ni les prophéties, ni les faits extraordinaires sensibles de la mystique ne sont d’ordre théologal, et s’ils peuvent, parfois, être des grâces, ils n’appartiennent par à l’ordre de la grâce et donc ne reçoivent l’adjectif “surnaturel” qu’indûment ! Plus souvent qu’on ne le pense, ils sont des faits naturels – ou préternaturels – se faisant passer pour du surnaturel. Suivant la doctrine du Carmel, celle de Thérèse d’Avila ou celle de Jean de la Croix, mieux vaut avoir pour tout ça une espèce d’indifférence voire de mépris : on s’y tromperait moins qu’à courir après toutes ces manifestations qui vont, souvent, de la névrose caractérisée à la fraude. Si un jour Marthe Robin est canonisée, elle le sera pour avoir vécu les vertus chrétiennes de façon exemplaire et non pour avoir prophétisé, plus ou moins heureusement d’ailleurs, ni pour avoir été bousculée par le diable, moins encore pour avoir eu ou non des stigmates. Il faut bien avouer que tous les thuriféraires de la “sainte” insistent, lourdement, parfois sur la kyrielle des faits extraordinaires, ou réputés tels, qui accompagne sa vie, comme si c’étaient là l’essentiel ou qu’ils prouveraient la sainteté de notre grabataire.

Quelle est la crédibilité de l’Église ?

Pour conclure, dans ce dossier, compte tenu de l’importance quantitative de la riposte, on peut légitimement se demander quel est l’enjeu de cette affaire. Du point de vue de la foi, strictement aucun : que Marthe soit ou non ce que d’aucuns prétendent qu’elle fut, une sainte, n’a strictement aucune incidence sur la foi. Si elle l’est, elle ne serait qu’un des nombreux exemples de ce type de sainteté présent dans l’histoire de l’Église et plus particulièrement au XIXe, plus propre aux femmes qu’aux hommes d’ailleurs, ce qui d’un point de vue anthropologique est déjà significatif : la visionnaire grabataire. Citons, par exemple, sainte Lydwine de Schiedam, la bienheureuse Catherine Emmerich, la bienheureuse Alexandrina da Costa, Thérèse Neumann, parmi les plus célèbres, mais la liste est loin d’être complète et tous les cas sont loin d’être clairs. Le seul enjeu réel est celui de la vérité et, en conséquence celui de la crédibilité de l’Église qui canonise. Ce qu’à fait le P. De Meester est, au nom de la vérité, de porter à la lumière les difficultés du cas, certaines ayant déjà été posées par le procès lui-même. Doit-on parler de « fraude » ? Cela suppose normalement une participation active au mensonge. Est-ce le cas ici, comme cela l’a été dans d’autres situations similaires ? La déclaration de vénérabilité semble devoir l’exclure. Cependant, comme le rappelle Joachim Bouflet, exemples à l’appui, le titre de vénérable n’exclut pas un arrêt définitif du procès.
Quoi qu’il en soit de l’avenir de la cause de Marthe Robin, il serait souhaitable qu’elle marque un arrêt, le temps que clarté se fasse, comme cela a été le cas pour la cause d’Yvonne-Aimée de Malestroit. On est aussi en droit de s’interroger sur la façon donc les causes sont aujourd’hui menées. De réforme en réforme, la procédure est allégée, accélérée, comme s’il y avait urgence à faire des saints. Il serait prudent et sage de revenir à une certaine lenteur permettant de faire le tri et, au temps, son œuvre. Enfin, on devrait clarifier une bonne fois pour toutes la question de la portée magistérielle des béatifications et des canonisations. L’infailliblité pontificale est-elle engagée ou non dans ce genre d’acte ?

[1] . Conrad De Meester, La Fraude mystique de Marthe Robin, Cerf.
[2] . Arnaud Dumouch, Marthe Robin, suicide, prophétie, purgatoire, son témoignage. M+éditions, 2021.
[3] . Pierre Vignon, Marthe Robin, en vérité, Artège, 2021.
[4] . Yohan Picquart, Marthe Robin réhabilitée, Saint-Léger éditions, 2021.
[5] . Bernard Peyrous, Le vrai visage de Marthe Robin, histoire du procès de canonisation, CLD, 2021.
[6] . Joachim Bouflet, Marthe Robin, le verdict, Cerf.
[7] . l’absence totale de nourriture et de boisson.

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