Le livre est intéressant. Le sujet est archi-traité. Il s’agit d’un essai biographique qui se veut essentiellement psychologique, voire psychanalytique : une sorte de portrait moral à dimension politique et sociale qui donne de la reine Marie-Antoinette une image plus complète, donc plus nuancée, hors des clichés trop partisans. Car tout a été dit, le pire comme le meilleur, sur cette reine qui, en raison de sa destinée tragique, reste à jamais « la reine » par excellence. Telle est la marque des livres de Cécile Berly qui portent sur la même personnalité ou sur la même époque. Elle connaît son XVIIIe siècle et elle l’appréhende comme une femme qui en ressent toutes les impressions, avant, pendant et après la Révolution, cette Révolution qui reste toujours et malgré tout la grande rupture de l’histoire moderne. L’exquis y rejoint l’insane, le plus raffiné y côtoie le plus atroce, le plus mièvre s’y fait le plus cruel, telle fut cette fin de siècle qui s’acheva en drame historique.
Mais, à force d’insister sur les libelles, les pamphlets, les campagnes de rumeurs infâmes, le risque est de s’imaginer que toute la société était gagnée par la même haine et partageait les mêmes jugements. La Révolution bien analysée fut essentiellement, à tous les niveaux de la société, l’œuvre de coteries, à la vérité de sales et sottes coteries. Certes, Marie-Antoinette fut plus qu’imprudente, et Louis XVI plus qu’imprudent de la laisser à son imprudence. Cependant, il faut le redire avec force : la reine ne trahissait pas quand elle défendait son roi et sa famille. Jamais Marie-Antoinette ne fut une femme sans mœurs et sans principes ; et quand elle dut affronter l’adversité, elle sut montrer sa grandeur d’âme dont l’héroïsme tranche singulièrement avec les comportements des misérables qui l’ont poursuivie de leur haine ignoble et ont voulu tuer en elle et la Reine et la Mère qu’elle demeure, du coup, à tout jamais dans l’imaginaire historique français et même mondial. Et c’est très bien ainsi.
Marie-Antoinette, Cécile Berly. PUF, 2020, 180 p., 14 €.